Rock & Folk

“Mystify Michael Hutchence” UFO

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Autant l’écrire d’emblée : ce documentai­re de Richard Lowenstein sur le chanteur du groupe australien INXS est incompatib­le avec ce que cette rubrique défend, modestemen­t, depuis qu’elle existe : la musique en images qui bougent. D’abord parce que Michael Hutchence n’y interprète pas un seul titre d’INXS, qui l’a fait connaître, en entier. Ensuite, parce que cette formation, pourtant méritante, en est quasiment absente. C’est quand même dommage. A la fois, la présence du sensationn­aliste Dylan Jones en interviewe­ur de Lowenstein et du pauvre Chris Thomas (producteur de trois albums du groupe dont son plus populaire, mais pas son meilleur) embarqué dans cette galère, dans le seul bonus de ce DVD, aurait dû mettre l’éléphant à l’oreille. Au prétexte de vouloir rétablir la vérité à propos de son ami (Richard Lowenstein, australien également, a réalisé de nombreux clips d’INXS) et de proposer ainsi une alternativ­e aux documentai­res à scandales (et au sinistre déballage consécutif à la mort du musicien), le réalisateu­r, à grand renfort d’images d’archives souvent inédites, s’est trop penché sur la vie privée de son sujet. Puisqu’il connaît tout le monde dans l’entourage de Hutchence, Lowenstein a pu parler à sa famille, à ses ex-petites amies, à certains membres du groupe (pas assez) et à ceux qui lui ont tourné autour, en cercles de plus en plus rapprochés au fur et à mesure que le succès grandissai­t et que le fric rentrait. Mais, sincèremen­t, quel est l’intérêt de revenir, à ce point, sur les déboires amoureux du musicien avec X ou Y ? Soyons clairs : même s’il a signé la plupart des textes, Michael Hutchence était un cinquième du groupe qui l’a rendu populaire. Et au moment où il a explosé, peut-être un peu moins. Car si, fin 1983, INXS a connu un succès mondial, c’est grâce à un single (son meilleur), “Original Sin”, produit par Nile Rodgers, qui a, lui aussi, pesé dans la balance. D’accord, c’est Michael Hutchence qui chantait, et donc, parce qu’en plus il était un performer charismati­que, on ne voyait souvent que lui. Mais les morceaux qui lui ont permis de rayonner ont été composés par les membres du groupe et principale­ment Andrew Farriss. Dans ce film, Hutchence apparaît comme un beau gosse tourmenté, qui a morflé pendant son enfance et s’est construit dans un cadre qu’il jugeait, parfois, trop aliénant. Il a comblé les brèches en se cultivant (ses textes sont super), en fréquentan­t des amis auxquels il tenait (et qui lui rendaient bien) et en montant (avec Farriss et ses frères) un groupe de rock. Quoi de plus banal, a-t-on envie d’écrire... Idem pour ses relations avec les femmes qui, d’ailleurs, ne regardaien­t que lui. Aller de fille en fille, quand on est un jeune type, beau, paumé et grisé par le succès, n’a rien d’extraordin­aire. Quant à la tragédie sentimenta­le qu’a été la fin de sa vie (on l’a retrouvé pendu dans une chambre d’hôtel à Sidney en 1997), était-il nécessaire d’en remettre une couche ? Sa relation avec l’animatrice télé Paula Yates (alors épouse de Bob Geldof) qui, elle-même, décédera d’overdose en 2000, ne regardait qu’eux et, malheureus­ement, leurs enfants qui ont pris tout ça en pleine gueule (Hutchence a eu une fille avec Yates, aujourd’hui âgée de vingt-trois ans, remerciée dès le début du générique, pour qu’on comprenne bien qu’elle l’a approuvé). Enfin, ce qu’on peut véritablem­ent déplorer ici, même si ça ne semble avoir effleuré personne, c’est que, dans sa chute, Michael Hutchence a emporté son groupe, ses quatre copains qui n’ont pas mérité tout ça et n’en sont jamais vraiment remis, au moins profession­nellement. Dans une aventure rock digne de ce nom, chacun a des responsabi­lités envers les autres et ne devrait jamais l’oublier. Exhiber Hutchence, en faire une victime (de lui-même) en le dissociant du lot est une erreur, et le fait passer pour l’égoïste qu’il n’était sûrement pas. INXS, bien meilleur que la presse l’a laissé entendre à l’époque, avait un super chanteur, mais n’était pas un backing band. On est impatient de visionner, un jour, un film qui le rappellera.

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