Elvis Presley
“FROM ELVIS IN NASHVILLE” RCA/ Legacy (Import Gibert Joseph)
La performance est tout bonnement incroyable : débarqué au studio B de RCA à Nashville en juin 1970, Elvis Presley a enregistré en six jours ce qui remplira trois albums : “That’s The Way It Is” (qui contiendra quelques titres live), “Elvis Country (I’m 10 000 Years Old)” et “Love Letters From Elvis”). Soixantequatorze prises réunies dans ce coffret pour ce que l’on nomme désormais les “Marathon Sessions”, sous-estimées car éclipsées par la grandeur de “From Elvis In Memphis” et “Back In Memphis”. Elvis ne voulait plus enregistrer trente versions d’un même morceau comme le lui avait demandé le producteur Chips Moman. Il a donc décidé d’en changer — c’est Jarvis Felton qui remplace Moman —, tout comme de changer de ville, de studio et de musiciens, comptant la section rythmique de Muscle Shoals, le génie
James Burton dont chaque solo est une illumination, le grand Eddie Hinton, également venu de Muscle Shoals, et David Briggs au piano et à l’orgue (un proche de Neil Young). L’idée était de privilégier la spontanéité, et l’écoute de ces titres enregistrés en moins d’une semaine montre le professionnalisme du chanteur comme celui de son groupe : c’est hallucinant. Ces morceaux seront plus tard overdubbés avec des choeurs et des cordes, ils sont ici présentés tels qu’ils ont été enregistrés (quatre CD en tout). Quelques jams montrent bien le bonheur d’Elvis — sa joie irradie —, mais les versions officielles sont affolantes de perfection. Ce qu’il manque à ces séances, ce sont des chansons du calibre de “Long Black Limousine”, “Suspicious Minds”, “We’ll Inherit The Wind” ou “And The Grass Won’t Pay No Mind”. La raison en est simple : sa maison d’édition, Hill & Range, sous les directives du colonel Parker, proposait des contrats tellement minables aux compositeurs que plus aucun digne de ce nom n’acceptait d’écrire des chansons pour Elvis, sachant d’avance qu’il se ferait magistralement escroquer. “From Elvis In Nashville” ne peut donc rivaliser avec ses illustres prédécesseurs en ce qui concerne les tubes ou classiques potentiels, mais les chansons sont plus que décentes, ainsi que les reprises (dont son propre “Love Letters”, qui comptait déjà David Briggs au piano dans sa version originelle).
Par ailleurs, les spécialistes du King s’accordent tous pour dire qu’Elvis n’a jamais mieux chanté (après sa phase rock’n’roll) que sur ces séances pleines de soul. Ils ont raison.