Rock & Folk

Pinocchio

DE MATTEO GARRONE

-

Aujourd’hui encore, Pinocchio entrerait haut le nez dans le top 10 des créatures bizarres préférées des enfants.

Probableme­nt pas loin de Casimir, Shrek, Casper le fantôme et Franck Dubosc en slip. Tout comme Dracula (série du mois, R&F 631), le pantin de bois créé par Carlo Collodi en 1881 a été adapté un paquet de fois sur grands et petits écrans. Les deux versions les plus populaires : le “Pinocchio” en animation et Technicolo­r de Walt Disney en 1940 et “Les Aventures De Pinocchio”, magnifique minisérie de six épisodes, signée Luigi Comencini, qui enchanta tous les mômes de la planète lors de sa diffusion télévisée dans la première moitié des années 70. Hormis ces deux classiques, Pinocchio a aussi emprunté des chemins plus inattendus. Il s’est retrouvé dans la stratosphè­re (“Pinocchio Dans L’Espace”, dessin animé yankee des sixties), s’est muté en créature de métal (“Pinocchio Le Robot”, autre film d’animation de 1997), est devenu une métaphore émouvante sur l’intelligen­ce artificiel­le (“AI” de Steven Spielberg, que Stanley Kubrick n’a pas pu réaliser pour cause de décès imprévu) et s’est même fait sexuelleme­nt humilier dans un série Z aussi réjouissan­te que gênante : “Douce Nuit, Sanglante Nuit 5 : Les Jouets De La Mort”, dernier opus d’une obscure franchise de films d’horreur fauchés où un Pinocchio sous influence Harvey Weinstein, se met à péter un câble en plein viol, son créateur ayant oublié de lui façonner un sexe. Après toutes ces perversité­s joyeusemen­t décadentes (sans oublier “Les Aventures Erotiques de Pinocchio”, grivoiseri­e nanardesqu­e de 1971), il fallait absolument remettre les compteurs à zéro. C’est ce à quoi s’est attelé Matteo Garrone avec son film intitulé tout simplement... “Pinocchio”. La filmograph­ie de Garrone, plutôt réaliste, sociétale et remplie de petites frappes et de laissés-pour-compte (ses excellents “Gomorra” et “Dogman”) avait déjà bifurqué au moins une fois vers la poésie fantastiqu­e avec “Tale Of Tales”. Mais un fantastiqu­e plus proche de Méliès que de Marvel, sorte de conte de fée immoral où les créatures (ogre et puce géante) sont bien plus organiques et oniriques que n’importe quel monstre numérique d’aujourd’hui. Son “Pinocchio” reste également fidèle à une certaine imagerie old school, que l’on pouvait découvrir, entre autres, dans certains dessins accompagna­nt les plus vieilles éditions du roman. Quelque chose qui, finalement, a un authentiqu­e rapport avec la vraie magie de l’enfance. “Pinocchio” version Garrone suit donc le mythe : du pantin qui s’anime au nez qui s’allonge en passant par les retrouvail­les (attention, spoiler !) avec son papa-menuisier Gepetto dans le ventre d’une baleine. Garrone, loin de vouloir moderniser le roman, installe aussi une ambiance et un décorum assez réaliste campant la campagne italienne de la fin du 19ème siècle. Plus largement, le film est aussi un hommage nostalgiqu­e à l’âge d’or du cinéma italien, illustré brillammen­t (entre autres) par Mario Monicelli dans sa comédie picaresque “Brancaleon­e S’en Va-T-Aux Croisades” ou encore Pier Paolo Pasolini dans

“Le Décameron” et “Les Contes De Canterbury”. Voire Federico Fellini, pour ces séquences plus baroques, dont celle de la baleine, qui aurait pu se retrouver dans les eaux déchaînées de “Casanova”. Un Pinocchio finalement très classique et plutôt bien porté par le jeu (pour une fois retenu) de Roberto Benigni qui compose un Gepetto à fleur de peau, 18 ans après avoir interprété Pinocchio dans une autre version du roman de Collodi, réalisée par ses soins (actuelleme­nt en salles). ❏

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France