Papa tient la basse
Les années passent mais le constat reste le même : de plus en plus nombreuses dans le domaine de la chanson, les filles restent très minoritaires dans le rock et la pop français. Mais cela n’empêche pas cette minorité active d’exister et de revendiquer sa place avec une assurance de plus en plus décomplexée, à l’instar de trois des huit sélectionnés du mois sur les quarante-six arrivés à la rédaction.
Venu de Bretagne, où il officie depuis 2016, le trio Good Bad & Young est centré autour de sa jeune chanteuse-guitariste (alors que son papa tient la basse). Après avoir débuté par des reprises de blues, il a élaboré son propre répertoire anglophone qui constitue la matière de ce premier album. Les onze compositions originales se situent au confluent du rock et du folk, associent la guitare acoustique et des influences irlandaises à des rythmiques et un esprit rock, et mettent au premier plan une voix féminine atypique, mélange de fragilité et de détermination (“Atrium”, Vocation Records, goodbad&young.com).
Le duo Nadeah & Beki peut être considéré comme un trio : les deux chanteuses (une australienne d’origine serbo-indienne et une anglo-syrienne) officient au sein de diverses formations et se sont retrouvées pour participer aux tournées de Nouvelle Vague, où est intervenu le maître d’oeuvre, Marc Colin, qui participe directement à la conception de cet EP quatre titres. Le résultat (bilingue) évolue au carrefour de l’electro, du rap et du rock, au gré de voix pétulantes et d’un parti fun et dansant (“Dream Bitches”, Kwaidan Records, kwaidanrecords.net/ nadeah-beki, distribution !K7 Music).
Le projet solo Roseland permet, depuis 2016, à Emeline Marceau (installée à Jonzac) de peaufiner ses propres créations en marge d’autres expériences musicales en duo ou en groupe. Son premier album (élaboré avec le concours de quelques musiciens complices) fait la part belle aux guitares et aux synthés en arpentant les voies d’une electrop-pop anglophone, tour à tour apaisée et convulsive, qui cultive les contrastes au gré de mélodies mélancoliques et d’une voix insidieuse et prenante (“To Save What Is Left”, Roseland, facebook.com/roselandmusique, distribution Inouïe Distribution).
Depuis 2013, French Cowboy & The One est la nouvelle mouture (en duo) des French Cowboy qui, depuis 2006 (3 albums et des musiques de films) abritait les nouveaux exploits de quatre ex-Little Rabbits, groupe nantais hors norme. Leur second album, enregistré comme le précédent à Tucson chez leur ami Jim Waters (dont on retrouve la patte à la production et au mixage), se situe dans la continuité de l’oeuvre de ces facétieux lapins au gré d’une pop électronique lancinante où les textes, prolixes et francophones, sont au diapason de ritournelles obsédantes et addictives (“AF”, Mus’Azik, musazik.fr/french-cowboy -and-the-one, distribution Differ-Ant).
Dépaysement garanti avec Los Orioles : ces sept suisses originaires du canton de Berne bousculent toutes les cases depuis sept ans et plusieurs disques (dont un album). Leur nouvel EP est un kaléidoscope d’influences qui offre une mixture aussi incongrue que réjouissante : des rythmes latins et africains, du rock psyché, de la pop transgressive, des textes français iconoclastes (“Je Vous Salue Marie”, “Super Con”) pour un feu d’artifices tendance tropical rock et une belle leçon d’insolence musicale (“Vacances A Mer”, Creaked Records, losorioles.net).
Depuis 1988, et une flopée de sorties, Steff Tej & Ejectés (de Limoges) sont devenus une véritable institution du reggae à la française. Sous la houlette de leur leader, ils officient aujourd’hui en trio (renforcé de cuivres selon les occasions) et sont parvenus à peaufiner un ska-rocksteady francophone tout à fait convaincant. Sur ce nouvel essai, ils mettent en évidence leur versant dub. S’ils proposaient depuis longtemps des remixes de certains morceaux dans ce style, ils lui consacrent pour l’occasion l’intégralité de ce six-titres, et c’est une réussite enthousiasmante (“Tej In Dub Vol 1”, Les Disques Du Tigre, facebook.com/ejectes).
Jeune Grenoblois d’origine argentine, Pablo Alfaya a oeuvré avec quelques groupes (il fut le bassiste de U-Burns) avant de développer, depuis deux ans, ses talents de multiinstrumentiste et de compositeur doué. Son premier album anglophone est délicat : sa pop aérienne prend l’allure de ballades synthétiques dont la modernité est contrebalancée par des influences années “plus rétro” (Beach Boys, Beatles, Bowie, Eno), d’où la profusion d’atmosphères planantes et de mélodies éthérées au service d’un esthétisme raffiné (“Hero”, Vietnam, facebook.com/ pabloalfayamusic, distribution Because).
En piste depuis 2008, le trio des Yvelines Bebly fait preuve d’une auto-production prolixe puisqu’il sort son troisième EP avec déjà trois albums à son actif. Adepte d’un rock direct et basique (chant-guitare/ basse/ batterie) qui a été fortement influencé par la vague grunge des années 90 et Nirvana, il défend des textes francophones qui collent bien à son propos énervé et désabusé (“Ce Que La Vie Nous Confisque”, “Erreurs De Jeunesse”). Les cinq morceaux proposés se caractérisent par leur mordant, l’impact de leurs refrains et leur propension à alterner calme et tempête (“Uldo”, Beblyrecords, beblyrecords.com). o