Lazy Lester
“Yes Indeed!” TEMPO/ SOCADISC
On passerait des heures à scruter
les trois rouages du swamp pour tenter de percer la richesse d’une telle simplicité. Un roulis imperturbable, un minimum mélodique, un chant campagnard paresseux qui s’exhale à regret et qui sent bon l’Europe, n’étant pas ou peu tributaire du gospel comme la majeure partie des chansons américaines. C’est tout à la fois du blues, de la country et du rock’n’roll, une merveilleuse impasse au fin fond du pays, dont l’absence de pompe trahit l’obligeance. Une blague paroissiale improvisée qui ne vaut que ce que vaut la personnalité du type qui la raconte, une affaire d’hommes et une histoire de voisins. Pour ça, le swamp est presque une discipline, une cause de spécialistes. On prétend que Lazy
Lester a créé le genre dans les environs de Baton Rouge, en acclimatant la recette de Jimmy Reed. Pourquoi pas ? Lester n’a pas tellement enregistré, aussi, chaque nouvel album, même posthume, est un gage de confiance dans la justice de son pays. En 2003, sa carrière discographique est terminée. On ne savait pas grand-chose de ce maître discret avant que Benoît Blue Boy ne le fasse tourner en France, comme ici, dans ce festival de Périgueux. Avec lui, les Tortilleurs, fameuse unité d’élite composée de Stan Noubard Pacha, Thibaut Chopin et Fabrice Millerioux qui n’avait pas encore démonté sa batterie. Le grand Geraint Watkins tient l’orgue, et BBB en personne pouffe dans la gaufrette. Lui qui ne se considère pas comme un harmoniciste n’aura jamais joué autant sur un album, et montré avec une telle indécence sa finesse, sa science et son dévouement. Ces six sujets s’y entendent pour laisser miroiter la vibration du marais, alors que le bal commence. ✪✪✪
CHRISTIAN CASONI