Rock & Folk

Le Top Ten de The Divine Comedy par Neil Hannon

“J’adore la grandiloqu­ence”

- RECUEILLI PAR NICOLAS UNGEMUTH

“Tonight We Fly”

Le premier classique du groupe, incontourn­able en concert.

“Je l’ai écrite après avoir vu ‘Le Festin De Babette’, un soir de Noël. Le reste de ma famille était allé se coucher, le feu dans la cheminée s’éteignait, je me sentais bien. J’ai trouvé ces paroles qui allaient parfaiteme­nt à la musique que j’avais composée auparavant. Cette chanson me fait toujours penser à mon père qui se plaignait que je jouais toujours la même chose encore et encore. J’adore la suite d’accords, circulaire, qui finit par revenir au point de départ. J’étais en pleine influence Michael Nyman. Et le rythme en cavalcade m’a été inspiré par ‘Poupée De Cire, Poupée De Son’, de France Gall.

Je l’ai même repris plus tard pour ‘Something For The Week-End’.”

“Europe By Train”

Instrument­al incroyable à l’esprit très Mitteleuro­pa rythmé par un bruit de locomotive.

“Je sortais de ma phase indé donc c’est plein de bruit de guitares, et cette boîte à rythmes folle qui imite le bruit du train et qui passe à travers une pédale de distorsion. Et quand la mélodie démarre et que la mandoline arrive, ça devient autre chose. J’adore cette suite d’accords, très lente, qui semble ne jamais s’arrêter. Cela m’est venu d’un voyage en train que j’avais fait avec un ami lorsque j’étais jeune, et qui n’avait duré qu’une semaine car nous n’avions pas assez d’argent pour aller plus loin.”

“The Frog Princess”

Un chef-d’oeuvre entre grandiloqu­ence et humour, ponctué de sifflement­s façon Micheline Dax.

“J’aime beaucoup cette chanson, mais je regrette ces paroles brutales adressées à une ancienne petite amie. J’ai du mal à la réécouter aujourd’hui, mais sinon, c’est une bonne mélodie”

“The Booklovers”

Une ode à la littératur­e qui aurait pu être prétentieu­se, mais qui ne l’est jamais.

“C’est la chanson que les critiques m’ont le plus reprochée. C’est peut-être un peu prétentieu­x quand même (rires). Mais je n’ai pas lu la moitié des livres que je cite. Il faut dire qu’il y en a une cinquantai­ne ! J’aime la mélodie et le refrain qui est digne des Walker Brothers, mais cette liste de livres, je la regrette un peu. Pour moi, c’était surtout l’histoire d’un couple qui tombait amoureux dans une librairie, comme cela pourrait arriver dans un film de Woody Allen.”

“The National Express”

L’un des premiers morceaux de Neil Hannon à avoir percuté les charts anglais.

“C’est sans doute l’un de mes rares morceaux qui ait rencontré beaucoup de succès en Angleterre et en Irlande.

Je m’en suis un peu lassé. J’ai une relation amour/ haine avec cette chanson, je dois faire avec. Mais j’ai adoré quand elle est passée à la radio ! Et puis elle a ce truc orchestral très sixties, et la production est très bonne.”

“Absent Friends”

L’un des nombreux chefs-d’oeuvre de l’album du même nom.

“J’aime beaucoup cette chanson, sa constructi­on, et je voulais arriver au niveau de Scott Walker lorsqu’il chantait ‘Mathilde’ ou ‘Jackie’. On m’a reproché une approche grandiloqu­ente, mais j’adore la grandiloqu­ence dans la musique. Je n’y peux rien.”

“Our Mutual Friend”

Le morceau le plus émouvant de toute la carrière de The Divine Comedy. Impossible de s’en remettre.

“Ce qui est amusant avec ‘Our Mutual Friend’, c’est que, dans le fond, c’est une chanson pop assez ordinaire, mais c’est tellement épique, les paroles, la musique, qu’elle prend une dimension tragique. C’est comme un petit film. J’adore ce genre de chanson, avec beaucoup de détails, comme Ray Davies savait en faire.”

“Laika’s Theme”

Merveilleu­x instrument­al sur la chienne Laika envoyée dans l’espace.

“Vous aimez les instrument­aux ! Parfois je me sens coupable de mettre un instrument­al sur un album parce que cela peut vouloir dire que j’ai raté l’opportunit­é d’y coller des paroles. Mais là, j’ai viré les textes parce que je pensais que cela allait nuire à la musique.”

“Lady Of A Certain Age”

L’un de ses plus grands morceaux, décrivant l’errance d’une femme âgée sur la Côte d’Azur, qui tente de séduire des jeunes hommes en mentant sur son âge.

Le texte est un chef-d’oeuvre absolu.

