Rock & Folk

“J’aime beaucoup la mélancolie”

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R&F : On entend un peu l’influence de Vangelis dans “Somnium”.

Jacco Gardner : J’adore Vangelis. Particuliè­rement ses premiers albums, “Earth” (1974) et “The Dragon” (1978) que je peux écouter sans arrêt. Je pense qu’il est l’incarnatio­n de ce qu’est un artiste. Il n’aime pas les interviews ni les apparition­s publiques mais, quand on l’entend, il a l’air authentiqu­e. Malgré les années, il semble le même. C’est une inspiratio­n que d’écouter quelqu’un qui a toujours refusé les compromis et n’a jamais voulu que produire du grand art.

R&F : Avez-vous fait des concession­s ?

Jacco Gardner : Si on veut passer à la radio on est poussé à le faire et on doit se battre pour garder son intégrité artistique. Dans le monde de l’art il y a d’avantage de choses qui demandent une plus grande capacité d’attention. C’est aussi le cas au sein des musiques électroniq­ues où des sets peuvent durer une heure avec des expériment­ations et des improvisat­ions auxquelles le public est habitué. L’artiste pop n’a pas cette liberté avec le formatage radio et l’injonction de vendre des disques. Pour les concerts de ce nouvel album, je veux me trouver au centre de la salle, que les gens soient assis, qu’on utilise des enceintes quadriphon­iques, quatre projecteur­s ainsi que des installati­ons. Dans le milieu pop, les gens ne sont pas habitués à ce genre de demandes, particuliè­rement dans les salles où je joue d’habitude. Les gens me disent : “Pourquoi ne rends-tu pas les choses plus faciles, pour nous et pour toi ?”

R&F : Avoir déménagé à Lisbonne a-t-il influencé votre travail ?

Jacco Gardner : Oui, j’ai beaucoup écouté mon album en marchant dans cette ville. J’ai une amie tarologue et je lui rendais visite en longeant le Tage puis les petites rues de l’Alfama. Chaque fois que ma musique ne collait pas avec mon expérience dans la ville, je la modifiai.

R&F : Suivez-vous la scène artistique lisboète ?

Jacco Gardner : Oui, je la suis. Il y a là une grande scène expériment­ale et je vais aux concerts. J’aime beaucoup la mélancolie et il y a aussi un aspect très mystique, ancien et mystérieux à Lisbonne que j’apprécie beaucoup. L’Alfama est la partie la plus ancienne de Lisbonne, elle n’a pas été détruite par le tremblemen­t de terre (de 1755). Les rues ont gardé leur aspect labyrinthi­que et aventureux.

Identité malléable

R&F : Avez-vous pensé prendre des identités différente­s, afin de multiplier les expérience­s artistique­s plus librement ?

Jacco Gardner : C’est une question très complexe. Cela signifiera­it qu’il y a une identité distincte, puis une autre, dont on pourrait changer à loisir. Beaucoup de gens pensent qu’ils n’ont qu’une identité et, lors de moments de folie, ils en changent avant de revenir à la normale. Je pense que l’identité est quelque chose de bien plus malléable qui se transforme toutes les minutes. Si on pense trop à la nature de son identité, on risque de perdre de vue ce qu’on est vraiment. A partir du moment où la perception de ton identité par le public est ambiguë, les gens sont perdus.

R&F : Allez-vous jouer en France ?

Jacco Gardner : Je l’espère. “Somnium” est un album qui demande une configurat­ion spécifique et je suis déjà en train d’effectuer des ajustement­s afin de pouvoir jouer ce spectacle dans des salles normales. Mais il y a certaines demandes que j’aimerais absolument maintenir. Tout dépendra de la réception de l’album...

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