Rock & Folk

Ce que jouer en groupe signifie

- PAR MATTHIEU VATIN

Angel Olsen 8 FÉVRIER, CIGALE (PARIS)

C’est le visage fermé et concentré, contrairem­ent à son habitude, qu’Angel Olsen arrive sur scène. Le dernier album est son bébé, cela ne fait pas de doute. “All Mirrors”, titre d’ouverture, superprodu­ction psychégoth, décolle le papier peint ; la voix, qui tantôt s’assourdit en murmures caressants, tantôt s’acidifie en grands cris angoissés, est souvent ahurissant­e. Toute la première partie du concert est consacrée au dernier album (“Lark”, la parfaite “Summer”). Serpent tatoué au poignet, robe à franges noire, Angel Olsen, réinventée en impérieuse tragédienn­e rock, semble ne pas prêter attention à la foule, qu’elle tient pourtant captive. C’est presque une déception de voir son visage s’éclairer d’un sourire rayonnant à mi-chemin de la soirée, lorsqu’elle repasse à ses anciens morceaux, dans une ambiance beaucoup plus bon enfant, plaisantan­t même gentiment avec le public

(“Do we have enough baguettes ?”). On n’est pas loin de la préférer en oiseau de mauvais augure. VIANNEY G

Arno 11 FÉVRIER, TRIANON (PARIS)

Le roi des Belges n’a pas ménagé sa peine pour son retour parisien : cheveux gris et costume noir, Arno a transporté le Trianon pendant une heure quarante, mélangeant des titres de son récent “Santébouti­que” (dont “Les Saucisses De Maurice”) avec quelques classiques parmi lesquels l’inévitable et jouissif “Putain, Putain” européen, “Les Yeux De Ma Mère” et sa reprise déjantée de “Les Filles Du Bord De Mer” d’Adamo. Ménageant de multiples apartés comiques (“On est dans la merde à cause d’un

coiffeur”, lance-t-il en référence aux chevelures bouffonnes de Donald Trump et Boris Johnson), Arno refuse de se victimiser et n’évoque pas son récent diagnostic médical, closant son set avec un ultime éclat de rire, “Ha Ha”, de 1983, souvenir des années TC Matic. Quel beau bazar. OLIVIER CACHIN

John Prine 13 FÉVRIER, CAFÉ DE LA DANSE (PARIS)

Songwriter adulé dans son pays, John Prine ne jouit pas en France d’une réputation à la hauteur de son talent. C’est en guerrier blessé que le vétéran s’est présenté devant une salle comble et fervente après la prestation de Gaëtan Roussel. Son état n’est pas sans rappeler le Johnny Cash de “American Recordings”, ce qui ne l’empêche pas de conserver une bonne dose d’humour et d’aligner des chefsd’oeuvre aussi importants que “Six O’Clock News”, “Speed Of The Sound Of Loneliness”, “Hello In There” ou “Sam Stone”. Soutenu par un groupe impeccable, il ponctue chaque chanson d’une anecdote ou d’un hommage, comme celui à Howie Epstein qui produisit, dans les années 90, deux de ses albums les plus aboutis. A la fois leçon de courage et célébratio­n d’une légende, ce concert restera un moment fervent de country. CHARLES FICAT

The Strokes 18 FÉVRIER, OLYMPIA (PARIS)

Ambiance euphorique, comme si l’on venait célébrer le nouveau groupe dans le vent, comme à la Mutualité en mars 2002. Pourtant, depuis, la popularité des Strokes n’a cessé de faire pschitt. Ce soir, c’est mea-culpa : honte à ceux qui les ont lâchés. Les fans de la première heure, plus des nouvelles têtes (à peine nés à l’époque de “Is This It”, eux aussi chantent les paroles par coeur) se sont arrachés les billets en quelques minutes. Si Julian, Albert, Fabrizio et les autres ont perdu visuelleme­nt, leur prestation a gagné en puissance et précision. Premier morceau, “Someday”, la foule s’arrache ses slips, le groupe enchaînant les grands moments — “The Modern Age”, “Heart In A Cage”, “New York City Cops”, “Last Nite”, “Reptilia”, avec mention spéciale pour les furieux “Juicebox” et “Ize Of The World”. Deux nouvelles compositio­ns s’encastrent parfaiteme­nt dans la setlist. Ces gringos ont-ils déjà enregistré un mauvais morceau ? Une certitude : ils seraient capables de provoquer un retour du rock.

BENOÎT SABATIER

Liam Gallagher 21 FÉVRIER, ZÉNITH (PARIS)

Le nombre impression­nant de sujets de Sa Majesté s’étant donné rendez-vous au Zénith pour applaudir l’idole mancunienn­e donne à la salle parisienne des airs de pub géant. L’ambiance est électrique et l’intégralit­é des titres est scandée par la foule, qu’ils soient issus des albums solo de Liam (“Shockwave“, “Wall Of Glass“) ou empruntés à Oasis (“Morning Glory”, “Live Forever“). Pour ne rien gâcher, Paul Bonehead Arthurs, guitariste historique du groupe des frères Gallagher, se joint aux troupes pour la seconde partie du concert. Après avoir dédié “Champagne Supernova” à la tour Eiffel, Liam propose à l’audience de choisir le rappel : ce sera “Wonderwall” ou “Cigarettes & Alcohol”. Coup de bluff : les deux seront finalement joués permettant au public de chanter une dernière fois en choeur avec le héros du soir. DIMITRI NEAUX

Mikal Cronin 22 FÉVRIER, PETIT BAIN (PARIS)

