L’occasion d’entendre “One, two, three, four !” plus d’une centaine de fois...
Glen Campbell “THE LEGACY (1961-2017)” Capitol/ Universal
Ce coffret est le même que celui sorti en 2003 (qui avait échappé à nos radars) à une différence près : le quatrième CD, qui était alors composé d’enregistrements live, est désormais remplacé par un assemblage de chansons tirées des deux albums “Meet Glen Campbell” et “Ghosts On Canvas”, sur lesquels on lui avait fait reprendre des chansons de Paul Westerberg, Dave Grohl, U2 ou Jackson Browne (“These Days”, dont il livre une lecture superbe), ainsi que de son dernier disque, alors qu’il était au stade final de la maladie d’Alzheimer, tristement intitulé “Adiós” (Campbell est mort quelques mois après sa sortie). Pour le reste, on retrouve bien sur les deux premiers CD les morceaux qui ont fait sa gloire, dont ceux de Jimmy Webb naturellement, la pépite de Brian Wilson (“Guess I’m Dumb”) et quelques duos avec Bobbie Gentry et Anne Murray. Etant donné que seuls les mordus écouteront régulièrement les deux derniers, on peut conseiller l’excellente double compilation “The Capitol Years 65/ 77”, parue chez Zoonophone/ Capitol en 1998, qui, pour dix euros, aligne les meilleurs titres de ses albums classiques, ainsi que plusieurs raretés, faces B, etc., et le fameux “Guess I’m Dumb”. Sur celle-ci, il n’y a rien à jeter.
Elvis Presley “AMERICAN SOUND 1969”, “LIVE 1969” Sony Music
Les fanatiques du King ont régulièrement de quoi assouvir leur soif, mais cette fois-ci, ce qui les attend atteint des proportions délirantes... Comme tout le monde devrait le savoir, en 1969, quelques mois après son fameux comeback télévisé, Elvis a enregistré aux studios American de Memphis ce qui remplira les deux albums sensationnels “From Elvis In Memphis” et “Back In Memphis” (qu’on peut désormais se procurer en un double CD, une idée judicieuse, sachant que le second était resté longtemps difficile à trouver) et fournira les singles “Suspicious Minds” et “In The Ghetto”, comptant parmi ses meilleurs. 1969 est donc un millésime d’exception dans sa carrière, et, cinquante ans plus tard, sa maison de disques a eu l’idée d’y revenir, via deux coffrets assez délirants : “American Sound” (cinq CD), aligne toutes les prises imaginables captées chez American pour les deux albums (une version de deux CD, suffisante pour le commun des mortels, était sortie il y a quelques années), des jams, des faux départs, etc. “Live 1969” va plus loin encore : onze CD captant onze concerts complets à l’International Hotel de Las Vegas, alors qu’il était accompagné des Imperials et des Sweet Inspirations, avec le TCB Band incluant James Burton à la guitare. Onze concerts comptant les mêmes morceaux joués dans le même ordre, arrangés de la même manière, entrecoupés des mêmes blagues (Elvis adorait Dean Martin, qui avait lancé cette mode assez pénible, en particulier sur disque). 1969 a beau être un grand millésime pour Elvis, quiconque écoutera ces deux coffrets dans leur intégralité plus d’une fois devrait sérieusement envisager de consulter...
The Ramones “IT’S ALIVE : 40TH ANNIVERSARY DELUXE EDITION” Rhino/ Warner
Même principe que pour Elvis, mais dans un genre musical sensiblement différent... Lorsqu’ils étaient revenus à Londres en tête d’affiche (la première fois, ils faisaient la première partie des Flamin’ Groovies) au Rainbow Theatre le 31 décembre 1977, les Ramones étaient cette fois-ci accueillis comme des messies par tous les punks locaux, musiciens ou simples fans. Ce concert mythique déboucha sur l’un des meilleurs albums live de tous les temps, le violent “It’s Alive”. Et voici qu’aujourd’hui sort un coffret reprenant le fameux concert ainsi que les trois autres — inédits — donnés durant leur minitournée anglaise. Avec deux vinyles et quatre CD, un livret signé Steve Albini et Ed Stasium, cette édition Deluxe ne concerne que les fanatiques qui écouteront donc, à quatre reprises, le même set de 27 ou 28 morceaux (tirés de trois albums classiques sortis en seulement deux ans) joués en moins d’une heure, généralement dans le même ordre — l’improvisation n’étant pas exactement la priorité des gars de Forest Hills. L’occasion d’entendre “One, two, three, four !” plus d’une centaine de fois...
Shirley Collins “THE SWEET PRIMEROSES” Topic (Import Gibert Joseph)
Puristes du folk anglais, cette chose s’impose : une réédition magnifique de l’un des albums les plus cultes de la chanteuse Shirley Collins, accompagnée ici d’une sorte d’orgue d’église portatif
par sa soeur Dolly. La spécialité de Shirley, qui avait vécu un temps avec le musicologue Alan Lomax, était d’exhumer des chansons oubliées du répertoire anglais ancien. Extrêmement dépouillé (ces morceaux antiques sont accompagnés soit de l’orgue en question, soit d’une guitare acoustique, soit d’un banjo), porté par la voix cristalline de Collins, “The Sweet Primeroses” est idéal pour danser sous la pluie déguisé en druide, avant d’étreindre les arbres. Une curiosité voyant le folk britannique dans son radicalisme le plus extrême...
