ROCK ’N’ROLL FLASH BACK
Ça ne s’invente pas
NOVEMBRE 1970
R&F 46
Jimi Hendrix et Janis Joplin, c’est fait, mais Rock&Folk les a fait mourir à... vingt-cinq ans. Ben, et le mythe alors ? Les Rolling Stones ont quatre dates en France, trois au Palais des Sports, une à Lyon. L’événement fait le gros du magazine. Jagger affronte un public menaçant de ferveur qui n’hésite pas à grimper sur scène pour leur chaparder des accessoires. Voilà les révolutionnaires. “Un philosophe qui s’occupe pas mal de politique” réclame le micro. C’est Jean-Paul Sartre. Mick Jagger lui accorde deux minutes de tribune. “C’est formidable d’être révolutionnaire, mais ça n’a jamais empêché personne d’être poli”, dit-il à son intervieweur en souriant si souvent “que c’est comme s’il ne souriait jamais”. R&F brosse le portrait de cinq solitudes, la pire étant celle de Mick Taylor, “Comme un étranger. On lui fait sentir que cette place appartient à quelqu’un d’autre.”
NOVEMBRE 1980
R&F 166
Bob Marley : gravement malade. John “Bonzo” Bonham : gravement mort. Les trois survivants “arrêteront-ils ? Page a-t-il une aile à restaurer ?” Réponses : 1) Même pas. 2) Faut croire. Londres. Bill Hurley des Inmates décrit la levée d’une déferlante R&B qui épouse le revival soul et réveille l’underground mod à l’est de la ville. On parle aussi d’un phénomène appelé Stray Cats. La new wave promettait “une musique dansante non débile”, ce lecteur y a cru, mais elle a éclaté en un “revivalisme sixties” et un “élitisme novö”. Coluche part se retirer sur une île tropicale. “Je tiens à dire que l’argent fait le bonheur (...). Le travail, c’est pas un but dans la vie, le but, c’est quand même d’arriver à rien foutre.” Bruce Springsteen prenait pas mal de place en novembre. Il n’était plus “le futur du rock, juste une grosse partie de son présent”.
NOVEMBRE 1990
R&F 279
Jane Birkin : “Qu’on ne me parle plus d’être sexy. A dix-huit ans, il y avait un tel camouflage de ce que je suis en dessous que ça a pris des années à craquer.”Après la rupture, Serge Gainsbourg lui écrit encore trois albums, elle, devenue le médium d’une souffrance qu’il ne veut pas assumer. Bonnie Raitt, la slideuse rousse, ne lève plus le coude. Elle buvait quand elle était gaie et prenait du poids, elle buvait quand elle était triste et prenait du poids, bringuait avec Keith Richards et s’arrangeait pour que Prince ne travaille pas avec elle. Trop grosse. Tracy Chapman colporte maintenant son message sur MTV où elle n’a toujours pas droit de cité. Trop vieille. Dave Stewart revient dans un rôle et un costume brodé qui réussiront mieux à Jack White. Il n’a toujours rien à raconter, ne s’est pas fait larguer par Jane, n’a ni le foie de Serge ni celui de Bonnie.
NOVEMBRE 2000
R&F 399
Bill Corgan (Smashing Pumpkins) a parfois raison (avec Napster “tout va changer, Internet va devenir une chaîne de télé globale”), parfois tort (“le futur de la musique sera en Chine, au Vietnam et en Inde”). “Dossier Satanic”. Quatre démons sont contactés au Bureau des Ténèbres, et interviewés pour dire qu’au cinéma, ils préfèrent le méchant au héros : Trent Reznor, Tony Iommi, Marilyn Manson (“Rien n’est naturel, il existe des forces, certains humains sont nés avec un pouvoir”) et Alice Cooper (“Ce qui fait réellement peur aux Américains : le prix de l’essence”). Encore plus sataniques : les sandales design dans lesquelles les gars de U2 vous infligent leurs orteils. “Faut-il brûler les années quatre-vingt ?” Oui, oui, car contrairement à la décennie précédente, “ce qu’on reprochera éternellement aux années quatre-vingt : on se souvient de tout, trop bien”.
NOVEMBRE 2010
R&F 519
Les bonnes feuilles de “Just Kids” montrent que Patti Smith est éblouie par la symétrie de trois mots juxtaposés ad nauseam : art, rock et Rimbaud. Dominique Blanc-Francard se souvient d’Hérouville et de Christian Vander qui “parlait kobaïen toute la journée”, de sa grosse caisse longue comme un “canon”, ses cymbales carrées, et ce “signal qui faisait bzzzz”. DBF devait l’envoyer dans le casque des musiciens fautifs. Qu’est-ce que c’est ? “C’est ta punition !” L’année de ses soixante-dix ans, un 10 octobre, Solomon Burke atterrit à Amsterdam. Le superjumbo ne redécolle pas. Au moment du “Freak”, Nile Rodgers et Chic jouaient aux “Français qui venaient en Amérique pour devenir des stars, comme Joséphine [Baker] dans l’autre sens”. Ils aspiraient à porter “le chic à la française, pas les costumes de clowns des vieux groupes de funk façon Jackson 5.”