Une belle chanson sur les virus et les maladies vénériennes
Dave Godin’s “DEEP SOUL TREASURES VOLUME 5”
Kent (Import Gibert Joseph)
Vers le milieu des années 90, des dizaines de compilations bien tassées dédiées à la northern soul ont déferlé sur le marché du CD. Le terme avait été inventé par Dave Godin pour décrire cette soul sixties up tempo avec force tambourins, choeurs, cordes et vibraphones, appréciée par les Anglais du nord que les nouveautés n’intéressaient pas. Dans le monde de l’exégèse soul, Godin est indiscutablement le patron. Ce grand homme avait monté dans les sixties la Tamla Motown Appreciation Society, puis ouvrit l’unique magasin de disques au monde exclusivement dédié à la soul, Soul City, importa les productions de Berry Gordy avant de monter son propre label de distribution, dont le slogan était “Soul as deep as
you like, and then some”. Enfin, Godin écrivait frénétiquement dans la revue qu’il avait fondée, Rhythm & Soul USA, décortiquant chaque nouveauté, chaque import obscur (c’est lui qui a découvert “Go Now” de Bessie Banks, reprise avec succès par les Moody Blues). Après la déferlante northern soul dans les années 90, Godin est allé voir les gens de Kent, dont le fameux Ady Croasdell (qui avait été DJ pour la dernière tournée des Jam et a fait découvrir beaucoup de choses à Weller) pour compiler le meilleur de ce qu’il nommait la deep
soul. La soul de la souffrance et des coeurs brisés (on découvre dans les notes de pochette qu’il existe même un sous-genre baptisé wrist-slashers : de la soul pour s’ouvrir les veines...), fortement influencée par le gospel, mais aussi celle des performances vocales les plus impressionnantes, les plus expressives, les plus subtiles. L’idée de génie de Godin, dès “Deep Soul Treasures Volume 1” (1997) était de mélanger des chansons méconnues d’artistes célèbres à des titres rarissimes que peu de gens avaient eu la chance d’écouter auparavant. Quatre volumes extraordinaires sont sortis jusqu’à la mort de Godin en 2004, et il aura fallu seize ans pour accoucher de ce cinquième, aussi bon que ses prédécesseurs. Car il ne s’agit pas de fonds de tiroirs ou de Croasdell se prenant pour Godin, mais bien des titres que le grand Dave avait souhaité faire figurer dès le début de la série. Il a tout simplement fallu beaucoup de temps pour en récupérer les droits. Le résultat est une fois de plus époustouflant, les titres de James Carr (le
singers’ singer par excellence), Carolyn Sullivan, Big Maybelle, Dee Dee Warwick, Eddie & Ernie, Jerry Washington, Lattimore Brown et bien d’autres ne cessent de provoquer des palpitations. Cher Dave Godin, merci pour tout...
Buddy Guy “FIRST TIME I MET THE BLUES — 1958-1963 RECORDINGS”
Soul Jam (Import Gibert Joseph)
D’autres musiciens ont largement contribué à façonner le fameux son West Side du blues de Chicago, ce genre qui a littéralement retourné les jeunes guitaristes blancs et britanniques dans les sixties : Otis Rush, Freddie King, Magic Sam en sont des figures incontournables, mais aucun ne semble avoir autant marqué les esprits que Buddy Guy. Déjà, Buddy Guy avait une voix puissante et chantait très bien. Mais surtout, il y a le reste. Son jeu assez martien en ces temps où Hendrix n’avait pas encore envoyé le blues dans une autre galaxie, et ce son : celui, mordant, du micro aigu de la Stratocaster (même s’il ne dédaignait pas, à l’occasion, utiliser la fameuse position hors phase du sélecteur), et ce qui ressemble régulièrement à de violents coups de marteau sur son vibrato. Le blues de Buddy Guy était acéré, percutant, presque violent. Et les titres gravés au début de sa carrière montrent une surprenante variété de styles, du blues pur au R&B flirtant avec le rock’n’roll. Ces titres gravés pour les labels Artistic, Chess et USA Records (dont certains sont très rares) le montrent prenant son envol avec une détermination impressionnante, et bénéficient, ici et là, de la présence de Willie Dixon, Junior Wells, Ike Turner ou Otis Rush. On ne peut rêver meilleure introduction à l’école moite du West Side de Chicago.
Curt Boettcher & Friends” “LOOKING FOR THE SUN”
High Moon/Sony (Import Gibert Joseph)
Du miel : 21 titres arrangés et produits par le mythique Curt Boettcher, avec un livret de 36 pages pour détailler son génie comme son parcours. Le New York Times a dit que dans un monde parfait, Boettcher aurait pu être un autre Brian Wilson, et on ne saurait être plus juste : ce que l’on nomme parfois la sunshine pop lui doit tant... La liste de ses clients est renversante : Sagittarius (en réalité, un groupe de studio comprenant Boettcher et son ami Gary Usher), Millenium, The Association, les Beach Boys en personne. Cette compilation, à l’exception de deux titres de Sagittarius, a décidé de présenter ses artistes les moins connus : Cindy Malone, Action Unlimited, Ray Whitley, The Bootiques et d’autres plus obscurs. Partout, on reconnaît son obsession pour des arrangements ultrapop, pour les mélodies les plus radieuses. Dommage, tout de même, de ne pas retrouver Millenium (l’extraordinaire “It’s You”) et les autres, mais Boettcher a participé à tellement d’albums dans les sixties, qu’il faudrait carrément lui dédier un coffret. Et pourquoi pas ?