Les Anglais ont eu Police, la France a eu ses Flics
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleurs microsillons du moment.
Rééditions Serge Gainsbourg
“Enregistrement Public Au Théâtre Le Palace” Mercury/ Universal
Quarante ans après sa sortie initiale, l’album live enregistré par Serge Gainsbourg en 1979 au Palace sort pour la première fois en vinyle dans sa version intégrale. L’occasion d’entendre le chanteur accompagné de la section rythmique de Bob Marley (Sly Dunbar et Robbie Shakespeare) pour une relecture reggae de plusieurs de ses classiques (“Bonnie And Clyde”, “Docteur Jekyll Et Monsieur Hyde”), ainsi que les titres emblématiques de son album “Aux Armes Et Caetera”. Un document magnifique publié sur deux vinyles couleur bleu-blanc-rouge, clin d’oeil malicieux à la polémique née de sa reprise provocatrice de “La Marseillaise” (“Aux Armes Et Caetera ”) qui lui avait valu des mésaventures avec des patriotes zélés.
The Chills
“Submarine Bells” “Soft Bomb”
Fire Records
La ville de Dunedin, en Nouvelle-Zélande, est un endroit un peu mystique depuis plusieurs décennies pour les amateurs de pop lo-fi. Elle a essaimé de nombreux groupes à l’identité sonore unique, le son de Dunedin, à mi-chemin entre post-punk et indie-rock naissant. Outre The Clean ou The Bats,
The Chills est une des formations les plus emblématiques de la scène. Fire Records réédite les deuxième et troisième albums de ce groupe culte — leurs premiers pour une major — parus initialement en 1990 et 1992. On conseille vivement “Submarine Bells”, le premier disque du groupe de Martin Phillipps probablement le plus cohérent car il porte en lui tout ce qui fait le charme et l’essence des Chills : une forme de simplicité et d’évidence mélodique absolument irrésistibles.
The Raveonettes
“Pretty In Black” Music On Vinyl
Parmi la ribambelle de groupes garage à avoir émergé au début des années 2000, on avait pris The Raveonettes pour de simples copistes de The Jesus And Mary Chain. Et puis, le duo danois formé par Sune Rose Wagner et Sharin Foo a publié en 2005 “Pretty In Black”, disque à la fois inspiré par les girls groups des années soixante (Ronnie Spector vient même valider la filiation sur “Ode To LA”) et les Everly Brothers (“Here Comes Mary”). Empli de guitares cinglantes à la Duane Eddy (“Love In A Trash Can”), “Pretty In Black” est un trip rétro doux et chaleureux. Belle réédition avec livret riche et disque transparent.
The Groundhogs
“Split” Fire Records
Après “Thank God For The Bomb” en 2019, Fire Records poursuit sa réédition des albums des Groundhogs, groupe blues-rock anglais du début des années soixante-dix terriblement sous-estimé. “Split” est un disque inclassable, entre rock psychédélique sombre et heavymetal naissant, inspiré par un bad trip du guitariste Tony McPhee. Pour exorciser cette mauvaise expérience hallucinogène, McPhee a conçu un disque anxiogène traversé d’éclairs guitaristiques qui restent, près de cinquante ans après sa sortie, toujours aussi efficaces. “Split” est réédité sur un double vinyle couleur cerise (en référence au fabuleux freak out de “Cherry Red”) gavé de titres inédits.
Flics
“Activités 1980 - 1983” Smap Records
1980 : le punk gronde. Il fallait remettre de l’ordre dans tout ça.
Les Anglais ont eu Police, la France a eu ses Flics, jeune trio de Rouen, qui mutera quelques années plus tard en Tupelo Soul. Leur excellent premier EP
— exhumé en 2015, mais jamais publié du vivant du groupe — est ici inclus (avec notamment l’intense “Insomnie”), ainsi que des démos aussi crades qu’ enthousiasmant es (“Je Hais La Foule”). Le tout vient accompagné d’un livret et d’un CD empli d’inédits.
