De l’engagement. De l’implication. Du coeur. Et de la vulnérabilité.
Quart d’heure d’anonymat
“C’est une question d’algorithmes (...). Ça s’applique à tout, à la musique, à
l’art”, disait un jour Jamie Hince dans ces colonnes... Et personnellement, j’y crois. Algorithme : ensemble de règles dont l’application permet d’effectuer une opération plus ou moins complexe. Quid du hasard alors, cet élément essentiel à la musique ? Avec l’algorithme, n’y aurait-il plus jamais alors de soucis de plagiat ? Et seulement des problématiques de démarcation, quantifiables à défaut d’être habiles ? Plus jamais d’histoires de similarité de lignes mélodiques non plus, donc ? Car, un algorithme ne commettrait, ô grand jamais, cet impair. Ni d’impair d’aucune mesure, de toute façon. Système binaire, souvenons-nous. “Un simple changement de ton, de
sol mineur à ré. Sauf qu’on ne s’y attend pas”, expliquait fièrement Benjamin Cicely (dans le “Bienvenue Au Club” de Jonathan Coe). Et face à ça, c’est précisément parce qu’il fait de la narration de ses échecs une esthétique que le rock, quoique moins fréquenté objectivement, est le dernier. Refuge. Même si face à cette envie de réussite qui vide les choses de leur sens, sa volonté de donner du sens n’est pas une garantie de succès pour autant. Ou en tout cas, pas dans les termes communément admis en 2020. Réseau social, clic et nombre de vues. “Avant, la musique, d’abord, on l’entendait, ensuite éventuellement, on la voyait. Aujourd’hui la musique, d’abord on
la voit. Ensuite on l’entend”, disait Chuck D. Que faire alors ? Eh bien, on rêvasse, en se repassant, merci au passage à Bertrand Burgalat, “Featurette” de Tot Taylor ! Une chanson qui, dans la grande tradition, suit sa propre voie, ouverte aux éventualités, n’obéissant qu’à son propre désir. Peut-être qu’une chanson, ça n’est que ça, d’ailleurs. Désir. Impossible par conséquent de l’en détourner, de l’infléchir dans ce sens. De décider pour elle d’une trajectoire à donner sans la corrompre, de la soumettre à la volonté d’un autre qu’elle, sans la confondre. Oui, une chanson, finalement, c’est ça. L’exercice d’un désir. Un désir exercé sans effort apparent. Et de là provient sa vraie beauté. Que peut
par conséquent l’algorithme face à ça ? Se persuader qu’il peut quantifier ce désir, y substituer son analyse. Cela dit, heureusement, sage savant, il se trompe. Il sait reproduire des tours, mais pas les inventer. Se les laissant dicter, en les dupliquant, par ceux que l’histoire contient déjà, ça d’accord. Mais certainement pas en faisant place nette à ce momentlà. Autrement dit : pas sans subir indirectement le poids de plus d’un siècle de musique enregistrée avant lui. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas l’impulsion sacrée, propre aux vrais inventeurs. Laquelle leur permet de faire table rase. De tenir l’histoire en respect... Et de générer une chanson qui devrait en théorie agir comme une authentique proposition. Satisfaite de ses limites, “la créature génère de la musique automatiquement, en fonction des morceaux qu’on lui fait avaler”,
écrivait Burgalat dans sa rubrique... nous sommes donc d’accord. Et puis, définitivement, l’algorithme ne sent pas le désir, ce fameux désir, monter (comment le pourrait-il d’ailleurs ?). Et ça se ressent. C’est juste un exercice pour lui. Voilà tout. Dieu merci pour notre humanité en un sens. Eu égard à notre complexité authentique. Que le grand capital nous dispute déjà en voulant constamment, et zéro et un, binariser les choses. Heureusement, donc. Puisque ça veut dire aussi que la grâce lui reste résolument hors de portée, à l’algorithme. Qu’il n’est pas magique lui-même. Et que dans cette tentative d’effraction de propriété, celle de l’unique, c’est le singulier qui vainc par la force des choses. Là, la nature qui reprend ses droits : l’algorithme étant écarté parce qu’il n’est pas en mesure de rivaliser, tout simplement. Et que sa volonté de simplification reste comme une fin de non-recevoir. Pourquoi ? Parce que regarder en soi lui est impossible déjà, étranger qu’il est à toute intériorité, sans âme, où regarderait-il ? A défaut d’autre chose, les chansons qu’il engendre illustrent bien ceci : cette absence de regard. Regard qui, comme chacun sait, est le miroir de l’âme.
