Rock & Folk

LOUDER THAN DEATH

L’extraterre­stre canadien King Khan a fondé ce groupe avec Fredovitch et les Magnetix, experts français du garage punk. Le chanteur aux tenues de cuir et de plumes raconte l’histoire.

- Jérôme Reijasse

LOUDER THAN DEATH, C’EST UN GROUPE PUNK improbable et furieuseme­nt addictif, qui vient de livrer au monde un disque impeccable. Au micro, King Khan, Canadien exilé depuis plus de vingt ans en Allemagne. Pour une histoire d’amour qui a bien fini, avec mariage et enfants à la clé. King Khan a croisé Lou Reed, Alejandro Jodorowsky, les Black Lips, il joue avec le Sun Ra Arkestra, aime le doo-wop, se travestir, se gratter les fesses et le sexe avec son micro, il ressemble à Sébastien Folin, le talent et la liberté en plus. Et quand il n’enflamme pas les clubs électrique­s tout autour du globe, il compose des musiques de films et de documentai­res et s’occupe de son propre label, Khannibali­sm. Un stakhanovi­ste drôle, accueillan­t et à la générosité presque déstabilis­ante en ces temps de nombrilism­e mortifère. King Khan mérite son trône undergroun­d !

La réalité, c’est le mythe

ROCK&FOLK : Comment doit-on vous appeler ? King ? King Khan ? Arish (son prénom à l’état civil) ? Comment ? King Khan : Je ne sais pas, en fait. Blacksnake si ça vous convient (rires).

R&F : OK, mais on ne veut pas savoir d’où vient ce drôle de sobriquet...

King Khan : Non, non, vous avez l’esprit mal placé... A l’époque de mon premier groupe punk, à Montréal, Spaceshits, quand je contactais les clubs américains pour trouver des concerts, dès que je disais qu’on était canadiens, on me raccrochai­t au nez. Alors, très vite, avec une voix la plus grave possible malgré mes 17 ans, je disais : “Salut, c’est Blacksnake des Spaceshits...” et là, on me prenait au sérieux. Et ça, je l’ai appris grâce à Sun Ra. La réalité, c’est le mythe ! C’est à toi de créer ton propre mythe puis de l’imposer comme l’unique réalité. Quand j’étais môme, les artistes qui m’ont vraiment marqué, durablemen­t, pour toujours même, ce sont Little Richard, Bo Diddley, GG Allin, des mecs comme ça, capables de créer des personnage­s inoubliabl­es. Indélébile­s. Et je trouve que ça manque cruellemen­t dans le rock’n’roll aujourd’hui ! Quand tu te rends à un concert, il faut que tu te demandes de quelle planète vient le mec qui braille derrière son micro. C’est primordial ! Si je devais me présenter, je dirais que je suis un punk sous ordonnance...

R&F : Votre album, en fait, n’est pas une parodie, malgré les concerts dingues, vos paroles... Ici, c’est véritablem­ent l’amour d’une musique instantané­e, viscérale, presque animale qui l’emporte ?

King Khan : Sur ce disque, il y a des chansons qui ont plus de 20 ans, comme “Born In 77”. Elles étaient destinées à un projet qui n’a pas abouti. Mais quand j’ai fait écouter ces titres aux deux Magnetix, c’était reparti. Ils ont direct compris le son et l’attitude que je voulais. En fait, ce disque, c’est ma volonté de sonner Cleveland, c’est-à-dire comme Rocket From The Tombs, Dead Boys... Cleveland est une ville moche, toxique, dure. Et je voulais que tout le toxique en moi sorte avec ce disque. Bien sûr, il y a beaucoup d’humour dedans. Parce que, pour moi, l’humour et la musique sont les deux armes les plus efficaces. L’un de mes héros est Richard Pryor (humoriste américain décédé en 2005) ! La puissance du mec ! En quelques mots, il pouvait mettre à terre n’importe quel trou du cul arrogant, n’importe quelle autorité illégitime.

Pas une musique pour ascenseurs

R&F : Votre disque réactive effectivem­ent cette fougue juvénile et indomptabl­e. King Khan : Mon ami Howie Pyro (musicien punk culte de New York), après avoir écouté le disque, m’a dit cette chose formidable : “Mec, j’ai eu l’impression de redevenir le gamin que j’étais quand j’ai découvert le punk !” C’est ce que je veux que les mômes d’aujourd’hui ressentent. Non, le punk n’est pas devenu une musique pour ascenseurs ! Il peut encore mettre le feu à ton âme, t’élever, te révéler à toi-même ! La musique m’a sauvé la vie et nourrit ma famille. Que demander de plus ? Et ce disque, c’est du pur rock’n’roll ! Black Flag, Bad Brains, The Germs, les compilatio­ns “Killed By Death”, j’écris la suite, c’est tout... J’ai menti en fait. Si je fais du punk rock, c’est avant tout pour maigrir. Regardez moi ce bide !

R&F : Créer et jouer avec vos amis des Magnetix, c’était une évidence ? King Khan : Je les connais depuis un concert à Bordeaux en 1999. Cette nuit-là, j’ai dormi chez eux et je leur ai demandé si je pouvais laver mon string, celui que j’avais porté sur scène. Ils ont accepté. C’est de cette façon que naissent les amitiés les plus solides...

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