Absolutely live
A huit sur scène dont quatre guitares
Altin Gün 12 SEPTEMBRE, CIGALE (PARIS)
La Cigale est totalement bondée ce soir pour la venue du sextette assemblé par le Néerlandais Jasper Verhulst, le public parisien semblant raffoler de sa réinterprétation kraut-psychédélique de chansons traditionnelles anatoliennes. La rythmique, chaloupée, foisonnante mais précise, permet l’épanouissement de deux talents scintillants : le ténébreux et timide Erdinç Ecevit Yildiz, aussi à l’aise au saz électrifié qu’aux synthétiseurs vintage, et la solaire chanteuse Merve Dasdemir, voix flûtée ensorcelante et robe à fleurs. A la surprise amusée du premier, le public entonne certains refrains malgré la barrière linguistique : “Goca Dünya”, “Vay Dünya” ou “Cemalim” mêlent avec grâce Orient et Occident, tout comme l’hypnotique “Süpürgesi Yoncadan”. En fermant les yeux, on se croirait presque à bord d’un vapur voguant sur les rives illuminées du Bosphore, par une tiède nuit d’été. JONATHAN WITT
Alice Cooper 20 SEPTEMBRE, SEINE MUSICALE (BOULOGNE-BILLANCOURT)
Alice en septembre, Iggy en octobre !
Qui aurait parié, lorsqu’ils sont apparus sur la scène rock, il y a un demi-siècle, que ces doux dingues américains seraient encore là, en live, en 2019 ? Le Coop’, égal à lui-même, a rassasié vieux fans parisiens et jeunes provinciaux rameutés avec ses refrains inoxydables balancés depuis un décor de château hanté au carton-pâte très apparent, mais qu’importe puisqu’on l’aime aussi pour ça. Le chant est maîtrisé, les arrangements saillants (trois guitaristes, pas l’ombre d’un clavier...), les trucages de film d’horreur sont toujours à peu près les mêmes, mais des perles ont fait leur réapparition dans le répertoire (“Raped And Freezin’ ”) et c’est bandant. Un jour, comme Iggy, Vincent F arrêtera de donner des concerts. Les absents des derniers n’auront que leurs yeux pour pleurer.
Les nôtres sont maquillés pour toujours. JEROME SOLIGNY
Wilco 22 SEPTEMBRE, TRIANON (PARIS)
Trois ans après leur précédent concert parisien, les membres de Wilco sont apparus requinqués. Là où leur jeu devenait un peu machinal, raffiné mais désincarné, on a retrouvé une spontanéité et une complicité authentiques. La fraîcheur est déjà palpable sur les titres du nouvel album, joué en quasi-totalité avec ses motifs minimalistes. Mais elle profite surtout à de relatives antiquités comme “How To Fight Loneliness”, “Reservations” ou “Handshake Drugs”, où chacun a l’occasion de briller et de pousser les autres membres vers d’autres sommets. Après un an et demi de pause volontaire, le groupe redécouvre le plaisir de jouer ensemble et surtout d’en faire profiter son public. FRANCOIS KAHN
John Cale 23 SEPTEMBRE, CITE DE LA MUSIQUE (PARIS)
Le musicien le plus savant du groupe le plus inventif des sixties se payait le luxe de trois jours de rétrospective futuriste (23 au 25 septembre) à la Cité de la Musique, taillant sans vergogne dans la masse d’une oeuvre totalement hors norme, de 1964 à aujourd’hui. Cate Le Bon assurait l’intérim au milieu du vacarme lié par l’ostinato de Cale au piano. Les merveilles défilaient : “Frozen Warnings” de Nico en ouverture. “Waiting For The Man”, “Dying On The Vine”, “Paris 1919”, etc. Aucune faute de goût dans un répertoire étendu en matière de styles. Le tout sous écran géant diffusant un art cinétique (mal reçu ici par un public peu enclin aux roulis psychédéliques) que Warhol aurait chaudement applaudi. SAMUEL RAMON
Mattiel 25 SEPTEMBRE, MAROQUINERIE (PARIS)
Deux années après ses prometteurs débuts, l’ancienne designeuse web d’Atlanta confirme ses penchants rétro avec le très soigné “Satis Factory”. Sur scène, impeccablement accompagnée d’un quartette, la jeune femme toujours aussi habitée surgit sur un instrumental surf, petits pas de danse, épaulettes eighties et pantalon de cuir audacieux. Le temps d’ajuster sa voix ample sur “Send It On Over” et “Not Today”, le diesel est en marche mais prouve avec les nouveautés “Athlete” et “Heck Fire” que Mattiel a surtout énormément progressé en terme d’écriture. Elle cajole l’audience avec le francophone “Je Ne Me Connais Pas”, affirme ses desseins purs avec le très country “Blisters” avant de se déchaîner en Castafiore garage lors d’un rappel enlevé composé de “Whites Of Their Eyes” et “White Light/ White Heat” du Velvet Underground. MATTHIEU VATIN
L’Epée 26 SEPTEMBRE, BOULE NOIRE (PARIS)
Habitués aux groupes à forte population scénique, les Limiñanas et Anton Newcombe ont prévu les choses en grand pour accompagner Emmanuelle Seigner.