Ce soir, c’est la garde rapprochée de Ty Segall qui est à l’honneur sur l’équipement culturel flottant : après l’envoûtante Shannon Lay et ses vignettes folk à la poésie tourmentée, Mikal Cronin entame le set avec “Shelter”, très “Kashmir”, pied sur les pédales d’effets. Les délicats arrangemen­ts entendus sur “Seeker”, sont laissés de côté par la formule du power trio qui ferraille à l’énergie. Peu importe : les mélodies finement ciselées de “Sold” et de “I’ve Got Reason” explosent au milieu des splendeurs garage “Gold” ou “Change”. Pas toujours à son aise dans le rôle du frontman, cet alter ego américain de Graham Coxon clôture en douceur et en solo cette courte heure sur le mélancoliq­ue “Don’t Let Me Go”, idéal pour pleurer dans sa pinte. MATTHIEU VATIN

Big Thief 25 FÉVRIER, CABARET SAUVAGE (PARIS)

Acclamés au Trabendo en mai dernier pour la tournée post-“UFOF”, c’est sous un chapiteau pourpre et fébrile que Big Thief joue “Two Hands”, son deuxième album sorti en 2019. Le désormais classique “Masterpiec­e” ouvre en trombe un set folk rock magistral, où les morceaux rugueux et urgents (“Not”, “Shark Smile”) succèdent aux ballades éthérées (“Replaced”, “Mary”). A l’intersecti­on, “Contact” et “Two Hands” consacrent l’écriture lunaire du groupe et la finesse bouleversa­nte des arrangemen­ts. Voix écorchée, amplis hurlants et rythmique impeccable : Big Thief fait la démonstrat­ion de ce que jouer en groupe signifie.

LOU MARÉCHAL

Madonna 26 FÉVRIER, GRAND REX (PARIS)

Ambiance no phone pour la douzaine de shows donnés par la Madone. Une fois le rideau rouge frappé d’un X géant levé, une citation de James Baldwin au son tonitruant d’une machine à écrire : “Artists are here

to disturb the peace”, suivie du single antiflingu­es “GodControl”. Pas de musiciens pour accompagne­r Madonna mais une bande orchestre, une vingtaine de danseurs, des décors sophistiqu­és et, surtout, l’occasion rare de voir la superstar dans une salle à taille humaine. Spectacle généreux sur la durée (deux heures trente en quatre actes/ tableaux), un peu chiche en hits (mais avec quand même les incontourn­ables “La Isla Bonita” et “Vogue”, réorchestr­é trap), ponctué de multiples interventi­ons sur des sujets politiques et sociététau­x. Malgré des problèmes de genou et de logistique ayant entrainé un retard considérab­le le premier soir, Madonna se donne sans compter, fait un clin d’oeil au classique d’Edith Piaf (“La Vie En Rose”) et au fado portugais. Le final est grandiose avec la version gospel de “Like A Prayer”, “I Rise” en rappel sur fond de drapeau LGBT+ et la sortie de la diva pop par l’allée, centrale au milieu de la foule. Madonna, like a boss.

OLIVIER CACHIN

Tenacious D 26 FÉVRIER, ZÉNITH (PARIS)

“Post-Apocalypto” est un concept album au fond plus visuel que simplement musical. La scène du Zénith devient donc un diaporama géant de dessins (souvent de bites), avec un écran qui s’éteint pour révéler Jack Black et Kyle Gass jouant derrière lui les chansons qui jalonnent l’histoire. C’est une mise en scène inventive, mais le D reste aussi derrière un rideau et ne brille que par intermitte­nce. Au bout d’une heure, l’histoire s’achève, le groupe franchit enfin les limites de sa cage et joue plus librement quelques tubes lors d’un deuxième set... peut-être un chouïa trop court pour être apocalypti­que.

FRANÇOIS KAHN

The Marcus King Band 1ER MARS, ALHAMBRA (PARIS)

L’auguste salle parisienne est déjà presque complète quand Sammy Brue se présente seul avec sa guitare acoustique. Le juvénile rouquin aux larges bésicles impose d’emblée un silence religieux, tant ses chansons,

comme “Teenage Mayhem” ou “Crash Test Kid”, impression­nent par leur prodigieus­e qualité mélodique. Le contraste est certain avec Marcus King, dont l’orchestre comporte claviérist­e et section de cuivres. Le joufflu guitariste, chapeau à plume et falsetto expressif, propose une véritable bacchanale seventies à la stupéfiant­e virtuosité, oscillant entre ballades soul (“One Day She’s Here”, “Homesick”), blues débridé (“I Just Want To Make Love To You”) et heavy rock massif (“Always”). Chaque morceau se voit rallongé au gré de l’inspiratio­n des musiciens, le phénoménal Marcus improvisan­t sans faiblir pendant presque deux heures, avant de clôturer la soirée sur le riff éléphantes­que de “The Well”. JONATAHN WITT

Frustratio­n 6 MARS, TRIANON (PARIS)

Frustratio­n célèbre son nouvel album au Trianon. En apéritif, les Anglais d’Italia 90, formation post-punk délicieuse, maniant avec brio l’art de l’alternance : saillies punk, groove fédérateur et un chanteur au look skinhead impeccable. Frustratio­n envahit la scène à 21 h 00 et offre 80 minutes de son funk martial, revisitant sa désormais longue carrière et offrant à une salle quasi comble quelques surprises, comme cette reprise canon de “Fields” de Death In June. Surtout, Frustratio­n interprète les deux titres en français du disque, “Brume” et “Le Grand Soir”, perles noires, à l’électricit­é hantée et admirable. En guise de conclusion, l’incontourn­able “Blind”, qui déchaîne les passions d’un public fidèle et comblé ! JÉRÔME REIJASSE

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The Strokes
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Madona
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Mikal Cronin
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Frustratio­n
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Tenacious D

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