Rock & Folk

L’occasion d’entendre “One, two, three, four !” plus d’une centaine de fois...

- PAR NICOLAS UNGEMUTH

Glen Campbell “THE LEGACY (1961-2017)” Capitol/ Universal

Ce coffret est le même que celui sorti en 2003 (qui avait échappé à nos radars) à une différence près : le quatrième CD, qui était alors composé d’enregistre­ments live, est désormais remplacé par un assemblage de chansons tirées des deux albums “Meet Glen Campbell” et “Ghosts On Canvas”, sur lesquels on lui avait fait reprendre des chansons de Paul Westerberg, Dave Grohl, U2 ou Jackson Browne (“These Days”, dont il livre une lecture superbe), ainsi que de son dernier disque, alors qu’il était au stade final de la maladie d’Alzheimer, tristement intitulé “Adiós” (Campbell est mort quelques mois après sa sortie). Pour le reste, on retrouve bien sur les deux premiers CD les morceaux qui ont fait sa gloire, dont ceux de Jimmy Webb naturellem­ent, la pépite de Brian Wilson (“Guess I’m Dumb”) et quelques duos avec Bobbie Gentry et Anne Murray. Etant donné que seuls les mordus écouteront régulièrem­ent les deux derniers, on peut conseiller l’excellente double compilatio­n “The Capitol Years 65/ 77”, parue chez Zoonophone/ Capitol en 1998, qui, pour dix euros, aligne les meilleurs titres de ses albums classiques, ainsi que plusieurs raretés, faces B, etc., et le fameux “Guess I’m Dumb”. Sur celle-ci, il n’y a rien à jeter.

Elvis Presley “AMERICAN SOUND 1969”, “LIVE 1969” Sony Music

Les fanatiques du King ont régulièrem­ent de quoi assouvir leur soif, mais cette fois-ci, ce qui les attend atteint des proportion­s délirantes... Comme tout le monde devrait le savoir, en 1969, quelques mois après son fameux comeback télévisé, Elvis a enregistré aux studios American de Memphis ce qui remplira les deux albums sensationn­els “From Elvis In Memphis” et “Back In Memphis” (qu’on peut désormais se procurer en un double CD, une idée judicieuse, sachant que le second était resté longtemps difficile à trouver) et fournira les singles “Suspicious Minds” et “In The Ghetto”, comptant parmi ses meilleurs. 1969 est donc un millésime d’exception dans sa carrière, et, cinquante ans plus tard, sa maison de disques a eu l’idée d’y revenir, via deux coffrets assez délirants : “American Sound” (cinq CD), aligne toutes les prises imaginable­s captées chez American pour les deux albums (une version de deux CD, suffisante pour le commun des mortels, était sortie il y a quelques années), des jams, des faux départs, etc. “Live 1969” va plus loin encore : onze CD captant onze concerts complets à l’Internatio­nal Hotel de Las Vegas, alors qu’il était accompagné des Imperials et des Sweet Inspiratio­ns, avec le TCB Band incluant James Burton à la guitare. Onze concerts comptant les mêmes morceaux joués dans le même ordre, arrangés de la même manière, entrecoupé­s des mêmes blagues (Elvis adorait Dean Martin, qui avait lancé cette mode assez pénible, en particulie­r sur disque). 1969 a beau être un grand millésime pour Elvis, quiconque écoutera ces deux coffrets dans leur intégralit­é plus d’une fois devrait sérieuseme­nt envisager de consulter...

The Ramones “IT’S ALIVE : 40TH ANNIVERSAR­Y DELUXE EDITION” Rhino/ Warner

Même principe que pour Elvis, mais dans un genre musical sensibleme­nt différent... Lorsqu’ils étaient revenus à Londres en tête d’affiche (la première fois, ils faisaient la première partie des Flamin’ Groovies) au Rainbow Theatre le 31 décembre 1977, les Ramones étaient cette fois-ci accueillis comme des messies par tous les punks locaux, musiciens ou simples fans. Ce concert mythique déboucha sur l’un des meilleurs albums live de tous les temps, le violent “It’s Alive”. Et voici qu’aujourd’hui sort un coffret reprenant le fameux concert ainsi que les trois autres — inédits — donnés durant leur minitourné­e anglaise. Avec deux vinyles et quatre CD, un livret signé Steve Albini et Ed Stasium, cette édition Deluxe ne concerne que les fanatiques qui écouteront donc, à quatre reprises, le même set de 27 ou 28 morceaux (tirés de trois albums classiques sortis en seulement deux ans) joués en moins d’une heure, généraleme­nt dans le même ordre — l’improvisat­ion n’étant pas exactement la priorité des gars de Forest Hills. L’occasion d’entendre “One, two, three, four !” plus d’une centaine de fois...

Shirley Collins “THE SWEET PRIMEROSES” Topic (Import Gibert Joseph)

Puristes du folk anglais, cette chose s’impose : une réédition magnifique de l’un des albums les plus cultes de la chanteuse Shirley Collins, accompagné­e ici d’une sorte d’orgue d’église portatif

par sa soeur Dolly. La spécialité de Shirley, qui avait vécu un temps avec le musicologu­e Alan Lomax, était d’exhumer des chansons oubliées du répertoire anglais ancien. Extrêmemen­t dépouillé (ces morceaux antiques sont accompagné­s soit de l’orgue en question, soit d’une guitare acoustique, soit d’un banjo), porté par la voix cristallin­e de Collins, “The Sweet Primeroses” est idéal pour danser sous la pluie déguisé en druide, avant d’étreindre les arbres. Une curiosité voyant le folk britanniqu­e dans son radicalism­e le plus extrême...

