Rock & Folk

JAMES RIGHTON

Après l’aventure électroniq­ue fluorescen­te Klaxons, l’Anglais assouvit enfin son amour pour la pop orchestrée et artisanale. Une réussite.

- Jean-Emmanuel Deluxe

VERS 2005, LE NME, QUI CROYAIT ENCORE À L’ÉVOLUTION DE LA MUSIQUE VERS DE NOUVELLES FORMES, avait lancé le terme new rave. Une rencontre de l’indie pop avec la dance music inspirée par la scène Madchester (Happy Mondays, etc.). La plupart des artistes de l’époque, tels que Late Of The Pier ou Uffie ont disparu. James Righton, qui à l’époque était déjà le poppeux des Klaxons, a évolué à vitesse grand V, s’est marié avec la très populaire et anoblie Keira Knightley, puis a eu des enfants. Surtout, avec “The Performer”, il offre, dans un écrin pop glamour, l’expression honnête de ses préoccupat­ions sociétales et existentie­lles.

La dureté de la vie

ROCK&FOLK : A 37 ans, vous publiez un album adulte.

James Righton : Je n’aurais pas pu écrire cet album à un autre moment de ma vie. Je suis resté dans Klaxons pendant dix ans. J’étais un gamin de 21 ans qui n’avait rien à dire. Puis, quand j’ai rejoint mon projet Shock Machine (en 2016) j’ai gagné en l’assurance. Juste après, je me suis marié et je suis devenu père de deux enfants. J’ai alors cessé d’essayer d’être aimé à tout prix en chantant sur le cosmos ou William Burroughs. Avec Klaxons, nous formions un patchwork d’influences. Simon (Taylor) était attiré par la satire et Jamie (Reynolds) par la rave music des années 90. Moi, j’adorais les Beach Boys et les Beatles. Les Libertines parlaient du réel et de la dureté de la vie à Londres, alors que nous l’évitions. Peut-être parce que je suis anglais et que j’ai grandi avec de l’autodérisi­on, je n’ai pas une idée assez élevée de moi-même pour donner mon opinion.

R&F : Vous n’avez donc pas le syndrome Bono ?

James Righton : Règle numéro un, on ne devrait jamais rencontrer Bono (rires) car, quand

on se retrouve face à lui, il est si charmant qu’il fait tomber tous les préjugés sur son compte.

R&F : “The Performer” évoque la dualité de l’artiste, sur scène et au quotidien. James Righton : Sur Instagram, on affiche des versions idéalisées de nous-mêmes. Je me suis rendu compte que celui que tu vois en face de toi est devenu de plus en plus éloigné de celui qui joue sur scène. Je suis dans mon rôle de père 99% du temps alors, sur scène, je veux que les gens ressentent mes émotions conflictue­lles avec honnêteté.

R&F : Votre album a un son assez soft rock. On entend même des influences Steely Dan dans la production. James Righton : J’adore Steely Dan, Neil Young et Joni Mitchell. J’écoute principale­ment de la musique des années 70 avec un son chaleureux, du Wurlitzer, des guitares et des synthés analogique­s. Les paroles de Steely Dan étaient très choquantes, mais, grâce à cette production très soyeuse, on ne leur reprochait rien.

R&F : Votre regard sur le monde reste positif.

James Righton : Mon défaut réside peutêtre dans mon optimisme constant. Mais, dans l’album, je n’ai pas pu m’empêcher d’évoquer l’humeur actuelle du monde. La plupart des paroles ont été écrites avant le Brexit. Les mensonges sont devenus la norme et personne ne semble plus s’en soucier.

R&F : Vous évoquez aussi la république de Weimar. Y voyez-vous un parallèle avec la situation actuelle ?

James Righton : Quand j’enregistra­is cet album, je vivais à Berlin et à Prague où j’ai composé les bases de mes chansons au Wurlitzer. J’ai un peu étudié cette période qui me fascine pour son hédonisme, sa tolérance et son progressis­me. En l’espace de quelques années, pourtant, la situation s’est tendue et ce fut la montée du nazisme. Il est logique de penser que cela pourrait revenir aujourd’hui.

Musicalité particuliè­re

R&F : Vous connaissez bien la France ? James Righton : J’y passe beaucoup de temps. J’y ai une maison avec ma femme. J’ai joué sur le dernier album des Arctic Monkeys, qui a été enregistré aux studios La Frette (en région parisienne). J’ai eu la chance d’y jouer sur un piano qui appartenai­t à Maurice Ravel. JeanClaude Vannier est mon compositeu­r français préféré avec Serge Gainsbourg et Françoise Hardy. On a appelé ça à un moment la french touch, mais je pense qu’il y’a une musicalité particuliè­re dans la musique française.

R&F : Où voudriez-vous vivre aujourd’hui ? James Righton : Si tu m’avais posé la question il y a quatre ans, j’aurais répondu Los Angeles. En tant que songwriter, j’y aurais trouvé de nombreuses opportunit­és. J’aimais l’idée de posséder une maison dans Laurel Canyon en essayant de me connecter avec l’esprit des auteurs, compositeu­rs du LA des années soixante-dix. Mais ma femme ne m’aurait pas laissé m’y installer car elle est l’actrice la plus anti-Hollywood que je connaisse★

“On ne devrait jamais rencontrer Bono”

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