Stevie Wright
Pas loin de rivaliser avec Steve Marriott
LA DESTINÉE DE STEVIE WRIGHT EST DE CELLE DONT ON FAIT LES MYTHES : une ascension vertigineuse suivie d’une chute inexorable. Avec, après sa première époque comme chanteur des Easybeats, deux excellents albums, qui révèlent un hurleur hors-pair et sur lesquels on pourra croiser les futurs AC/DC...
Steven Wright naît dans la remuante cité de Leeds, en 1947. Comme tant de Britanniques rêvant d’un meilleur avenir, ses parents émigrent pour Melbourne puis Sydney. Le jeune Stevie caresse le démon du rock’n’roll, et fomente plusieurs tentatives : The Outlaws puis The Langdells, qu’il mène sous l’identité fictive de Chris Langdon. Un clone maladroit des Shadows, qui vire bientôt pop, sous influence Beatles et Bee Gees. Après un concert dans ce haut lieu de l’underground sixties qu’était le Suzie Wong’s Disco à Sydney, Stevie est abordé par deux Néerlandais, fraîchement débarqués en ville, Johannes Hendrikus
Jacob van den Berg (le futur Harry Vanda) et Dingeman Adriaan Henry van der Sluijs (bientôt renommé Dick Diamonde). Ils sont en train d’assembler un combo avec d’autres fils de migrants regroupés au sein d’un hostel et sont justement en quête d’un chanteur. Stevie est engagé, et suggère le guitariste George Young. C’est ainsi que naissent les Easybeats, premiers ambassadeurs historiques du rock des Antipodes. Stevie s’impose d’emblée comme un frontman charismatique, expert en jet de tambourin et salto avant. L’aventure va durer jusqu’en 1969, et s’achève en eau de boudin : égos, banqueroute, pépins contractuels. On retrouve trace de Stevie Wright l’année suivante au sein de plusieurs formations quasiment mortes-nées : Rachette, Likefun (à Perth) et, enfin, Black Tank. Son salut vient d’un tout petit rôle dans “Jesus Christ Superstar”, dans lequel il incarne Simon Zealotes (mais découvre aussi l’héroïne). Coup de chance : dans les impersonnels locaux de répétition de la célèbre comédie musicale, il croise à nouveau le chemin de Vanda et Young, devenus depuis producteurs maison du label Albert, en pleine fleuraison. Stevie est signé en 1973 et la paire Vanda/ Young se retrouve donc à la barre du premier effort solo de Stevie Wright, assemblant un groupe qui rassemble, en plus d’eux-mêmes, Malcolm Young, le claviériste Warren Morgan (Billy Thorpe And The Aztecs), ainsi que les batteurs John Proud et Tony Currenti, présents au casting des premiers disques d’AC/DC. L’excellent “Hard Road” sort en avril 1974 et grimpe à la cinquième place des classements nationaux. L’album démarre en trombe avec, en guise de chanson-titre un boogie furieux (immédiatement repris par Rod Stewart sur “Smiler”). Doté d’un timbre rocailleux, Stevie Wright s’avère un redoutable shouter, pas loin de rivaliser avec Steve Marriott. Il donne un élan irrésistible à “Dancing In The Limelight” ou à l’entêtant crescendo du syncopé “Didn’t I Take You Higher”. En face B figure “Evie”, monumentale épopée longue de dix minutes, en trois parties : la première est une ruade hard rock surpuissante, la deuxième, une grande ballade aux arrangements de cordes soyeux, la troisième un pimpant mantra blue-eyed soul. Pour l’obligatoire tournée qui suit, Stevie recrute le prodige Tim Gaze (Kahvas Jute) à la guitare, Warren Morgan aux claviers et Johnny Dick à la batterie. Puis, à la fin de l’année 1974, Wright est renvoyé en studio, toujours avec Vanda et Young aux manettes. Ils accompagnent Stevie pour trois concerts historiques sur les marches de l’opéra de Sydney (Malcolm Young est aussi de la partie). Mais l’aura de Wright s’écroule lorsque, durant des sessions d’enregistrement, il est surpris en train de sniffer de la poudre blanche. Le duo Vanda/ Young décrète alors aussitôt la fin de leur collaboration. Un second album de haute tenue, “Black Eyed Bruiser”, arrive dans les bacs en septembre 1975. Il démarre par le riff sec du morceau-titre, décalque de “You Really Got Me” nanti d’un long climax de cuivres. Les styles explorés sont délicieusement éclectiques : Rolling Stones début seventies (“The Loser”), country débonnaire (“Twenty Dollar Bill”), funk survolté (“My Kind Of Music”), R&B exalté (“I’ve Got The Power”). Un certain Angus Young étincèle sur le plutôt heavy “Guitar Band”. Hélas, cet album sousestimé, ne renoue pas avec le succès de “Hard Road”, Stevie étant incapable d’en assurer la promotion. C’est une funeste descente aux enfers qui s’amorce : junkie complet, largué par sa femme, Stevie enchaîne les cures de désintoxication, entre électrochocs et élevage de cochons à la campagne. Il sort de la dope et rejoue en 1979, de nouveau à l’opéra de Sydney. Cela ne suffit pas pour lui permettre de remplacer Bon Scott, qui meurt en 1980 : son aura vénéneuse le précède. Stevie rechute, puis se met à l’alcool. Il refait brièvement surface en 1989, publiant le très daté “Striking It Rich”, avec synthétiseurs, saxophone et batterie réverbérée. Le corps lourdement éreinté par ses addictions, Stevie finira par s’éteindre d’une pneumonie le 27 décembre 2015.