Rock & Folk

Monstres & Cie

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“Les êtres physiques imaginés par les mythologie­s et par les légendes, dragons, minotaures, harpies, divinités à formes étranges étaient des monstres. Les Centaures étaient des monstres. La Chimère était un monstre. Polyphème était un monstre”, écrit le Littré. Le rock’n’roll, comme l’art ou la religion, a créé ses propres légendes. Ses monstres. En ce sens, fantastiqu­e, Ian Dury en était un. Bouffon déformé par la maladie. Les genoux broyés, brisés, la gouaille cockney aux lèvres, Doc Martens aux pieds et qui regarde la normalité dans les yeux. Voulant inverser son destin prolo et conquérir le monde, pourquoi pas. Le rock business permettait ça. Roitelet régnant sur quelques dégénérés intéressés, sur une cour des miracles en blouson de cuir. “La Galerie Des Monstres”, ce film muet de 1924, “Freaks” de Tod Browning, bien sûr, montraient cet endroit, le cirque, espace refuge des autrement, des différents. Comme Brueghel peignant les éclopés, les mendiants tordus et difformes, dans cette foire infernale, violente, anormale et inquiétant­e. Pleine de sens magique. Ou les marquis poudrés de Clovis Trouille, ses ecclésiast­es salaces et ses nonnes dépravées. Son “Palais Des Merveilles”. Le rock fut ce lieu. Inventant ses espèces, s’il le fallait. Femmes habillées en homme. Hommes en talons aiguilles. Les déguisés. Nombreux. Les satanistes, crachant du faux sang, les yeux révulsés, un pentagramm­e comme logo. Les maquillés, New York Dolls (en femme), David Bowie (en flèche), Kiss, Marilyn Manson, Insane Clown Posse... Des types fringués en momies, en pirates... Lordi. Pénurie de masques ? Pas ici : Slipknot, Residents, Daft Punk, Ghost, on en oublie. Où, ailleurs que dans le rock, cela fut-il possible ? Au cirque ? Oui. Et dans le catch. Le rock’n’roll circus n’est pas une légende. Enfin si. Mais a, de fait, existé. Ian Dury, donc, acteur de ce conte. Mort il y a 20 ans. Laissant pour toujours ce “Sex & Drugs & Rock & Roll”, compris comme un cantique hédoniste, devenu hymne de son vivant et légué à une génération pas encore frappée par le sida, ni rattrapée par l’eugénisme. Formule devenue mode de vie, dangereux, certes, mais pas en 1977, cette époque tellement lointaine...

VINCENT TANNIÈRES

PS : En cas de confinemen­t, on pourra toujours revisionne­r la chorégraph­ie d’ouverture de la cérémonie des César interprété­e par Florence Foresti en Joker, sur “Rock And Roll” de Gary Glitter condamné en 2015 à 16 ans de prison pour actes pédophiles. Séparer l’homme de l’artiste...

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