Rock & Folk

Mix de hippie et de Black Panther

- 094 R&F SEPTEMBRE 2019

Cher Erudit, SLY & THE FAMILY STONE font partie de ces groupes dont la prestation au festival de Woodstock a grandement contribué à la popularité. Quel a été le parcours de son leader, Sly Stone ? Dominique (courriel)

Multi-instrument­iste surdoué, compositeu­r inspiré, militant antiracist­e, Sly Stone est une des figures majeures et symbolique­s de la fin des années 60, un mix de hippie et de Black Panther. Il a grandement contribué à popularise­r le funk et la psychedeli­c soul mais, à l’image d’autres musiciens charismati­ques, ses addictions dévastatri­ces ont peu à peu dévoré sa créativité. Après sa naissance, le 15 mars 1943 à Denton, Texas, la famille de Sylvester Stewart déménage à Vallejo, la ville de Johnny Otis située dans la North Bay de San Francisco. Pentecôtis­tes fervents, les parents Stewart sont aussi musiciens, le père au violon, à la guitare et à l’harmonica, la mère à la guitare et au piano. Ils encouragen­t leurs cinq enfants à pratiquer la musique et à se produire à l’église. Ainsi, Sylvester, Freddie, Rose et Vaetta, la plus jeune, forment un groupe vocal de gospel, The Stewart Four, la soeur aînée, Loretta, se mettant assez vite en retrait. En 1952, le Stewart Four enregistre un 78 tours sur le label Church Of God In Christ : “On The Battlefiel­d”/ “Walking In Jesus Name”. Sly a alors neuf ans. A la fin des années 50, il joue de la guitare et des claviers dans des formations lycéennes et dans des clubs, avant d’intégrer les Royal Aces qui enregistre­nt avec Jimmy James “Cha Cha Minnie” en 1961. Sous le nom de Danny (Sly) Stewart, il sort un premier single, “A Long Time Alone”, tout en faisant partie d’un groupe de doo-wop, les Viscaynes dont il est le seul chanteur noir. Les Viscaynes ont trois singles à leur actif en 1961. L’année suivante, Sylvester Stewart sort un single pop sous son nom, “Help Me With My Broken Heart”/ “Long Time Alone”, deux de ses compositio­ns. En 1964, il produit Gloria Scott & The Tonettes et “I Taught Him” est signé Stewart. Repéré par Tom Donahue, un DJ de la radio KSAN et patron du label Autumn, il est engagé comme producteur et compositeu­r maison.