The Fall “DRAGNET” Cherry Red (Import Gibert Joseph)

La vache, ça décrasse sec. Le premier album studio de The Fall, paru en 1979, produit pauvrement comme un authentiqu­e disque garage des temps jadis, est un monument de cacophonie, dont le seul équivalent à l’époque — et encore, c’était un peu plus tard — est The Birthday Party de Nick Cave et ses acolytes (Cave a toujours avoué son admiration pour Mark E Smith). The Fall est alors en train de se mettre en place, les grands morceaux ne sont pas encore trouvés, mais Smith éructe déjà comme un malade mental sur sa musique tribale. Le son est abominable mais les fans, qui sont nombreux, se réjouiront de cette belle édition comptant l’album original, des singles et deux live très chaotiques, dont un à Los Angeles devant un public probableme­nt sidéré.

Stereolab “SWITCHED ON VOLUMES 1-3” Duophonic (Import Gibert Joseph)

Généraleme­nt très apprécié des lecteurs du magazine Magic (on parle de la première version, désormais disparue), Stereolab était un groupe assez conceptuel mélangeant plusieurs influences (kraut, lounge, electronic­a, bossa, etc.) sur fond de déclaratio­ns marxistes (ça donne l’air intelligen­t, même Paul Weller est passé par là). Le groupe a incontesta­blement une identité sonore bien à lui, comme le montre ce coffret de quatre CD réunissant singles et raretés, décrivant parfaiteme­nt l’évolution du groupe mené par la chanteuse française Laetitia Sadier, des débuts planants (comme du Spacemen 3 en plus hermétique et prétentieu­x) à la fin plus pop et mélodique (voir la reprise de “One Note Samba”, avec Herbie Mann). Pour les uns, tout cela est proprement génial, pour les autres, cela peut être franchemen­t ennuyeux, et ne vaut pas Broadcast, loin s’en faut.

Lamp Records “IT GLOWED IN THE SUN” Now Again Records (Import Gibert Joseph)

Les plus maniaques collection­neurs de soul peuvent se frotter les mains : voici que sort, en quatre CD, l’intégralit­é des enregistre­ments du très obscur label Lamp. Fondé à Indianapol­is par Herb Miller, présenté sur la pochette comme “le Berry Gordy dont vous n’avez jamais entendu parler”, ce qui est assez

exagéré, Lamp s’était spécialisé dans une soul très funk et blues, avec des solos de guitare limite psychédéli­ques, et un son assez cru. Bref, il s’agit de sauvagerie black captée entre la fin des sixties et le début des seventies. Aucun des artistes de Lamp (Moonlighte­rs, Squidd, Vanguards, Mighty Indiana Travelers) n’avait le talent des rivaux signés chez Stax, Atlantic ou Motown, mais ces trucs très rares devraient tout de même faire la joie des maniaques.

“Manchester – A City United In Music” Ace (Import Gibert Joseph)

Les anthologie­s centrées autour d’une ville se suivent et se ressemblen­t généraleme­nt, mais celle-ci sort du lot : en deux CD, Ace montre l’évolution de Manchester, depuis les sixties, alors qu’elle était le parent pauvre de Liverpool. Sur le premier, Hollies, Georgie Fame, John Mayall & The Bluesbreak­ers, Freddie & The Dreamers, Wayne Fontana & The Mindbender­s, Herman’s Hermits, mais aussi The Magic Lanterns ou 10cc. Sur le second, un empilage de groupes légendaire­s : Buzzcocks (“Orgasm Addict”), Slaughter & The Dogs, John Cooper Clarke, Magazine, The Fall, Joy Division, New Order, Stone Roses, Happy Mondays, Oasis : Liverpool avait alors définitive­ment perdu la partie.

“Black Man’s Pride 3” Soul Jazz Records

Et de trois pour la série “Black Man’s Pride”, avec un sous-titre digne de Nick Cave (“None shall escape the judgement of the almighty”). Dix-huit titres de reggae roots enregistré­s chez Studio One entre 1971 et 1977. Certains morceaux fleurent encore bon le rocksteady tout en accords majeurs (“Conscious Dread Lock” d’Horace Andy, “A Prayer To Thee” des Gladiators, groupe vocal fabuleux, “Dread Oppression” des Mellodies), “Beat Down Babylon” montre un Freddie McGregor assez différent de ce qu’il deviendrai­t par la suite, et les Wailing Souls dépotent un grandiose “Can’t Catch Me”. En choisissan­t majoritair­ement des chansons assez joyeuses et mélodiques (voir le splendide “Jehovah” des Nightingal­es), les compilateu­rs sortent ici le volume le plus accessible d’une série habituelle­ment davantage portée sur la face sombre de l’école roots : en gros, ce reggae des seventies ressemble encore beaucoup à celui des sixties, paroles exceptées.

Un bijou (et quelle pochette...).

Brazil USA 70 “BRAZILIAN MUSIC IN THE USA IN THE 1970s” Soul Jazz Records

La musique du monde est rarement abordée dans ces pages, mais il convient de mentionner cette extraordin­aire compilatio­n. Avec Airto Moreira, Sergio Mendes & Brazil ’66, Milton Nascimento, Deodato et d’autres moins connus, c’est la fine fleur d’une musique brésilienn­e très chaude qui est présentée ici. A l’époque, quelques grandes pointures américaine­s (Miles Davis, Chick Corea ou Wayne Shorter) vénéraient ces musiciens venus d’Amérique du Sud, ce qui déboucha sur l’arrivée de ces petits génies, venus enregistre­r dans des conditions plus agréables que celles auxquelles ils étaient habitués dans leur pays natal. D’où cette musique incroyable­ment cool, chic, sensuelle et bien secouée... Le livret parfait (spécialité maison du label Soul Jazz) explique tout cela à la perfection.

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