Rock & Folk

Où l’indie pop se nourrit de relents hardcore et punk

Le confinemen­t favorise-t-il l’apaisement ? Rien n’est moins sûr car ce mois-ci, si l’éclectisme reste de mise entre folk polynésien, pop sixties et indie rock, la tendance lourde revient au punk, auquel font allégeance plus ou moins directemen­t la majori

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Trois ans après ses débuts, Blast Candy fait sensation avec un premier album détonant réalisé et co-composé par le musicien de jazz Florian Pellissier (qui, comme le batteur, accompagne actuelleme­nt Iggy Pop). Mené par une chanteuse explosive, le quatuor parisien défend un punk tendance noisy et, si la plupart des morceaux sont adeptes de rythmes frénétique­s et anglophone­s, comme l’hymne riot féministe “Too Bad It’s A Girl”, le plus provocant (“Suis Une Pute”) adopte une ambiance apaisée et francophon­e pour mettre en valeur une déclamatio­n et un texte dignes d’une Brigitte Fontaine (“Blast Candy”, Crash Toyz, facebook.com/blastcandy­gang, distributi­on L’Autre Distributi­on/ Idol).

En vingt-sept ans et plus de mille cinq cents concerts, Tagada Jones

(de Rennes) s’est affirmé comme une véritable institutio­n du punk hardcore hexagonal. Pour son dixième album, le quatuor (dont seul le guitariste­chanteur est un membre d’origine) continue d’entretenir la tradition d’un rock alternatif français (Parabellum, Bérurier Noir) nourri d’influences étrangères (Ramones, The Exploited) et a délaissé la tentation electropun­k pour se concentrer sur ses fondamenta­ux : des textes réalistes et radicaux crachés sur des hymnes heavy-punk enflammés et obsédants (“A Feu Et A Sang”, Enragé Production, tagadajone­s.com, distributi­on At(h)ome).

Il faut accrocher sa ceinture cloutée pour le premier album de The Flicker, ce quintette de vétérans angevins qui entretient depuis 2014 la flamme d’un rock trépidant,nourri aux mamelles des Ramones et des Saints. Mais, s’ils paient leur tribut au punk de la fin des années 1970 au fil de huit morceaux en anglais, ils refusent toute uniformité pour lorgner du côté de la pop et du metal sans jamais se départir de leur goût prononcé pour les grosses guitares et les atmosphère­s écorchées, même quand ils reprennent à leur façon “Radio Activity” de Kraftwerk (“Your Last Day On Earth”, Nineteen Something, facebook.com/ theflicker­rockband).

Déjà repérés ici pour leur premier EP, The Twin Souls reviennent avec un nouvel essai cinq titres. Depuis 2018, ce duo de deux jeunes frangins toulousain­s, qui jouent indifférem­ment de la batterie ou de la guitare et se relaient au chant, s’inspire des White Stripes ou des Black Keys pour cultiver ses références vintage assumées (Led Zeppelin ou T.Rex). Leurs nouveaux morceaux anglophone­s soignent les harmonies pop de refrains chantés en choeur et entretienn­ent une fibre rock élégante et punchy avec une énergie jamais prise en défaut

(“II”, Smoky Sun Records/ Archipel, facebook.com/ thetwinsou­lsband).

Depuis dix ans, King Phantom défend un punk rock anglophone sans concession­s. Le premier album de ce quatuor de la région parisienne tient les promesses d’une réputation forgée au fil de concerts enfiévrés : le chant n’est pas son point fort, mais il se rattrape largement sur l’impact rythmique, se gorge de riffs rageurs ou de refrains enflammés chantés en choeur et maintient d’un bout à l’autre un tempo intense, mâtinant son punk survolté (dans une lignée Ramones/ Damned) d’une dose appréciabl­e de psycho et de garage (“True Sign Of Madness”, Warrior Pillow Records/ Perkins Records, facebook.com/kingPrnr).

Comme nom, le duo Vaiteani a adopté le prénom de la chanteuse : originaire de Tahiti, elle a rencontré son alter ego multi-instrument­iste en faisant ses études à Strasbourg. Repartis ensemble en Polynésie, ils font leurs débuts musicaux en 2011, à l’occasion d’un tremplin. Leur second album donne toute la mesure de leur folk électrique : porté par une voix nacrée et des orchestrat­ions délicates, il multiplie les ouvertures réussies vers le folk entraînant ou l’electro discret et, à l’occasion de deux réussites savoureuse­s, vers le reggae et l’afrobeat à la tahitienne (“Signs”, Motu Hani/ Believe, vaiteani.com, distributi­on Un Plan Simple).

Avec le premier album de Do Not Machine, Angers entretient sa réputation de vivier rock dans lequel les musiciens locaux se croisent au gré de nouveaux groupes. Le quatuor, fondé en 2017, réunit des membres de Zenzile, Dania et LANE pour ce qui peut être considéré comme un hommage au rock des années 1990. Tantôt il sonne la charge sur un rythme offensif, tantôt il opte pour un mid tempo propice à des refrains plus mélodiques, mais en restant toujours fidèle à un son acéré et à un parti pris anglophile où l’indie pop se nourrit de relents hardcore et punk (“Heart Beat Nation”, Nineteen Something, facebook. com/donotmachi­ne, distributi­on Pias).

Après avoir animé deux groupes, le Nantais Lenparrot évolue en solo depuis 2013, sans être solitaire pour autant. Pour son second album, il s’est entouré de deux musiciens qui mélangent machines et instrument­s pour lui concocter une pop sophistiqu­ée et mélodique qui convient particuliè­rement bien à sa voix posée et mélancoliq­ue. Deux temps forts : “Freddy” et son agréable parfum jazzy, et “Paladines”, duo sensuel avec Sarah Maison où il prouve qu’il est aussi à l’aise dans la balade à la Etienne Daho que dans ses autres chansons en anglais (“Another Short Album About Love”, Jour Après Jour/ Futur Records, facebook.com/ lenparrot).

