Molchat Doma
“Monument” SACRED BONES/ DIFFER-ANT
Et si la prochaine sensation venait d’Europe de l’Est ? La récente destinée de Molchat Doma est aussi surprenante que moderne. Voici un trio biélorusse au style post-punk, austère et lo-fi, dont le second album (“Etazhi”) a acquis une certaine renommée grâce aux algorithmes de recommandation de YouTube. Celle-ci a été encore dopée, dans un second temps, par l’utilisation de “Sudno (Boris Ryzhy)” dans une courte vidéo, devenue virale, postée sur TikTok. Il n’en fallait pas plus pour que l’estimé label Sacred Bones s’intéresse au phénomène, avant que la pandémie n’emmure Molchat Doma, seul, à Minsk, avec sa collection de synthétiseurs Korg et sa boîte à rythmes Linn LM-1. Les trois impassibles gaillards ont donc profité du confinement pour façonner ce “Monument”. Les chansons développées, plus raffinées, sont à l’avenant de cette pochette qui évoque la période soviétique : glacées, sombres, nostalgiques, étrangement séductrices. Des facettes perceptibles sur l’entêtante “Utonut’ ” avant la dansante “Discoteque”, titre pop à l’entrain irrésistible, ambiance idéale d’ultime nuit blanche avant la fin du monde. Emmenée par une ligne de basse aussi obsédante que poisseuse, “Ne Smeshno” se fait plus menaçante, irascible. Le baryton expressif et désenchanté d’Egor Shkutko, évoquant bien sûr celui de Ian Curtis, est un élément central du disque, conférant une solennité particulière à des titres comme “Udalil Tvoy Nomer” ou “Leningradskiy Blues”, mue par une guitare espiègle, scintillante. Avec ces neuf titres granitiques, Molchat Doma replace l’ex-URSS sur la mappemonde du rock’n’roll. ✪✪✪✪