Et de la responsabilité de l’artiste, Justin Vernon, alias Bon Iver : “Notre responsabilité en tant qu’artistes est donc d’observer les choses et de dire
ce que nous voyons”. Et puis parce qu’il n’a pas de grenier musical intime pour lui aiguiser les réflexes, le cueillir par inadvertance, et l’inscrire dans un cheminement propre. Propre à ceux qui ont appris à composer comme on apprendrait à marcher. De ce fait, c’est une imposture. Voilà d’ailleurs ce qui prouve, à l’opposé, que le compositeur n’est pas un robot, lui. C’est précisément qu’il compose. Il compose donc il est. Cela dit, le fait que l’algorithme ne soit pas ne l’empêche nullement d’avoir des prétentions, remarquez... C’est là la signature de notre époque, où tout le monde est censément doué d’un charisme et d’une aura indispensables : “On dirait que le monde est devenu un endroit génial, où tout le monde est génial et où chacun est le meilleur”, posait, en 2019, Adam Green. Et où manifestement tout le monde est un journaliste, un musicien, un photographe qui gagne à être connu... Cela dit, voyez “l’idée qu’il
se font de ma musique !”, comme le faisait remarquer John Lydon... Mais peu importe, puisque à l’avenir, soyons-en sûrs, “chacun aura droit à quinze minutes d’anonymat”,
acquiesce Bertrand Burgalat... RUDY RIODDES
A perpétuité
Merci à Christian Casoni et à R&F pour ces cinq pages sur les Inmates. Ils ont toujours été injustement sous-estimés, alors que le pub rock leur doit autant qu’au Doctor ! PATRICE
PS : Ne m’envoyez pas un Inmates hein, je les ai tous.
Bon a tout fait
Bonjour, suite à l’article sur Bon Scott qui aurait peut-être mérité une page de plus, vous dites que des titres comme “You Shook Me All Night Long” ou “Rock And Roll Ain’t Noise Pollution” transpirent de sa présence, mais saviez-vous qu’il avait enregistré une maquette de “Back In Black” ? ALAIN GILET
Le Forestier et sa tronçonneuse
Maxime sortant de sa grotte nous a offert le grand moment de rock’n’roll aux Victoires de la musique en reprenant du bout des lèvres un de ses succès, alors qu’on ne lui avait — je suppose — rien demandé, tant il est irascible, puis il a envoyé un scud au présentateur qui avait eu l’audace de rappeler à Philippe Katerine que le génie est tributaire de l’horaire pour dire laconiquement :
“Merci pour le bibelot !” Et si c’était ça être rock’n’roll, être irascible ! STEVE LIPIARSKI
Mickie maousse
Amis lecteurs, Nicolas Ungemuth ne se goure (rarement) jamais ! Son article commence par “Inconnu
en France...” Effectivement Mickie Most m’était inconnu, mais j’ai (presque) tous les 45 tours qu’il a produits. Des Animals à Kim Wilde. J’ai lu l’article deux fois de suite. PHILIPPE
Iso belle
Bonjour, je rentre à l’instant du travail et je trouve le dernier R&F dans ma boîte aux lettres. J’imagine que des tas de gens vous ont déjà apporté la réponse à la question posée par un lecteur. La voiture avec laquelle pose Johnny Hallyday est une Iso Grifo A3C de 1965 qui lui a appartenu avant d’être revendue en 2018 par Sotheby’s, mais que ça reste entre nous parce que je n’ai pas envie de me la faire chourer PHIL (L’AUTRE)