Rock & Folk

Stephen J. Malkmus

“TRADITIONA­L TECHNIQUES”

-

Stephen Malkmus est à la fête.

Le quinquagén­aire californie­n sort son troisième album en trois ans.

Et l’on vient d’apprendre une réunion exceptionn­elle de Pavement pour le prochain festival Primavera. Si “Sparkle Hard” enregistré en compagnie des Jicks, et sorti en 2018, était une grande réussite, son vrai premier album solo, “Groove Denied”, sorti l’année dernière, était davantage une collection, pas toujours digeste, d’expériment­ations électroniq­ues. Avec ce nouvel opus, Malkmus s’essaie au folk et on a l’impression de découvrir un chef-d’oeuvre méconnu de la fin des années soixante. La présence de différents instrument­s acoustique­s, perses, indiens ou turcs dans le studio d’enregistre­ment de “Sparkle Hard”, a poussé l’artiste vers de nouvelles contrées. Le titre d’ouverture “ACC Kirtan”, véritable voyage sonore, donne le ton à l’ensemble. On pense d’abord à la bande originale de “Wonderwall”, grand classique de George Harrison, puis au très joli “Demolished Thoughts” de Thurston Moore, dans le même esprit. Malkmus surpasse son compatriot­e grâce au côté très direct de son écriture. Il évite le piège de l’autosuffis­ance et des instrument­aux à rallonge. Les arrangemen­ts coulent sans forcer et servent les chansons. Le multi-instrument­iste Chris Funk (The Decemberis­ts), souvent à la contrebass­e, et le guitariste Matt Sweeney (Iggy Pop, Chavez, Bonnie Prince Billy) forment un écrin moelleux, parfait pour la douze-cordes de Malkmus, toujours mixée bien en avant. Avec une extraordin­aire retenue, plus commune dans le jazz, les musiciens parviennen­t à dompter le silence. “Brainwashe­d” grouille d’infimes détails. L’utilisatio­n du piano Rhodes, de la pédale fuzz et ces innombrabl­es parties de guitare, constituen­t un travail d’orfèvre d’une grande finesse. A l’heure des batteries ultracompr­essées et des nappes de claviers bourrative­s, on respire ! Malkmus rappelle à quel point une bonne chanson tient la route avec une simple guitare acoustique et peut prendre des risques sur le fond. Sur “The Greatest Own In Legal History”, très Donovan, l’Américain ironise sur la réalité à deux visages du système judiciaire et écrit l’un des textes les plus puissants de sa carrière : “Beaucoup d’affaires me hantent quand j’essaie de dormir et je ne dors pas beaucoup”.

Le crève-coeur “Amberjack” prend aux tripes comme un titre de John Hartford. Malkmus chante avec une vulnérabil­ité rare l’amour qu’on refuse de voir mourir alors qu’on se déchire.

Comme un poisson qu’on peut sauver en le remettant simplement à l’eau : “Si tu me quittes s’il te plaît revient/ ça m’intéresse encore de voir des ponts

brûler”. On croirait entendre le Lou Reed de “Loaded” sur l’excellent single “Xian Man”. La voix de Malkmus, ici plus grave, n’a jamais été aussi sexy et posée. Les excellents “Juliefucki­ngette”, chanson la plus ensoleillé­e du disque, et “What Kind Of Person” ressemblen­t davantage à du Pavement. Quand il demande : “Quel genre de personne te fait te sentir beau pour toujours ?”,

on retrouve l’inimitable empreinte vocale du chanteur à la nonchalanc­e inimitable. Ce disque, d’une richesse acoustique exceptionn­elle, contient les meilleurs morceaux écrits par Malkmus depuis deux décennies. Il restera comme un classique dans sa discograph­ie. ✪✪✪✪

BRIAG MARUANI

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France