“Pour moi, la musique est très française, et je voulais qu’elle le soit à cause du sujet. Mais encore une fois, c’est comme un film. Les paroles ont été compliquée­s à écrire, puis lorsque j’ai imaginé que cette femme était veuve, tout s’est débloqué. J’avais envisagé de la donner à Jane Birkin, avec qui j’ai travaillé, mais je me suis dit qu’elle pourrait mal le prendre, alors je l’ai gardée pour moi, et j’ai bien fait (rires) !”

“To The Rescue”

La merveille de “Foreverlan­d”, qui sonne comme une histoire d’amour déchirante même si, manifestem­ent, ce n’est pas le cas.

“A l’origine, ce devait être une chanson très synthpop, puis j’ai décidé d’en faire quelque chose ressemblan­t plus à ce qu’écrivait Serge Gainsbourg dans les sixties, et cela a parfaiteme­nt fonctionné, avec ce petit riff rythmique de guitare un peu comme dans ‘Sous Le Soleil Exactement’. Avec ma femme, nous vivons dans la campagne de Dublin, et elle ne cesse d’adopter des animaux.

A tel point que j’en étais jaloux.

Alors j’ai écrit cette chanson.”

R&F : Ce qui a débouché trois ans plus tard sur le chef-d’oeuvre “Absent Friends”. En aviez-vous conscience lorsque vous l’avez achevé ?

Neil Hannon : J’ai du mal à parler de mes disques, mais ce qui est certain, c’est que j’ai réussi à enregistre­r exactement ce que j’avais en tête, et je suis allé très loin. De ce point de vue, c’est sans doute mon meilleur album. Ce que j’entendais dans ma tête est sur le disque. C’est très rare. Même si je pense que j’aurais dû faire “Billy Bird” différemme­nt.

R&F : Les concerts au Grand Rex étaient grandioses. Il semblait impossible de recréer le disque sur scène et vous y êtes pourtant parvenu.

Neil Hannon : Malheureus­ement, nous avons dû arrêter très vite car nous perdions de l’argent : il y avait trop de musiciens. Mais c’était fabuleux.

R&F : Avez-vous eu à l’époque l’impression d’avoir atteint un niveau insurpassa­ble ? Le disque suivant a-t-il été difficile à réaliser ?

Neil Hannon : Je n’ai jamais réfléchi comme ça. Tout simplement parce que j’aime vraiment ce que je fais. Si j’avais sorti le plus grand disque de l’histoire de la pop, je n’aurais aucun problème à en attaquer un autre parce qu’en fait, j’adore faire des disques ! Et puis, pour dire la vérité, je m’en fiche un peu de ce que pensent les gens (rires). Quand je suis en train d’écrire dans ma petite pièce, je ne pense pas à vous, les gars ! Tout ce qui m’intéresse, c’est de m’amuser en créant des chansons.

Ce disque un peu cinglé

R&F : “Foreverlan­d” (2016) est un grand disque, sorti après six ans de silence. Que s’est-il passé ?

Neil Hannon : J’ai participé à différents projets, je me suis occupé. Et puis j’ai vécu une séparation et rencontré Cathy, ma compagne. Cela a changé ma vie. Mais j’ai écrit une tonne de chansons en deux ans, cela a été sans doute la période la plus productive de ma vie. L’équivalent de “Foreverlan­d” et de “Office Politics”, et de beaucoup d’autres encore. J’ai dû choisir entre les morceaux pour savoir ce que j’allais sortir en premier, et j’ai décidé de publier les plus romantique­s, ce qui a débouché sur “Foreverlan­d”. Le disque a été compliqué à enregistre­r car l’industrie du disque se portait nettement plus mal qu’à l’époque d’ “Absent Friends”, et que les budgets avaient fondu. C’est assez triste.

R&F : Puis est sorti “Office Politics”, votre dernier album, très synth pop, avec cette pochette comme un pastiche de Heaven 17 qui a déconcerté de nombreux fans... Etait-ce censé être un album pince-sans-rire ?

Neil Hannon : Je ne dirais pas ça. Je voulais faire ce disque un peu cinglé, vous l’acceptez ou non. C’est un album assez ironique qui a été influencé par Donald Trump et le Brexit. Le monde entier est devenu fou, et cela m’a fait réfléchir, j’avais envie de l’exprimer. Mais peut-être qu’un jour je sortirai un autre “Absent Friends”, qui sait ?

R&F : Puisque vous êtes très doué pour l’exercice, qui sont vos paroliers favoris ?

Neil Hannon : Morrissey, Ray Davies, Jacques Brel, Cole Porter, Dan Black, Jarvis Cocker. J’aime beaucoup les chansons d’Elvis Costello, mais je comprends rarement ce qu’elles veulent dire (rires).

R&F : Etant l’un des plus grands chanteurs de votre génération, qui sont vos modèles ?

Neil Hannon : Scott Walker et Kate Bush. Mais j’adore aussi les crooners easy listening comme Chris Montez, Matt Monroe, Rosemary McClooney ou Peggy Lee. Dans un autre genre, il y a Prince, qui pouvait tout faire. Bien. Je vais vous laisser pour regarder le cricket à la télé, et ensuite, sans doute un peu de football. ★

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