Entre foi et psychopathie
Saint Maud
Grand Prix au dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer (le prochain, fin janvier 2021, aura lieu en ligne), “Saint Maud”, de la Britannique Rose Glass fait partie du Elevated genre.
Une appellation donnée à un cinéma fantastique bifurquant davantage sur l’ambiance, la paranoïa et la folie que l’horreur frontale, les monstres trop décadents et la diablerie trop incarnée. On entre donc dans la psyché barrée de Maud, une infirmière à domicile qui s’éprend de sa cliente, une danseuse en fin de vie, fragilisée par la maladie. Problème de taille (et justification du scénario) : Maud, convertie au catholicisme extrême, est persuadée que Dieu l’incite à sauver l’âme d’Amanda. C’est dans une étrangeté diffuse, puis une horreur glaçante, que l’on suit la grande descente de Maud dans les enfers de la foi. Cloisonné dans sa croyance et ses frustrations sexuelles, Maud fait d’un soi-disant paradis (Dieu, les anges, le petit Jésus, tout ça) un enfer (le diable, la damnation éternelle, tout ça). Naviguant entre foi et psychopathie, bonté et coup de folie, perception troublée du réel et images pieuses malsaines, “Saint Maud” plane sans cesse sur les doutes de son héroïne : est-elle possédée ou est-elle une sainte ? Car, visiblement, les deux sont compatibles. Et c’est flippant ! (en salles… si Dieu le veut donc... en janvier 2021. )
The Tax Collector
Un temps réputé pour ses thrillers tendus (“Bad Times”, “End Of Watch”) et son formidable film de guerre en huis clos dans un tank (“Fury”), David Ayer a fini par tomber en désuétude en signant l’affreux “Suicide Squad” qui, malgré son succès mondial, est considéré comme le pire film de super héros de tous les temps. Suivi du plus encombrant encore “Bright”, autre blockbuster conçu sur mesure pour ce grand dadais de Will Smith. Avec “The Tax Collector”, David Ayer revient au polar de série B de ses débuts en tapant l’incruste dans le quotidien de gangsters latinos de Los Angeles dont un, surnommé le Diable, est chargé de collecter des dollars pour le compte de redoutables dealers. Rôle joué avec une inquiétante conviction par Shia LaBeouf, ex-jeune premier propret d’Hollywood des années 2000 (“Transformers” , “Indiana Jones 4” ) devenu comédien rebelle un peu zinzin adepte des performances absurdes
(il s’était enfermé dans une salle de cinéma pour regarder — sans dormir et pendant plusieurs jours de suite — tous les films de sa filmographie). Si “The Tax Collector” ne marque le grand retour de David Ayer (trop de dialogues, personnages secondaires caricaturaux), il n’en reste pas moins que son script donne une vision assez juste et réaliste des gangs de LA (disponible en VOD sur Filmotv).
The Professor And The Madman
Ex-star absolue du box-office mondial de la fin des années 1970 au début des années 2000 (en gros de “Mad Max” à “Signs”), Mel Gibson cumule depuis quelques années les apparitions en guest (“Expendables 3”, “Machete Kills”), tout en continuant de jouer les héros dans de petites séries B d’action façonnées à la hâte sur son charisme toujours intact (“Kill The Gringo”, “Blood Father”). Quel plaisir pour le coup de le retrouver calme, sans muscle dehors et barbe de sexagénaire pensif dans “The Professor And The Madman” de Farhad Safinia, pur film d’auteur resté coincé depuis trois ans dans les tiroirs poussiéreux des distributeurs.
Il y joue un philologue écossais qui, en association avec un médecin militaire ultra-lettré interné dans un asile pour avoir tué son père dans un accès de folie, crée ce qui deviendra le mythique “Oxford English Dictionary”, le dictionnaire de référence de la langue anglaise publié en vingt tomes en 1928. Sujet intrigant, peu vendeur pour les salles obnubilées par les blockbusters, mais dont le didactisme est totalement captivant. D’autant que le face-à-face constant entre Mel Gibson et ce cabot génial de Sean Penn fonctionne jusqu’à l’émotion absolue (disponible en VOD sur Filmotv).
Mosul
Les frangins Joe et Anthony Russo sont les rois du pétrole. Forcément puisqu’avec leur “Marvel’s Avengers End Game”, ils ont réalisé en 2018 le plus gros succès financier de toute l’histoire du cinéma, battant au passage “Avatar” et “Titanic” de saint James Cameron. Grâce aux sous engrangés, les frères Russo se sont acheté un semblant de conscience en produisant quelques films plus cools comme le polar “Manhattan Lockdown” (dernière apparition à l’écran de Chadwick “Black Panther” Boseman) et le film d’aventures fun et destroy “Tyler Rake”. Produit pour Netflix, tout comme le film de guerre immersif “Mosul”. Et même ultra méga immersif puisque la caméra ne décolle jamais des rangers d’une unité spéciale de mercenaires traquant des combattants islamistes dans un Mossoul détruit. Glissant comme des serpents dans les décombres de la ville, pénétrant dans des immeubles détruits et encore fumants pour choper les snipers, et esprit de revanche chevillée à l’âme, ils accomplissent leur mission façon kamikaze. Avec une impression constante pour le spectateur de se retrouver à la fois dans un jeu vidéo et dans un reportage de guerre réaliste façon “Envoyé Spécial” (disponible en VOD sur Netflix).