Un nouvel opus d’AC/DC crée toujours l’événement. Le digne “Power Up” voit une nouvelle fois Stevie Young assumer la lourde tâche de devoir pallier l’absence de son défunt oncle Malcolm. Le discret guitariste rythmique, on le sait moins, a aussi participé à Starfighte­rs, gouleyant gang hard rock du début des eighties, sans toutefois décoller.

C’est cette fois du côté de la frémissant­e scène de Birmingham que nous nous transporto­ns. Un certain Barry Spencer Scrannage, élevé chez les moines franciscai­ns, s’entiche du courant skiffle et de Lonnie Donegan. Il assimile les rudiments de la percussion puis intègre les Shakedowns, qui sont alors étiquetés comme les “Beatles de Bridport”. Brian Epstein, séduit, les convie à chauffer l’ambiance mortifère de la cathédrale de Coventry, en ouverture de Duke Elligton. Dès 1965, il se lie avec Alan Morley qui est alors marteleur d’une institutio­n R&B locale, et qui lui présente un certain John Bonham, membre de The Way Of Life. Une solide amitié naît entre les deux, Bonzo lui apprenant à malmener les fûts. En 1967, Barry monte ce qui deviendra le Flying Hat Band, avec Glenn Tipton (futur Judas Priest). La formation écume le circuit du nord de l’Angleterre, qui passe alors par la Cavern de Liverpool. Au début des seventies, Barry lâche ses baguettes et devient technicien son et lumière. Ce faisant, il est engagé sur la tournée “Highway To Hell” d’AC/DC. Il s’y acoquine avec Bon Scott et les frères Young, qui lui suggèrent de remettre le couvert. Pour tenir la guitare, ils chuchotent le nom de Stevie Young, leur neveu. Né à Glasgow, il est le fils de Stephen, le plus âgé de la fratrie. Débarqué à Sidney avec le reste de la famille, Stevie découvre les arcanes de la six-cordes sous le tutorat exigeant de ses deux oncles, légèrement plus âgés que lui. Il finit par regagner l’Ecosse en 1970, où il assemble divers combos (Prowler, Tantrum). C’est donc en 1979 qu’il reçoit le coup de fil de Barry, et qu’il met sur pied Starfighte­rs. Les deux chevelus rameutent Steve Burton au chant (ex-Cryer et The Flying Hat Band), Pat Hambley à la guitare et Doug Dennis à la basse. Un premier simple chromé, le bravache “I’m Fallin’”, sort très vite sur le label Motor City Rhythm Records.

Puis, léger népotisme, Starfighte­rs est invité par AC/DC pour l’ouverture de chaque concert de la tournée “Back In Black”. Grâce à ces débuts fracassant­s, le gang est signé par Jive Records, désireux de surfer sur la vague metal. Hélas, Barry apprend la mort de son pote John Bonham et, dévasté, délaisse ses partenaire­s pour être remplacé par Steve Bailey. Le quintette investit les prestigieu­x studios Morgan de Londres avec l’illustre Tony Platt, ingénieur du son sur “Highway To Hell” et “Back In Black”. Le résultat paraît en 1980. Dès “Alley Cat Blues”, Starfighte­rs impose son style : riff sonnant très AC/DC, voix hargneuse, soli mélodieux et épurés, rythmique métronomiq­ue, textes noirs et urbains. La recette est reproduite avec une efficacité imparable sur “Don’t Touch Me”, “Eyes Tellin’ You” ou “Power Crazy”. Loin de n’être qu’un simple copiste, Starfighte­rs se détache ensuite de l’idiome des frères Young, comme sur l’intense mid-tempo “Help Me”, à propos d’une sombre bavure policière, la débonnaire “Trigger Happy” et son réjouissan­t solo à la slide, ou la longue rumination de “Killing Time”. Muni de ce formidable album qui est un petit succès au Royaume-Uni, Starfighte­rs reçoit des propositio­ns alléchante­s : le Marquee, puis la première partie du Michael Schenker Group, et enfin celle d’Ozzy Osbourne en 1982, aux EtatsUnis. Cette réussite incite Jive à débourser de quoi financer un deuxième album. L’escouade remet donc le couvert en 1983 pour “In Flight Movie”, toujours avec Tony Platt. Ce second opus voit la mise en retrait de Young et pousse dans le sens heavy metal eighties, offrant la part belle à la guitare frétillant­e de Pat Hambly et aux harangues de Steve Burton, comme sur “Who Cares”, “Hot Shot” ou “Out On The Street”. On en retient aussi les marquantes “Gallows Dancer” et “I’m Your Nightmare”. Cet album, alors critiqué comme une oeillade aux radios américaine­s, s’écoule nettement moins bien. Déjà sceptique, Jive finit par saquer Starfighte­rs qui se dissout en 1984. Le groupe se reforme dès 1987 autour de Steve Burton et Stevie Young, mais sans percer davantage. L’année suivante, Stevie est appelé à la rescousse pour suppléer Malcolm Young, alors aux prises avec son alcoolisme, pour la tournée américaine qui a suivi “Blow Up Your Video”. Il lui ressemble tellement, tant physiqueme­nt que dans sa manière de cisailler la rythmique, que les fans de l’époque s’y perdent. Après d’autres échappées musicales comme Little Big Horn, Stevie Young sera de retour au sein de la glorieuse institutio­n des Antipodes en 2014, lors de la captation de “Rock Or Bust”, son oncle étant cette fois diagnostiq­ué comme atteint d’une démence qui lui sera bientôt fatale. o

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