Just A Story From America
Editions Du Layeur
Des bonnes fées qui se penchent sur votre berceau, ça ne veut pas forcément dire que vous choperez la princesse et le royaume de son papa à la fin, dragons, potions magiques et vents adverses peuvent faire foirer la promesse de l’aube, et c’est pas le dandy Elliott Murphy qui nous chantera le contraire. Annoncé à ses débuts dans les années 1970 comme le prochain monstre chic du rock, sa longue carrière finalement discrète démontre qu’on peut survivre à une déception initiale et rester tout de même musicien, même si pour cela, c’est en France qu’il s’est réfugié depuis plusieurs décennies. Elliott Murphy avait déjà écrit plusieurs textes inspirés par ces années fastes — dont l’excellent roman parfaitement rock “Marty May” —, mais c’est dans l’autobiographie qu’il publie maintenant que cette fondamentale question du succès et de la toute relativité de ses critères apparaît, peut-être à son insu, au coeur du livre. On sait bien, nous tous ici, que l’oeuvre d’un musicien ne se mesure pas aux ventes de ses disques, ni même à la qualité de sa musique, et nul doute que sans cette prédiction ratée, les perspectives sur la carrière de Murphy seraient différentes car finalement, aujourd’hui, tout roule, il enregistre, il tourne, il joue, il écrit, il a des fans fidèles et il mange correctement, le rêve ultime pour beaucoup de musiciens, mais un rêve un tantinet troublé, semble-t-il, pour Murphy par des interrogations et des regrets sur ces chemins pas pris, ces décisions pas sages ou ces démons, maintenant éteints, auxquels il attribue, plutôt qu’à sa musique, la non-réalisation de la malencontreuse prophétie. Ses débuts furent flamboyants, il se retrouva très vite non seulement sous le feu des projecteurs du showbiz — “Nouveau Dylan” qu’y disaient ! — mais, le livre le montre bien, évoluant dans les bandes d’artistes les plus intéressants et les plus importants de son époque. Et même s’il a raté Basquiat, avec qui il n’est pas très généreux dans le livre, il a connu tout le monde, collaboré avec la plupart des plus grands — même Fellini ! —, et a donc finalement réussi sûrement le plus difficile pour un artiste reconnu : être toujours sur le coup, rester habité par sa musique et la partager, sans perdre ni sa voix ni son inspiration ni sa passion, c’est rare.