Roger Eno And Brian Eno
“Mixing Colours” DEUTSCHE GRAMMOPHON
Même s’il n’est plus nécessaire, dans ces colonnes, de présenter
Brian Eno, son frère cadet Roger, talentueux également, n’en est pas exactement un habitué. Pourtant, en tant que claviériste, il a joué en live avec Lou Reed, Jarvis Cocker ou Beck, et, en studio, il a loué ses services à David Gilmour ou Peter Hammill. A vrai dire, c’est pour des activités sonores plus discrètes qu’on le connaît. Le truc de Roger, c’est la musique qui ne tire pas la couverture à elle, le genre atmosphérique, pas très éloigné de l’ambient dont son frère a été un pionnier et que, quarante-cinq ans après son cultissime “Discreet Music” et quand le coeur lui en dit, il continue d’explorer. On a pu entendre la musique de Roger Eno dans des films, au théâtre et même au musée. “Mixing Colours” est le résultat d’une quinzaine d’années d’échanges de fichiers musicaux entre les deux frères qui ont estimé, à juste titre, qu’ils leur seraient bénéfiques. Ils démontrent, au passage, que, sur le plan de la création musicale, le travail à distance est devenu une belle réalité. L’album bruisse de dix-huit instrumentaux joués au piano aqueux ; des mélodies cueillies de la main droite et des accords à trois doigts maximum et aux mêmes vertus, plaqués avec la gauche. Des réverbérations sensuelles et savamment dosées contribuent à teinter, de pigments subtils et qui s’entremêlent, une musique presque translucide, hors du temps et à total contre-courant des déchaînements d’une époque dont on se souviendra surtout de la brutalité et de la triste vacuité. ✪✪✪ JÉRÔME SOLIGNY