Sa guitare comme batte de baseball
Anniversaire de la mort oblige, Graph Zeppelin édite la version française de la BD italienne “Janis Joplin Piece Of My Heart”, réalisée par la dessinatrice et scénariste Giulia Argnani en 2017. Articulé en cinq parties elles-mêmes partagées entre chronologie et flashbacks, ce portrait de Janis Joplin aborde intelligemment la vie pour le moins compliquée de la star via sa condition de femme dans cet univers d’hommes et de mères au foyer. De sa jeunesse texane à Port-Arthur jusqu’à sa mort, Janis Joplin n’est jamais parvenue à concilier sa vie et le monde extérieur. Au fil des pages en noir et blanc et lavis hivernal, tout en adéquation avec l’histoire, l’auteure met en parallèle toute la difficulté d’être une femme libre dans une époque pleine de contradictions. Là où la BD pointe juste, c’est quand Giulia Argnani évoque la solitude de la chanteuse dans sa loge, une fois les musiciens partis chasser la groupie. Les temps changent. Lentement. Et cette histoire de femme racontée par une femme donne un point de vue bien plus intéressant que le sempiternel club des vingt-sept.
Spécialiste de tout ce qui touche à l’érotisme, Dian Hanson signe ici un livre exceptionnel sur l’âge d’or de la bande dessinée fantastique avec “Masterpieces Of Fantasy Art”, aux éditions Taschen. En quelque six cents pages grand format, elle recense tous les maîtres du genre, avec Frank Frazetta, Julie Bell, HR Giger, Sanjuliàn, Boris Vallejo et plus d’une centaine d’autres présentés sous forme de fiches individuelles (la place consacrée à Richard Corben, en revanche, est plutôt faible). Pilier de “Métal Hurlant”, Philippe Druillet et ses travaux d’Hercule sont mis en valeur par des illustrations pleine page, tandis que chaque chapitre est introduit avec un dessin collé qui illustre le soin apporté à la réalisation de ce livre. Aussi luxueux que démesuré, cet ouvrage de six kilos de la collection XXL résume parfaitement toute la démesure d’une époque qui semble désormais révolue.
Alors que le couvre-feu devient la règle, le génial Daniel Warren Johnson envoie “Murder Falcon” (Delcourt) au secours de tous les fans de metal privés de concerts. Dans ce one-shot, le dessinateur et musicien américain a imaginé une histoire dans laquelle il mélange allégrement super-héros et musique metal en bon fan de Manowar qu’il est. Alors que le monde est en proie à une attaque de monstres à mi-chemin entre dragons géants et insectes monstrueux, Jake surgit de son van pour combattre les entités à grands coups de riffs killers, à la stupéfaction des flics alentour. Deux semaines plus tôt, le jeune homme traîne son ennui sur un banc. Il n’arrive pas à se remettre de la fin de son groupe Brooticus. Alors qu’il est en passe de se faire béqueter par une sorte d’araignée géante, il fait apparaître le Murder Falcon, un super-héros capable de sauver le monde, en essayant de se défendre en utilisant sa guitare comme batte de baseball. C’est là que le personnage lui apprend que ses riffs sont des armes de destruction massive car le metal pulvérise le mal. Mené pied au plancher dans le style comics US cher à l’auteur.
Alors que Noël approche, Hélène Gloria et l’aquarelliste Olivier Chéné ont réalisé “Elijah Betz, Le Renne (Punk) D’Angleterre” (D’Eux), petit conte animalier pour enfants qui raconte les tribulations d’un des rennes du Père Noël en pleine révolte adolescente. Bien décidé à vivre sa vie de rebelle, le renne Elijah fonce à Londres pour fonder un groupe punk. Au hasard des quartiers visités (Soho, Camden, Notting Hill, Piccadilly), il rencontre une grenouille qui fait de l’harmonica, un buffle contrebassiste, un mouton qui joue de la cornemuse et un chat du banjo. Tout ce petit monde, une fois réuni, sera-t-il capable de jouer “London Calling” ? Si cette BD s’adresse d’abord aux enfants, elle risque fort de rappeler bien des souvenirs aux parents, tant les clins d’oeil sont nombreux.
o