Ganafoul
“Sider-Rock” Simplex Records
Venu de Givors, dans la région lyonnaise, Ganafoul était un groupe hard rock qui a enregistré quelques disques au tournant des années soixante-dix et quatre-vingt, mais n’a jamais percé à l’échelle nationale. Simplex publie aujourd’hui le véritable premier album du groupe, enregistré en 1975 mais qui avait été mis de côté et un peu oublié depuis. Et surprise ! L’écoute de ces bandes restées des décennies dans un carton révèle un groupe étonnamment doué, avec quelques boogies fougueux (“Zone Interdite”) et des incursions blues réussies (“Tu Ne M’achèteras Pas”), le tout porté par un excellent chanteur sous influence Alice Cooper.
Nouveautés TheSaurus Volume 5
“25 Titres Inédits 1978-1986 France Rock/ Punk/ Cold” Cameleon Records
Il reste encore des inédits dans les greniers des membres de la première génération punk et new wave française. Les archivistes de Cameleon ont encore une fois accompli un travail titanesque pour dénicher la vingtaine de titres qui constituent le volume 5 de l’indispensable série. L’accent est ici mis sur des groupes tels que les étonnants Lorrains Ravachol, au groove post-punk étrange (“Budapest”), le boogie garage de Tiers Etat (“Les 2 Paumés”), la cold wave de Vox Dei (“Mutant Industrie”), quelques groupes punk électroniques foutraques (Clean Wisitors, Seaton) et même Alain Kan et Gazoline pour un “Gigolo” rockab’ et déviant. Touchants, naïfs, lo-fi, extrêmes... tous ces morceaux sont beaucoup de choses, mais ils ne laissent jamais indifférent.
Les Attitudes Spectrales
“Vampire
In The Summer” Specific Recordings
Ne pas se fier au nom francophone de ce quatuor : il vient de Riga, en Lettonie. Fers de lance de la scène garage locale depuis dix ans, il publie son premier forfait — en vinyle uniquement — sur le label lorrain Specific. La crise sanitaire du Covid-19 a malheureusement retardé sa venue en France, on se console donc à l’écoute de cet excellent “Vampire In The Summer”, traversé d’éclairs de fuzz, entre pop noisy (“Faces Dissolve”) et rock psychédélique (“Astronomy”).
45 tours The Creation
“Making Time” “Tom Tom” Cameleon Records
Après Kim Fowley, We The People et The Other Half, Cameleon poursuit son admirable travail de réédition de rarissimes EP français des années soixante. Aujourd’hui, ce sont deux merveilles des Anglais de The Creation qui sont publiées. “Making Time”, “Tom Tom” : quelle joie de retrouver dans leur écrin d’origine ces tubes emblématiques du freakbeat qui n’ont rien à envier aux plus grands de l’époque.
Albinos Congo
“Space Jam” FVTVR Records
Ce groupe nantais tente d’imposer un terme pour décrire le son de son premier EP : romantic neo space punk. Une façon d’affirmer que ces drôles d’oiseaux s’inspirent des musiques déviantes en tous genres tout au long de ce microsillon joyeusement étrange (“Stay Or Die”) qui promet des concerts venus de l’espace, si un jour la situation le permet à nouveau...
Floo Flash
“Pendu Au Téléphone” Dangerhouse Skylab
Jolie curiosité que ce single de Floo Flash, groupe powerpop lyonnais du début des années quatre-vingt. “Pendu Au Téléphone” est une reprise inédite de “Hanging On The Telephone” des Nerves, enregistrée en 1985. Le texte en français fonctionne, c’est frais et exécuté avec classe.
Pervitin
“Pervitin”
Teenage Hate/ Dangerhouse Skylab
On reste à Lyon (décidément) avec le premier EP de Pervitin, formation réunissant quelques figures de la scène locale. Un disque à la saveur garage façon années quatre-vingt, qui évoque les Nomads des débuts (“Constantly Wrong”) ou les Scientists (“A Fluffy Thought”). Un groupe à suivre !