Shemekia Copeland
“Uncivil War”
Shemekia a rarement manqué sa cible, et on ne voit pas pourquoi elle la manquerait cette fois encore, surtout avec la production carabinée que lui a mitonnée Alligator, profilant ce neuvième album comme un bizjet étincelant. Depuis son premier disque en 1998, Shemekia, fille biologique du fameux bluesman Johnny Copeland et fille spirituelle de Koko Taylor, l’ancienne passionaria de la maison de Chicago, a placé presque toutes ses billes chez Bruce Iglauer. Alligator la présente d’ailleurs sous la même lumière : une puissance naturelle, un coffre confortable qui lui permet de régner sur l’orchestre sans s’épuiser, et sans vibratos excessifs ni suraigus, ni raucité palliative, mais une pugnacité appuyée par de superbes guitares blues rock et country rock, un engagement civique en plein Black Lives Matter sous un feu couvert de gospel, un recul philosophique qui déracialise le front (“All lives matter”), des tempos lents, du swing dans la diction, de la mélodie dans les inflexions, un peu de crunch dans les shuffles, un galbe dense taillé pour les radios, et le crédit de la sincérité, sa vertu cardinale depuis 1998, pour ganter de lin blanc cette main d’atouts. De l’écriture à la robe des chansons, Shemekia Copeland est infaillible. Elle honore son père (“Love Song”), elle honore Junior Parker (“In The Dark”), elle honore Dr John (“Dirty Saint”) et reprend “Under My Thumb” dans une version dépouillée, ralentie et vengeresse. Cet album est aussi un grand raout d’invités, certains dont on se demandait ce qu’ils devenaient. En fait, ils enregistraient à Nashville avec une diva, Duane Eddy, Steve Cropper, Webb Wilder, etc. ✪✪✪ CHRISTIAN CASONI