Difficile d’imaginer plus rock
Brigitte Fontaine
BENOîT MOUCHART Castor Music
Jamais personne n’a ressemblé à Brigitte Fontaine et personne, jamais, ne lui ressemblera. Originale et singulière, pour ne pas dire gentiment allumée, Brigitte Fontaine n’a cessé d’affirmer sa différence et si elle est bien devenue une véritable icône, c’est plus à sa peu banale personnalité qu’à sa musique qu’elle doit aujourd’hui sa célébrité. Benoît Mouchart lui consacre une solide biographie et démontre méthodiquement le parcours de l’artiste, bien plus complète et subtile que les raccourcis médiatiques à son sujet ne nous le laissent voir. Il faut dire que si la dame est d’un abord facile et que son sens de la formule surprenante enchante les plateaux télé, sa musique, c’est pas du nougat et toutes ses oeuvres sont, au contraire, plutôt hermétiques ou, en tout cas, hors norme et donc moins fastoches à apprécier. Ouais, on est un poil gêné aux entournures du perfecto et on le dit très respectueusement mais, on l’avoue, on est nombreux à ne pas piger souvent grand-chose à son oeuvre tout en admirant sa fabuleuse liberté et la trouvant, elle, géniale. Ce livre, bien écrit et bien fichu, ne va sans doute pas fondamentalement changer notre jugement sur sa musique mais va confirmer, en revanche, tout le bien qu’on pensait déjà d’elle, elle y apparaît non seulement aventureuse et résolue mais sans calcul autre que son intégrité et la réalisation de ses audacieux rêves poétiques. Depuis ses lointains débuts de comédienne, Brigitte Fontaine a élégamment et souvent la première, exploré de nombreuses voies artistiques, toujours de traverse et toutes ses oeuvres, littéraires comme musicales, prouvent infailliblement son humour fondateur et son naturel et splendide anticonformisme. Difficile d’imaginer, en fait, plus rock que cette soi-disant vieille dame qui n’en joue même pas vraiment. Respect total.
The Rise Of David Bowie 1972-1973
MICK ROCK Taschen
“Never too thin, never too rich” disait bêtement la duchesse de Windsor alors qu’en fait la vraie formule est “Never too thin white Duke, never too rich pour
s’offrir tous les bouquins sur David Bowie”. Taschen a enfin entendu nos prières et publie le magnifique “The Rise Of David Bowie” par Mick Rock, auparavant sorti en seule édition limitée grand luxe et poches profondes à 3500 e, maintenant en version plus humaine à 30 sans qu’il perde de sa beauté. Ouf. Rock, au nom ridiculement prédestiné, a non seulement été le premier photographe attitré d’un David Bowie pas encore star mais, aussi, un collaborateur essentiel dans cette stratégie artistique que l’ambitieux musicien élaborait alors.
“Mick me voit comme je me vois” dit Bowie de leur première séance et il lui laissa toute liberté et l’accès le plus intime. Les années 1972-1973 furent cruciales dans l’ascension de Bowie et le témoignage photographique de Rock est à la mesure de ces heures historiques.
Totalement libre de ses mouvements et de ses clichés donc, Rock photographiait partout et tout le temps un Bowie en pleine stardustisation et il fut au premier rang pour assister à l’envol intersidéral du chanteur devenu star en quelques mois. C’est à une véritable construction que l’on assiste à travers ces photos, la rare métamorphose d’un chanteur maigrelet aux dents anglaises d’aprèsguerre en un néo-Apollon futuriste et ambigu, imposant ainsi l’esthétique sophistiquée qui était sa marque de fabrique. Photos intimes, photos de scènes, photos de séances photos, beaucoup ne sont pas inconnues, mais la plupart sont originales et toutes splendides. Bowie est là, juste, authentique, sincère, même quand il pose en costume extravagant, il n’essaie pas de se cacher derrière ou d’en jouer seulement, il est bien ce qu’il nous offre à voir, malgré ou grâce au costume de Ziggy, c’est toujours lui David Bowie qui nous regarde de ses doux yeux vairons. Impossible pour les fans de ne pas être touchés par ce jeune homme follement frais et charmant, rieur et, semble-t-il, heureux. La complicité flagrante qu’il avait avec Rock et peut-être leurs deux ingénuités réunies — Rock était réellement débutant et Bowie loin d’être une star — expliquent cette entente et cette magie spontanées. Accompagnées d’une brève interview de Mick Rock et d’un texte un tantinet pédant, le tout en anglais, les très belles photos sont bien ici les stars du livre et cette construction d’un mythe qu’elles révèlent à nos yeux éblouis, un exceptionnel document historique. Time may
change David Bowie, mais son oeuvre et son influence sur toute notre pop culture restent primordiales.