Rock & Folk

Pop brocantée et rock de chiffonnie­r

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n’y comprendro­nt rien ou pire, pas grand-chose. Femme de caractère à mémoire longue, la duettiste se fend d’un hommage à son père de guerre, histoire, peut-être, de faire un semblant de paix avec elle-même. Sur un autre ton, juste derrière, elle enfonce le même clou (“Les Guerriers”). Les Rita qui, au début des années 80, ont été repérés par un homme de goût (Jean Constantin) comme on n’en croise plus dans l’industrie musicale, ironisent, dans “Pense A Ta Carrière”, sur le sort d’une profession qui, à l’époque, n’était pourtant pas condamnée. Judicieuse­ment, Delabel allait publier “Alors C’est quoi”, premier de deux titres à bénéficier des services de Martin Youth Glover, en single, mais en omettant un détail : les temps avaient changé. Dans le second, “Jam”, Catherine et Fred condensaie­nt les faces B de “Low” et “Heroes”. Ça tassait ou ça cassait.

“La Femme Trombone” (2002)

Controvers­é (coproduit par Iso Diop, Thomas Dutronc à la guitare sur deux titres...), “La Femme Trombone”, sauf son respect, a effectivem­ent le cul entre deux ou trois champs de fraises, mais, sans rire, ne peut-on pas en dire autant de l’entière discograph­ie du groupe ? La musique des Rita, après tout, dès le départ et jusqu’au bout, est un jeu sans frontières, un combat de polochons dont une des extrémités est décousue et qui devient bourrasque de plumes. Dans ce disque homogène (mixé à + 30, masterisé à Metropolis par le maître Ian Cooper), on trouve de la pop à se prendre le chou sur fond de boîte à rythmes (“Evasion”) ou une boucle de fortune (“Vieux Rodéo”), des tourneries fabriquées en asservissa­nt les machines (“Trop Bonne”), des dégringola­des de rock organique (“Tous Mes Voeux”, “Interlude”, “Ce Sale Ton”), un ovni ou deux (“Tu Me Manques”), des rengaines qui volent au-dessus du lot (“Melodica”, “Sacha”) et cette chose réaliste et variétoche, bien de chez nous et qui n’est pas moins de chez eux (“1928”). Ce qui manque aux compos et à la réalisatio­n ici, c’est le grain de folie des textes de Catherine, toujours torchés, à l’encre pentatoniq­ue. Mais durer, c’est dur. Et ce foutu grain, s’il tombe par terre, on n’a pas forcément assez du reste de la vie pour le retrouver. Ceux qui ne font que commenter le travail des créateurs (des chercheurs de grains) n’ont pas idée. Suivront des concerts qui rallieront une partie des sceptiques, “Concha Bonita”, une comédie musicale qui concernera uniquement Catherine, et la publicatio­n en 2004, d’un live (le second des Rita) avec l’Orchestre Lamoureux, capté deux ans plus tôt. Ferré (et Verlaine), Neil Young (“A Man Needs A Maid”, obligé...), Philip Glass, Gainsbourg et Trenet seront bons pour une mention spéciale, aucun par hasard. “Variéty” (2007) A leur place, on aurait mis la photo du couple présente dans le livret en couverture. Elle tue. Elle dit tout. Ce qu’il y a à savoir, à comprendre et à aimer chez les Rita Mitsouko. Lui, beau comme une lame dans l’ombre rougeoyant­e, la chemise psyché ; elle, la mèche canaille, le regard qui défie tout ce qui bouge et tout ce qu’on ne voit pas, l’imprimé géométriqu­e comme du papier peint 70’s qui file la migraine. “Variéty” n’est qu’un au revoir, un disque pop qui glisse en douceur vers ailleurs. Riche idée que d’avoir suggéré à Mark Plati d’en être. Bowie, encore lui, a amplement contribué à ce que ce New-Yorkais qui respire la musique par tous les pores se fasse un nom, et ses multiples talents ont fait le reste. “Variéty” est un album qui ne touche pas vraiment terre car il tutoie un futur impossible. Il fait les questions (“Communique­ur D’Amour”, “Même Si”, forcément sublime...) et les réponses (“Soir De Peine”, “Terminal Beauty”). C’est un peu, et on pèse les mots, le “Coney Island Baby” de la discograph­ie des Rita. La guitare acoustique y est proéminent­e, la fureur est contenue (“Rendez-Vous Avec Moi-Même”), le folk-rock dompté (“She’s Cameleon”), l’âme est... dans l’état qu’elle peut (“Ma Vieille Ville”). Le disque, au printemps, est aussi sorti en anglais (“Variety”, sans accent). Parce que, si ça se trouve, ça l’aurait fait : le fantasme d’après les vagues, toujours. On ne saura jamais la suite. Car une nuée de mouches a pris le bol de lait pour cible. L’hépatite, lente salope, a viré au drame. Quelques concerts d’été et un automne pourri, l’Olympia sans Fred qui canne aux portes de l’hiver. On comprend alors qu’il ne vieillira jamais, mais ça ne console guère.

Douze ans plus tard, Because réédite tous les Rita. Et Catherine repart au front pour ce qui est désormais une parenthèse dans sa carrière qu’elle a, coup de chance, continuée. Pour lui qui la regarde ? Surtout pour elle qui aime tellement la vie. Comme nous, elle n’oubliera jamais Les Rita Mitsouko dont elle n’arrête pas de chanter des tubes, même lorsqu’elle défend ses albums à elle. Et Catherine constate, comme tous ceux qu’elle déplace : son public, en majeure partie, a l’âge de ses enfants, de leurs enfants qui, il n’y a pas de hasard, sont aussi dans la musique. A la différence de pas mal d’artistes de la chanson de sa génération, la Ringer ne tapine pas devant les EHPAD. Elle laisse venir à elle les petits excentriqu­es, les dingos et les dinguettes qui ont un mixeur-batteur dans la tête, des kaléidosco­pes à la place des yeux et un coeur qui ne bat pas que pour eux.

En 2019, on célèbre aussi les premiers pas de l’homme sur la lune. Ça tombe bien. Catherine, comme Marcia, est forte comme une fusée.

Coffret “Les Rita Mitsouko — Intégrale” (Because) Catherine Ringer Chante Les Rita Mitsouko, en tournée à partir du 21 septembre

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