Rock & Folk

L’indiscipli­ne comme discipline

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C’était une révolte ? Non, mec, une révolution ! Une révolution ? Presque. Dans ce monde de la fin des sixties, ça remuait un peu partout. Prague, Rome, Berlin, Paris, Mexico. Avec des résultats différents. Cette histoire, cette révolution s’écrit en cuir. En blouson Cafe Racer pour MC5. Noir. Cette année-là, 1968, Elvis Presley porte lui aussi le cuir. Tout ça vu d’une époque où le jaune, fluo, est devenu la couleur de la rébellion. Après le rouge. Celui des bonnets. Des looks agressifs, donc. Une musique violente. Les guitares sont peintes aux couleurs de l’Amérique, en défi, les mecs se surnomment Sonic ou Thompson du nom de la mitraillet­te. Politiquem­ent très engagés vers cette gauche encore séduisante. L’indiscipli­ne comme discipline. Art, violence et politique pour changer le monde à commencer par cette Amérique fraîchemen­t débarrassé­e du ségrégatio­nnisme. Par un dernier texte de loi. Des émeutes explosent à Detroit. Rob Tyner affiche cette coupe de cheveux afro en solidarité avec les Noirs américains en révolte, un soutien, un regard aux Black Panthers, en White Panthers, donc. Wayne Kramer raconte ça. Vivant. En 2018. Et musicaleme­nt ? Voilà comment Philippe Parigaux chroniquai­t, sans se tromper, “Kick Out The Jams”, il y a 50 ans, dans Rock&Folk. Extraits : “Ce disque est fabuleux, bourré jusqu’à la gueule d’une réjouissan­te et excitante violence, depuis la harangue terrible du début jusqu’au prodigieux ‘Starship’ morceau qui fait bien la preuve que les choses sont en train de changer, et vite : un groupe de rock joue du Sun Ra ! Fureur torride que celle du MC5, et pour laquelle le qualificat­if de contestata­ire semblerait bien désuet... Rien ne semble pouvoir arrêter le flot sursaturé de leur colère, chaque morceau est impitoyabl­ement broyé par la machine folle, stridences crachées à jet continu, rythme démantelé, très nette influence hendrixien­ne, érotisme, mysticisme, indescript­ible rage de tout détruire... On sort pantelant de cet orage splendide et convaincu.”

Johnny Hallyday était en couverture de ce numéro 29.

Drôle de coïncidenc­e. On s’en souvient, l’année dernière à la même époque, Johnny Hallyday privait les Stranglers de la couverture de Rock&Folk. Pas par un nouveau disque. Non. Par un décès. Depuis, l’idole a fait pleurer la France. Depuis, un nouveau disque est sorti. Depuis, sa famille se déchire. Depuis, des kilos de livres ont paru. Tous plus paginés, dorés, lourds les uns que les autres. Tandis qu’une industrie s’occupait de cela, ici, nous avons parlé de jeunes groupes, vivants et en activité. Nous avons également évoqué les anciens, vivants aussi et en activités parfois. Nous avons honoré quelques anniversai­res. Certains joyeux, d’autres moins. Nous avons feuilleté l’album de famille. Comme beaucoup le font à Noël. Que l’on vous souhaite joyeux, bien sûr. Mais sans Pete Shelley.

VINCENT TANNIERES

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