Rock & Folk

GRAEME ALLWRIGHT

Le chanteur d’origine néo-zélandaise, grand passeur folk installé en France depuis 1948, est mort le 16 février à 93 ans.

- Patrick Eudeline

IL FAUDRAIT PARLER DES HOOTENANNI­ES, du centre culturel américain, de L’Escargot Folk, d’Hugues Aufray et de la rue Quincampoi­x. En vrac. Parce qu’il est temps de parler de folk : Graeme Allwright est mort. Et d’ailleurs... Rappelez-moi le nom de ce magazine entre vos mains ? J’ai déjà, je le sais, raconté comment la voix de Graeme Allwright adaptant Bob Dylan m’avait bouleversé. C’est que son “Qui A Tué Davy Moore ?” racontait une histoire. C’était un film, quasiment. Et je ne savais pas qu’on pouvait faire cela dans une chanson (j’ai grandi entre Gloria Lasso, André Claveau et Sacha Distel...). Le titre, par ce fait même, me bouleversa­it autant que “Je Suis Sous” de Claude Nougaro ou “Six Roses” d’Annie Cordy. Parce que c’étaient des chansons cinématogr­aphiques. Avant que je découvre l’électricit­é, les mélodies à tomber et les chanteurs qui hurlent le blues, ces chansons, rares, à message, me fascinaien­t. Et dans le cas de Graeme, il y avait la conviction de la voix, cette guitare acoustique quasi monocorde (mono-accord, plutôt) qui tenait le propos. Le folk en France, comme aux Etats-Unis, était indissocia­ble de la révolution culturelle qui se déroulait alors. Bientôt, on parlerait de pilule, d’avortement, de liberté sexuelle et de liberté tout court, d’antiracism­e. Et ce ne serait pas dans les amphis de Nanterre. Non, ce n’est pas Mai 68 qui allait bouleverse­r la France et bousculer le vieux monde. Cela allait être la simple guitare acoustique d’Antoine.

Et sa voix. Comme il y avait eu Dylan aux States, le temps de deux ou trois albums.

Bon, Graeme a toujours été vieux. Plus vieux encore que ceux qui cachaient soigneusem­ent leur âge dans les sixties, les Nougaro, Nino Ferrer, Gainsbourg... qui tous avaient dix ans de plus — au bas mot — que les yéyés et les nouvelles idoles. Eux avaient connu les années cinquante et le jazz. Et cela changeait tout.

Graeme Allwright est né en Nouvelle Zélande. En 1926 ! Enfant, il est passionné de théâtre et rêve, comme tous ceux qui vivent là-bas, de Londres et de ses opportunit­és.

A vingt ans, en 1946, il part pour la terre promise. La guerre vient de se terminer, tous les espoirs sont permis. A Wellington, là où il est né, aux Antipodes, il a obtenu une bourse pour entrer dans une grande école de théâtre. Fauché, il fait le mousse pour se payer le voyage. Un beatnik d’avant le mot. L’aventure en somme. Curieuseme­nt, à Londres, il ne rencontre quasiment que des Français. Au théâtre Old Vic, où il étudie, comme ailleurs. Catherine Dasté notamment, la fille du directeur du Vieux Colombier, d’une vieille dynastie de théâtreux, les Copeau.

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