A huit sur scène, dont quatre guitares, l’Epée aurait tout aussi bien pu s’appeler Le Marteau De Thor. Un mur de son, donc, au milieu duquel le patron du Brian Jonestown Massacre, regard toujours aussi intense, tente des guitares-drones et joue du Mellotron. Le son est chiadé — une gageure —, l’actrice impeccable et les musiciens habités par les mêmes obsessions électriques. Par cet amour du travail bien fait, les compositions du groupe — pour la plupart des tourneries psychédéliques de peu d’accords — ne sont que plus convaincantes.
BASILE FARKAS
Catherine Ringer 29 SEPTEMBRE, PHILHARMONIE (PARIS)
Pour fêter les quarante ans de sa rencontre avec Fred Chichin, Catherine Ringer rejoue les Rita Mitsouko, alternant hits indiscutables et morceaux moins connus comme “Stupid Anyway” ou “Triton”. Sur “Marcia Baïla” puis “Le Petit Train”, des danseurs viennent recréer l’ambiance des clips historiques. Le groupe, où Raoul Chichin brille à la guitare, couvre parfois la voix toujours aussi exceptionnelle de la chanteuse — un comble ! — mais le public, tombé en pamoison, n’en a cure. Au rappel, après un très émouvant “Même Si”, les musiciens se font pardonner en envoyant un torride “C’est Comme Ça”, le tube absolu. Catherine n’a plus besoin de chanter : la salle, en plein délire, s’en charge pour elle. SATN CUESTA
Local Natives 30 SEPTEMBRE, MAROQUINERIE (PARIS)
Retourner vers la sincérité des débuts après un troisième disque fade et désincarné, tel est l’enjeu du nouvel album des Local Natives, “Violet Street”. De fait, la setlist des Californiens est aussi disparate que leur discographie, malgré les éternelles harmonies vocales des trois frontmen. Le concert oscille entre moments de grâce, avec la maladresse indie pop de leurs débuts (“Airplanes”, “Heavy Feet”), et parenthèses pop un peu trop lisses (“Coins”, “Fountain Of Youth”). Mais le charme rétro du dernier album opère : le public, largement trentenaire, s’y retrouve dépeint, de “Shy” à “When Am I Gonna Lose You”.
LOU MARECHAL
Sleaford Mods 1ER OCTOBRE, CIGALE (PARIS)
Un an après son triomphal Trianon, le duo de Nottingham est de retour à Paris pour la tournée de son onzième album, “Eton Alive”. En première partie, The DSM IV donne le ton de la soirée : post-punk abruti et jouissif. Pogos et lancers de gobelets sont prêts pour Jason Williamson et son beatmaker.
Le chanteur, en survêtement sale et caleçon apparent, inonde la salle de ses monologues furieux, des derniers titres déjà cultes (“Kebab Spider”) aux incontournables “TCR” et “Tied Up In Nottz”. Rideau, au bout de 50 minutes de danses étranges et de jurons bien sentis. Fuck the show.
LOU MARECHAL
Immortel Bashung 2 OCTOBRE, GRAND REX (PARIS)
Pari fou que celui de mettre en scène le concert que Bashung aurait donné s’il avait pu prolonger son combat contre la maladie. Pari réussi, en grande partie grâce à ceux qui l’ont initié : Chloé Mons, Jean Fauque et les musiciens Yan Péchin, Bobby Jocky, Arnaud Dieterlen et Jeff Assy qui, à eux quatre, forment une des plus formidables machines de guerre qui se puisse réunir sur une scène. En l’absence du héros, une vingtaine d’interprètes était invités à revisiter son répertoire. Ceux qui surent ou osèrent apporter leur touche personnelle furent à la hauteur de l’exercice, tels Pierre Guénard, Brigitte Fontaine, parfaite dans le rôle du revêche “Samuel Hall”, JP Nataf, Diane Dufresne, intrigante à souhait, Raphaël, Jane Birkin, dont la présence était comme une évidence, Christophe Miossec et un HubertFélix Thiéfaine définitivement hors-concours. PIERRE MIKAILOFF
Allah-Las 4 OCTOBRE, ELYSEE MONTMARTRE (PARIS)
Peu importe la sortie programmée une semaine plus tard de son quatrième album, “Lahs”, l’ancienne salle de boxe affiche complet pour la venue du quatuor californien qui passe à six sur scène. Plus de douzecordes, mais l’occasion de réentendre les standards mélancoliques (“Busman’s Holiday”, “Catamaran”) de la troupe de Miles Michaud particulièrement de bonne humeur pendant que l’ombrageux Pedrum Siadatian, guitariste aux faux airs de Javier Bardem, abuse de reverb sur les somptueux instrumentaux “Sacred Sands”, “No Werewolf” des Frantics et le rare “Raspberry Jam”. Moins tubesques mais tout aussi solaires, les têtes dodelinent sur les nouveautés “In The Air”, “Polar Onion” et “Roco Ono” qui s’intègrent parfaitement à la setlist pour le plus grand bonheur d’un public très connaisseur. MATTHIEU VATIN