Dans L’Ombre Des Beatles
Carnets D’Un Attaché De Presse Dans Le Tourbillon Rock Des Sixties
DEREK TAYLOR Rivages Rouge
Le livre de Derek Taylor, “Dans L’Ombre Des Beatles”, est aussi unique que le parcours de son auteur, journaliste devenu attaché de presse des Beatles, des Beach Boys et des Byrds. Unique à plusieurs égards comme l’était l’exceptionnelle position de Taylor, interlocuteur privilégié des médias mais aussi des stars si convoitées que, ça tombe bien, Taylor admirait et aimait sincèrement depuis leurs débuts. Après quelques collaborations amicales, Taylor, entré dans ce cirque par le biais de Brian Epstein, quitta le journalisme pour travailler exclusivement au service des Beatles. Il fut pendant le pic de la Beatlemania leur attaché de presse, avant de tout lâcher pour partir en Californie où, avant d’aider à l’organisation du mythique festival de Monterey, il lança les Byrds et fit connaître au monde le génie de Brian Wilson. Revenu ensuite à Londres et toujours pote avec les Beatles et leur staff, il devint alors l’attaché de presse d’Apple, l’ambitieuse société du groupe et était donc aux premières loges quand la bise fut venue. Ecrit en 1970, à la toute fin de sa collaboration avec le groupe, le texte est à lui seul une parfaite incarnation de l’époque. Fantasque, parfois chaotique — ne pas se laisser décourager par le début un peu décousu — et fortement imprégné de produits illicites, ce récit de première main de moments cultissimes est aussi une frappante évocation de cette espèce de vie de cour que vivent sûrement la plupart des grandes stars, où chacun essaie d’obtenir les faveurs ou l’attention de ces véritables rois-soleils. Plus âgé qu’eux, plus lucide peut-être, Taylor était donc à la meilleure place — on a dit également de lui qu’il était le cinquième Beatles — pour comprendre les forces à l’oeuvre dans les malentendus ou les conflits entre les membres du groupe eux-mêmes ou entre tous ceux qui espéraient en profiter, montrant ainsi une facette du rock rarement décrite aussi simplement et aussi justement. Pas sûr, toutefois, que les musiciens sortent vraiment grandis de ce récit où seules les préoccupations financières semblent compter quand leurs plus fidèles et anciens proches sont, eux, froidement éjectés. Luttes de pouvoir, corruption, faux-semblants et arrangements avec la vérité, rarement histoire du rock aura finalement autant ressemblé à de la politique. Taylor, dès alors, avait aussi compris que ces moments historiques qu’il vivait, non seulement le marqueraient personnellement mais feraient de lui, comme de tous les autres collaborateurs oints par la divine proximité, des sortes d’ex-Beatles à vie pour les fans nostalgiques. Hélas, ses prédictions inquiètes sur son avenir à long terme, seulement fait de plateaux télés où il témoignerait de ces années flamboyantes ne se réalisèrent pas et sa mort prématurée, en 1997, justifiait a posteriori les frissons d’angoisse de l’homme charmant et drôle qui revit dans ces pages passionnantes et joyeuses.