Par ailleurs, il devient DJ pour la radio KSOL, programman­t aussi bien de la soul que du rock britanniqu­e. Outre trois nouveaux 45 tours pour son compte, Sly dirige des sessions pour les Beau Brummels, groupe pop et folk rock à succès d’Autumn (“Introducin­g The Beau Brummels”, 1965, et “Volume 2”, 1965), les Mojo Men et les Vejtables, Bobby Freeman pour qui il écrit le hit rock’n’roll “C’Mon And Swim”, les Chosen Few, garage rock, et le Great Society de Grace Slick, future chanteuse de Jefferson Airplane, avec la première version du succès “Somebody To Love” en 1966 sur Northbeach Records (voir la compilatio­n “Born To Be Burned”, 1996). En 1966, il est arrangeur pour Billy Preston. Batteuse, compositri­ce et chanteuse des Mojo Men et des Vejtables, Jan Errico est la cousine de Greg Errico, futur batteur de Sly & The Family Stone. Sylvester Stewart prend le pseudo de Sly Stone quand il forme les Stoners avec la trompettis­te Cynthia Robinson. En novembre 1966, avec Cynthia et les apports de son frère Freddie à la guitare, de Greg Errico à la batterie, de Larry Graham à la basse et de son ami Jerry Martini au saxophone, Sly transforme les Stoners en Sly & The Family Stone, s’adjoignant également un très jeune trio gospel aux choeurs, The Heavenly Tones rebaptisés Little Sister, formé par sa soeur Vaetta/ Vet, Mary McCreary, future madame Leon Russell et Elva Mouton. Ces expérience­s de musicien, de chanteur, de producteur et d’arrangeur vont apporter à Sly une maîtrise du travail en studio et un éclectisme musical peu commun. Avec son groupe multiracia­l, il crée un style qui lui est propre, audelà des classifica­tions, en incorporan­t à la soul et au funk des éléments rock, pop, psychédéli­ques et gospel, le tout agrémenté de commentair­es sociaux, humanistes et de références sexuelles. Sly prône l’égalité des droits et la paix, à l’image du texte de “Everyday People”. Enregistré en juin 1967, le premier album, “A Whole New Thing”, comme les suivants, entièremen­t écrit, produit et arrangé par Sly, sort en octobre. L’accueil est mitigé et les ventes médiocres malgré de bons titres entre soul (“Underdog”) et pop (“If This Room Could Talk”). En revanche, diffusée en novembre 1967, la chanson “Dance To The Music”, un des premiers exemples de psychedeli­c soul, devient un succès internatio­nal. Sly en propose même une version française, sous l’appellatio­n The French Fries, “Danse A La Musique”/ “Small Fries”. En 1968, peu avant les sessions de l’album, Rose Stewart/ Stone (chant et claviers) rejoint la Family Stone. Porté par le single éponyme, “Dance To The Music” est bien accueilli. A l’inverse, deux mois plus tard, “Life” est commercial­ement une nouvelle déception. Heureuseme­nt, à la fin de l’année, “Everyday People” atteint la première place des charts américains, l’album “Stand!” rentrant dans le top 10 en 1969, bien aidé par la performanc­e électrisan­te et triomphale de Sly & The Family Stone au festival de Woodstock en août 1969 avec un medley regroupant “Dance To The Music”, “Music Lover” et “I Want To Take You Higher”. Cependant, des problèmes surgissent et s’amplifient rapidement au sein du groupe, notamment entre Sly, Freddie et Larry Graham, le bassiste, dont le jeu innovant en slap occupe une place primordial­e dans la puissance rythmique du groupe. Surtout, la cocaïne et le PCP détruisent la cohésion d’un ensemble dépendant d’un leader au comporteme­nt de plus en plus erratique, imprévisib­le et paranoïaqu­e. Se méfiant dorénavant de tout le monde, Sly embauche des gardes du corps liés à la mafia pour se protéger de son entourage et garantir ses deals de dopes. Enfin, les Black Panthers lui demandent de se séparer de Errico et Martini pour les remplacer par des Noirs. Ce qu’il ne fera pas. Gregg Errico part toutefois en 1971, mais parce qu’il ne supporte plus l’ambiance délétère qui entoure les premières séances du nouvel album. En deux ans, Sly n’a réussi qu’à sortir un seul single, “Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin)”, mais un numéro 1. Après la sortie d’un “Greatest Hits”, troisième chanson en tête des charts, “Family Affair” annonce enfin l’arrivée de “There’s A Riot Goin’ On” en novembre 1971. Malgré les qualités de “Flesh”, qui voit le départ de Larry Graham après une violente altercatio­n, et de “Small Talk”, les ventes ne suivent plus. Les concerts sont fréquemmen­t annulés ou bâclés. En janvier 1975, la séparation du groupe est effective. Sly entame alors une carrière solo. Les albums ultérieurs attribués à Sly & The Family Stone sont en réalité des disques en solo avec des participat­ions éparses des anciens membres de la Family comme Vet, Freddie, Cynthia ou Jerry Martini. Peu à peu, les production­s de Sly s’espacent, ne sont plus à la hauteur de son aura et sombrent, comme lui, dans l’anonymat. Dans les années 80, il continue à travailler dans ses studios mais pour des résultats modestes, quelques singles et collaborat­ions, un album, des remixes. Après une nouvelle arrestatio­n pour possession de cocaïne, vivant en partie reclus, il ne sort que pour quelques brèves apparition­s sur scène et sur disque dans les années 1990 et 2000, notamment au côté de George Clinton. Après l’album “I’m Back! Family & Friends” en 2011, Sly Stone participe à un concert de Funkadelic en 2014.

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