The Fall “DRAGNET” Cherry Red (Import Gibert Joseph)
La vache, ça décrasse sec. Le premier album studio de The Fall, paru en 1979, produit pauvrement comme un authentique disque garage des temps jadis, est un monument de cacophonie, dont le seul équivalent à l’époque — et encore, c’était un peu plus tard — est The Birthday Party de Nick Cave et ses acolytes (Cave a toujours avoué son admiration pour Mark E Smith). The Fall est alors en train de se mettre en place, les grands morceaux ne sont pas encore trouvés, mais Smith éructe déjà comme un malade mental sur sa musique tribale. Le son est abominable mais les fans, qui sont nombreux, se réjouiront de cette belle édition comptant l’album original, des singles et deux live très chaotiques, dont un à Los Angeles devant un public probablement sidéré.
Stereolab “SWITCHED ON VOLUMES 1-3” Duophonic (Import Gibert Joseph)
Généralement très apprécié des lecteurs du magazine Magic (on parle de la première version, désormais disparue), Stereolab était un groupe assez conceptuel mélangeant plusieurs influences (kraut, lounge, electronica, bossa, etc.) sur fond de déclarations marxistes (ça donne l’air intelligent, même Paul Weller est passé par là). Le groupe a incontestablement une identité sonore bien à lui, comme le montre ce coffret de quatre CD réunissant singles et raretés, décrivant parfaitement l’évolution du groupe mené par la chanteuse française Laetitia Sadier, des débuts planants (comme du Spacemen 3 en plus hermétique et prétentieux) à la fin plus pop et mélodique (voir la reprise de “One Note Samba”, avec Herbie Mann). Pour les uns, tout cela est proprement génial, pour les autres, cela peut être franchement ennuyeux, et ne vaut pas Broadcast, loin s’en faut.
Lamp Records “IT GLOWED IN THE SUN” Now Again Records (Import Gibert Joseph)
Les plus maniaques collectionneurs de soul peuvent se frotter les mains : voici que sort, en quatre CD, l’intégralité des enregistrements du très obscur label Lamp. Fondé à Indianapolis par Herb Miller, présenté sur la pochette comme “le Berry Gordy dont vous n’avez jamais entendu parler”, ce qui est assez
exagéré, Lamp s’était spécialisé dans une soul très funk et blues, avec des solos de guitare limite psychédéliques, et un son assez cru. Bref, il s’agit de sauvagerie black captée entre la fin des sixties et le début des seventies. Aucun des artistes de Lamp (Moonlighters, Squidd, Vanguards, Mighty Indiana Travelers) n’avait le talent des rivaux signés chez Stax, Atlantic ou Motown, mais ces trucs très rares devraient tout de même faire la joie des maniaques.
“Manchester – A City United In Music” Ace (Import Gibert Joseph)
Les anthologies centrées autour d’une ville se suivent et se ressemblent généralement, mais celle-ci sort du lot : en deux CD, Ace montre l’évolution de Manchester, depuis les sixties, alors qu’elle était le parent pauvre de Liverpool. Sur le premier, Hollies, Georgie Fame, John Mayall & The Bluesbreakers, Freddie & The Dreamers, Wayne Fontana & The Mindbenders, Herman’s Hermits, mais aussi The Magic Lanterns ou 10cc. Sur le second, un empilage de groupes légendaires : Buzzcocks (“Orgasm Addict”), Slaughter & The Dogs, John Cooper Clarke, Magazine, The Fall, Joy Division, New Order, Stone Roses, Happy Mondays, Oasis : Liverpool avait alors définitivement perdu la partie.
“Black Man’s Pride 3” Soul Jazz Records
Et de trois pour la série “Black Man’s Pride”, avec un sous-titre digne de Nick Cave (“None shall escape the judgement of the almighty”). Dix-huit titres de reggae roots enregistrés chez Studio One entre 1971 et 1977. Certains morceaux fleurent encore bon le rocksteady tout en accords majeurs (“Conscious Dread Lock” d’Horace Andy, “A Prayer To Thee” des Gladiators, groupe vocal fabuleux, “Dread Oppression” des Mellodies), “Beat Down Babylon” montre un Freddie McGregor assez différent de ce qu’il deviendrait par la suite, et les Wailing Souls dépotent un grandiose “Can’t Catch Me”. En choisissant majoritairement des chansons assez joyeuses et mélodiques (voir le splendide “Jehovah” des Nightingales), les compilateurs sortent ici le volume le plus accessible d’une série habituellement davantage portée sur la face sombre de l’école roots : en gros, ce reggae des seventies ressemble encore beaucoup à celui des sixties, paroles exceptées.
Un bijou (et quelle pochette...).
Brazil USA 70 “BRAZILIAN MUSIC IN THE USA IN THE 1970s” Soul Jazz Records
La musique du monde est rarement abordée dans ces pages, mais il convient de mentionner cette extraordinaire compilation. Avec Airto Moreira, Sergio Mendes & Brazil ’66, Milton Nascimento, Deodato et d’autres moins connus, c’est la fine fleur d’une musique brésilienne très chaude qui est présentée ici. A l’époque, quelques grandes pointures américaines (Miles Davis, Chick Corea ou Wayne Shorter) vénéraient ces musiciens venus d’Amérique du Sud, ce qui déboucha sur l’arrivée de ces petits génies, venus enregistrer dans des conditions plus agréables que celles auxquelles ils étaient habitués dans leur pays natal. D’où cette musique incroyablement cool, chic, sensuelle et bien secouée... Le livret parfait (spécialité maison du label Soul Jazz) explique tout cela à la perfection.