The Nick Moss Band
ALLIGATOR/ SOCADISC
La fièvre blues retomba au début des années 2000. Histoire de survivre aux houserockers qui avaient fait sa réputation, Alligator sortit des albums de plus en plus blancs, de plus en plus rock et de plus en plus produits. En fait, le saurien n’avait pas attendu d’être en slip pour caréner sa production, ça devenait même une caractéristique de la maison. L’excellent “Lucky Guy!” dit tout ça : beaucoup de souffle et d’énergie, une épaisse tranche d’enthousiasme et un maximum de préméditation. Avec cette belle emphase sonore qui louche vers la bande FM, tout devient too much, les contractions d’harmo, les tombées de saxo, même les crises d’un piano excessivement cristallin. Question style, c’est du rhythm’n’blues passé au biceps par les meilleurs tueurs de la ville. Ce gros lard, qui chante un croone de camionneur d’une voix gominée, soliste puissant, décapeur de manche au rock’n’roll spirit, s’appelle Nick Moss. 13 albums au compteur. “Lucky Guy!” est son deuxième avec cet harmoniciste dantesque nommé Dennis Gruenling, vampire psychédélique aux ongles peints. Dans un studio de San Jose, Californie, ils retrouvent Taylor Streiff, Rodrigo Mantovani, Patrick Seals et Kid Andersen, clavier, bassiste, batteur, producteur (et guitariste des Nightcats, autres familiers de l’Alligator). Ils ne sont pas des réciteurs vintage ni de vulgaires gonfleurs de blues. Leurs petits sacrifices à l’air commercial du temps façonnent un R&B original et contemporain, irrigué par une culture de terrain, cette émotion historique qui monte des racines. Et ils servent la messe en latin, en jive, en dolby surround et en tartes dans la gueule.
✪✪✪✪
CHRISTIAN CASONI