Rock & Folk

The Style Council

“LONG HOT SUMMERS/ THE STORY OF THE STYLE COUNCIL ” Polydor/ UMC (Import Gibert Joseph)

-

Cela aurait pu être un suicide musical comme on n’en a jamais vu : en 1982, au summum de leur popularité, Paul Weller saborde les Jam, l’un des groupes anglais les plus populaires, ayant aligné une impression­nante série de singles qui ont conquis le pays. Weller en a marre d’être le leader d’un trio et de jouer devant des gamins en parkas ayant entre treize et dix-huit ans. Certains morceaux de la fin des Jam — “Precious”, “A Solid Bond In Your Heart”, “Beat Surrender” — montraient une évolution musicale que Paul Weller avait bien l’intention de développer, mais pas avec le même groupe. L’idée était de se libérer de la pression des Jam et de coller à son idéal mod, c’est-à-dire embrasser la musique noire dans un groupe à géographie variable. Il recrute le pianiste et organiste Mick Talbot, ancien membre du pire groupe du mod revival, les Merton Parkas, qui avait déjà joué sur certains titres des Jam. Une amitié s’est créée. Ensemble, ils imaginent le Style Council : plus de Rickenback­er barbelées, plus d’influences punk, plus d’influences blanches comme les Kinks, les Small Faces ou les premiers Who qui avaient tant marqué la musique du trio mythique. L’ambiance sera soul, jazz, plus tard hip hop ou influencée par la techno de Detroit. Paul Weller ne chantera pas sur tous les titres, il y aura des instrument­aux et des choeurs féminins (assurés par DC Lee, future madame Weller), très peu de guitare, ou alors avec un son très jazz inspiré par Everything But The Girl que le compositeu­r adore. Micro grave de guitare demi-caisse à la George Benson, avec des parties en octave à la Wes Montgomery (mais sans les mêmes moyens techniques, il ne faut pas exagérer non plus), avec aussi de la flûte traversièr­e et des cuivres. Les jeunes mods fans des Jam, souvent obtus, sont particuliè­rement rétifs à cette révolution, mais Paul Weller gagnera son pari en conquérant l’Angleterre une fois de plus. Désormais engagé à gauche (et membre du Red Wedge), il se lance dans des chansons politiques et compose des titres mélodiquem­ent imparables. C’est l’heure de “Shout To The Top!”, entre Philly et Northern Soul, du splendide “Down In The Seine”, de “Headstart For Happiness”, “Speak Like A Child”, ou de l’époustoufl­ant “My Ever Changing Moods”. Il y a des influences bossa réussies (“Have You Ever Had It Blue”) ou ratées (“All Gone Away”), jazz (“The Paris Match”), hip hop (“Dropping Bombs On The Whitehouse”, rien que ça, pas sûr que cela puisse sortir aujourd’hui…). Le problème du Style Council, c’est qu’à force de vouloir être moderne, le groupe s’est peu à peu noyé dans les effets sonores à la mode de l’époque. Lorsque Paul Weller a repris plus tard en solo “Long Hot Summer” sur scène, seul au Wurlitzer, cela sonnait comme du pur Marvin Gaye seventies. Chez le Style Council, la compositio­n splendide est gâchée par une vilaine basse jouée aux synthés et des effets clinquants. Par ailleurs, le chanteur, obsédé par Curtis Mayfield, se met parfois à monter dans des falsettos gênants, voire franchemen­t ridicules (“Come To Milton Keynes” ou “Wainting”, horrible). Il faut également tolérer les basses slappées et quelques guitares “cocottes”). Plus tard, le Style Council a décidé de donner dans la musique classique, ressemblan­t plus à du mauvais lounge qu’à Debussy, que Weller s’est mis à adorer. Le groupe n’a donc pas fait que des bonnes choses, et se procurer l’intégrale de sa discograph­ie n’est pas nécessaire. D’où l’avantage de cette belle double compilatio­n qui ressemble ses meilleurs titres. Et plusieurs sont vraiment extraordin­aires.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France