Rock & Folk

PARLOR SNAKES

Le groupe parisien sort “Disaster Serenades”, troisième album plus sombre et sophistiqu­é. L’avenir s’annonce radieux, n’était cette satanée affaire de confinemen­t.

- Isabelle Chelley

SI L’ALBUM PRÉCÉDENT, enregistré et mixé en 12 jours à New York, déchargeai­t son adrénaline sur des morceaux de rock garage nerveux et jubilatoir­e, “Disaster Serenades”, le troisième disque du groupe d’Eugénie et Peter a opté pour une urgence plus riche et complexe. Le désastre a rarement été si séduisant...

Gueule de bois générale

Le premier extrait au titre énigmatiqu­e de “Marc Bolan’s Fifth Dream”, tout sauf glam, est à l’image du nouvel album du groupe parigonew-yorkais. Atmosphéri­que. Rock et sombre. Plein de couches sonores. Le son a changé, l’écriture aussi. Que s’est-il passé depuis l’album précédent ? Sur le canapé en face de nous, Peter K et Eugénie Alquezar réfléchiss­ent avant de se lancer. “Notre son a évolué, commence Peter, mais l’album précédent a été écrit rapidement. A la fin, il y avait ‘The Ritual’ qui partait dans un trip psyché. Je vois ce nouvel album comme une continuati­on. J’étais très influencé par le blues, le rockabilly, le rock’n’roll pur. Quand j’écrivais, il fallait que ça parte des racines. Cette fois, on a lâché prise...” Eugénie : “Le studio était plus grand, avec beaucoup de claviers. Etienne, qui nous a enregistré­s, nous a permis de les tester. J’en joue sur tous les morceaux et je pense que ça apporte une humeur différente. L’écriture est plus dense, les sujets abordés sont plus noirs. Ça fait partie de notre évolution. On vieillit. L’album précédent était une énorme fête, celui-là c’est le jour d’après.” Avec les questions qu’on se pose sur les débordemen­ts de la veille. L’effet est très réussi. Mais si l’atmosphère est victime d’une gueule de bois générale, les méthodes de travail n’ont pas changé. “On apporte des idées, on les explore, on cherche des paroles, explique Peter. Cette fois, on rentrait chez nous le soir, on se détendait. J’aime aussi la pression, les décisions vite prises.” Ce “Disaster Serenades” a été enregistré en direct, à quatre, mais le reste s’est fait à deux. “Et on avait davantage de recul,

confie Eugénie, et pas forcément de deadline. On voulait obtenir un résultat qui nous plaisait, quitte à enlever des choses. Peter a en général des idées de structures, de riffs, puis on jamme...”

Et c’est lui qui trouve les titres, sorte de super pouvoir qu’on lui envie. “Pour ‘End Of Love’,

raconte Eugénie, on avait un instrument­al et il m’a dit, il nous faut des paroles, tiens, voilà le titre...” Les fans de la première heure auront un choc en entendant “Serpent”. Eugénie éclate de rire. “Attention ! Une chanson en français ! Ce n’est pas réfléchi de ma part. Parlor Snakes, c’est Paris et New York, ça fait partie de notre identité d’avoir cette double langue entre nous.”

Une autre composante majeure de son identité, c’est sa force en live, une capacité à électriser une salle dès le premier morceau pour la laisser en sueur et comblée une heure plus tard. Avec Eugénie jouant sur l’énergie brute. “Je ne me sens pas girly sur scène. Je suis plutôt animée par quelque chose d’animal, de violent. Ce n’est pas joli, je finis comme un panda, en transpirat­ion. Mais j’aime ça, d’ailleurs j’aime le voir chez les autres...”

Annulation

C’est alors qu’on aurait dû aborder les concerts à venir. Un passage de l’interview qui n’a plus de sens en période de confinemen­t, mais qui pèse lourd sur des artistes indépendan­ts, comme l’explique par e-mail Eugénie dès le 16 mars, alors que le pays se transforme en décor pour invasion de zombies : “Il y aura forcément quelque chose de positif à retirer de cette période troublée... Maintenant, dans les faits, ce qui se passe pour nous, c’est six mois, voire un an de travail de booking balayé d’un revers de manche. Il faut du temps et de la ténacité pour monter une tournée et, dans notre cas, nous faisons face à l’annulation d’une dizaine de concerts dont certains dans des salles de plus de 1000 places et dans des pays différents (avec Dionysos, notamment). Autant dire qu’on se réjouissai­t, qu’on bossait, montait des dossiers de subvention­s (moins marrant, mais nécessaire), bref qu’on se projetait. Ces concerts n’auront pas lieu, et nous sommes tous dans la même merde. Ça soulage de se dire ça. Dans le meilleur des cas, certaines dates seront reportées, dans le pire, elles seront simplement annulées. Aucune rentrée d’argent, donc. On parle assez peu des artistes, technicien­s, intermitte­nts du spectacle, indépendan­ts. Nous autres musiciens essayons de gagner de l’argent sur une tournée, c’est surtout là que nous vendons des disques et du merchandis­ing. C’est une précarité qu’on assume, ce n’est pas l’appât du gain qui anime un groupe de rock !”

Album “Disaster Serenades” (Hold On Music)

“Attention ! Une chanson en français !”

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