Rock & Folk

ROCK ’N’ROLL FLASH BACK

Ça ne s’invente pas

- PAR CHRISTIAN CASONI

MAI 1990 R&F 274

Oui, Phil Collins ! Barbu, moustachu, chevelu, dégarni avec une peau d’avocat collée sur le front, son sourire pincé, ses yeux fiévreux, sa vie, son oeuvre... Au moins Phil se laisset-il narrer sans parler. Parce que, parmi ceux qui causent, hormis Suzanne Vega,

très convaincan­te en rosière mélancoliq­ue, quel tintamarre impénétrab­le ! KRS-One

(Knowledge Reigns Supreme Over Nearly Everyone), le Jean-Claude Van Damme du rap, veut “propager l’épidémie de l’intelligen­ce” (ça commence bien). Mick Jones, le Keith Richards du pauvre, le Jacques Higelin du riche, “se fout des arrangemen­ts. Mieux vaut avoir un bon look.” Parlons-en. BAD

ressemble maintenant à un groupe de hiphop des faubourgs de Bucarest. A Nick Cave englué dans la bible, répond Orphan, prophète azimuté : “Le Christ, découvrant la tentation, écrit ‘Sad Eyed Lady Of The Lowlands’ ”.

MAI 1970 R&F 040

Si les organisate­urs du festival du Bourget

espéraient une belle page dans Rock&Folk, ils ont morflé : hall glacial, accueil déficient, affiche et light-show minables, sono pourrie, pannes de courant, trois jours d’indigence que Procol Harum, Ginger Baker’s Air Force et Pink Floyd traversère­nt en coup de vent. Rien à voir avec le Royal Albert Hall où Johnny Winter, “petit homme maigre et laid”, a montré qu’il était “l’un des plus grands showmen du moment”. Déjà un inventaire des bootlegs de Bob Dylan, sept microsillo­ns prouvant que, si Bob était en avance sur son temps, le Dylan clandestin était en avance sur le Dylan officiel. Et déjà la nostalgie des fleurs. De Monterey à Altamont, des acid tests aux posters de Marty Balin, oyez comment “the sound of San Francisco”,

aussi capital que celui de Liverpool, est devenu “the sound of America”.

MAI 2000 R&F 393

Santana, le roi de la périphrase, aime Eric Clapton “l’archange”, Otis Redding, “Clark Gable des chanteurs”, Hendrix, son numéro 1, “Beethoven noir, Einstein de la guitare électrique”, ou Stevie Wonder que “personne ne peut égaler ni même approcher”. Mince, encore plus numéro 1 que le numéro 1. “On est un groupe de femelles, une meute de louves.” Les Californie­nnes du groupe L7 défendent leur nouvel album : “Plus de fuzz, plus de joie, plus de tout”. Elles avaient monté une tombola lors d’un concert, le gagnant repartait avec la batteuse. Si c’était une fille ? “Aucune importance, je fais les deux.” Tony Kanal, bassiste peroxydé, jure que No Doubt n’est pas devenu un groupe de rock chrétien, comme on le dit : “No Doubt encourage tout le monde à pratiquer le sexe, l’alcool et la drogue”.

MAI 1980 R&F 160

Mai, un mois de contrastes. La salsa cartonne. A New York, où le quart de la population parle espagnol, “on a malaxé toutes les gammes, tous les apports. Résultat : la sauce.” Elle déferle sur l’Afrique et l’Europe, adoptée par les Antillais de Paris. “Les gens commençaie­nt à se faire chier avec le disco et la new wave et voulaient s’amuser.” Après l’arc-en-ciel,

Marquis De Sade et ses 50 nuances de gris. Chacun semble consterner les autres sur la photo. La couleur la plus joyeuse de leurs tenues est un ravissant bleu ardoise. Retour inattendu de la fête avec

Neil Young, chemise turquoise, bénard jaune poussin, bretelles roses (a-t-on retouché les couleurs pour lui offrir ce costume de clown ?). “Les gens veulent s’amuser, le vieux rock’n’roll est trop sérieux”, ditil après avoir déprimé une génération d’ados avec ses chansons morbides.

MAI 2010 R&F 513

“Oil City Confidenti­al”, le film à moitié raté de Julien Temple, plonge ce numéro dans une nostalgie pub rock réparatric­e : l’histoire de Dr Feelgood canal historique, l’histoire du pub rock en 15 disques depuis 1970 et l’album “Legend” de Mickey Jupp, et cette énigme qui a pour nom Wilko Johnson, l’un des six Britanniqu­es capables de comprendre l’islandais ancien. Très loin du pub, Jeff Beck enregistre “Emotion & Commotion” avec un orchestre symphoniqu­e qui ne lui donne pas les sensations d’un power trio : “C’est comme avoir des plumes dans le dos. C’est tout léger mais quand ça commence à voler partout, ça fout vraiment le bordel !” R&F prend des risques avec le malfamé Marc-Edouard Nabe qui vomit le rock à gorge déployée : “Les Africains qui jouent du tam-tam ont 200 ans d’avance rythmique sur n’importe quel batteur de rock”.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France