L’anarchie en Romandie
Pour tout comprendre du confinement facile, Stéphane Bouzon sort un nouvel épisode du manque d’aventures de son duo de glandeurs préféré. L’opus s’appelle “Trip & Trash Comment Réussir Sans Se Fatiguer” (Spaghetti Sauvage) et consiste en plus de deux cents strips à la coloration psychédélique et aux propos anarchiques. Personnages au graphisme minimaliste inspiré par des gélules pharmaceutiques, ces deux dangers publics pour la libre entreprise n’ont qu’un objectif dans la vie : rester chez eux pour picoler et se droguer. Or, alors qu’ils sont paisiblement en train de se préparer à boire des bières, leur ami Clark s’incruste pour leur raconter ses malheurs : son père vient de le condamner à réussir sa vie patronale s’il ne veut pas être déshérité. Avec son humour basé sur la répétition, cette BD est pleine de conseils réfléchis, et comment aller à l’encontre de Stéphane Bouzon quand il fait dire à Clark qu’il faut se renouveler sans cesse sans jamais se répéter pour rester au top ?
Avec “The Mask Vol.2, The Mask Contre-Attaque” (Delirium), le scénariste John Arcudi et le dessinateur Doug Mahnke reprennent le personnage de Mike Richardson d’une manière totalement trash. Comme pour les précédents épisodes, cette contre-attaque est surtout une parodie de comic totalement déjantée où l’ultra-violence des personnages doit être considérée comme un élément humoristique comme un autre. Dans cette histoire, le masque réapparaît par hasard et passe de tête en tête au hasard des candidats qui veulent tenter l’expérience. Si Rick apprécie peu le fait de se retrouver à défier les autorités, la Mafia et le colosse Walter en faisant à peu près n’importe quoi, ce n’est pas le cas pour Ben, musicien punk en dessous de tout, qui va subitement décrocher son premier concert sous le nom de Jimee Hydrox au Kamikaze Klub. A des années-lumière de la version hollywoodienne avec Jim Carrey, cette pépite trentenaire mérite d’être découverte dans une nouvelle traduction de choix.
Si Michael Allred est un dessinateur de comics américain multirécompensé pour son travail (“Madman”, “Red Rocket 7” ou “Silver Surfer”), il est aussi un fan inconditionnel de David Bowie. En compagnie du coscénariste Steve Horton, il propose “Bowie” (Huginn & Muninn), BD-hommage au dessin particulièrement réussi et dont certaines pages peuvent remplacer le LSD 25 sans aucun problème.
Cet ouvrage s’adresse à des gens ayant déjà une bonne connaissance du sujet et ce sont surtout les années 1970 et 1980 qui sont développées, tandis que les débuts et la fin de carrière ne représentent que quelques pages (mais à un rythme dense et remplies d’infos sérieuses qui remettent Bowie dans un contexte aussi bien social que musical). Au final, un ouvrage pointu au graphisme imbattable où se croise un sacré Gotha mondain.
La boîte aux souvenirs de jeunesse du mois est remportée, haut la main, par la dessinatrice suisse Hélène Becquelin avec “1979” (Antipodes), BD dans laquelle elle raconte dans un style crayonné sa découverte du punk rock, du ska et de la new-wave pendant les vacances de Noël 1979. Elève confinée dans une institution religieuse riche en bonnes soeurs, Hélène est du genre solitaire et rétive à la mode disco de l’époque. Afin de mieux souligner cette envie d’être dans son coin, elle se représente constamment accompagnée d’un ami, ou un garde du corps imaginaire, en forme de Barbapapa noir, beaucoup plus sympa que le pote de Kurt Cobain. Ce dernier déploie d’ailleurs des trésors d’imagination pour faire rentrer l’ado dans le rang. Mais voilà, c’était sans compter sur la découverte de “Rock&Folk”, de “Best”, “Feedback” et “Chorus” au moment de la sortie de “London Calling”. C’est en lisant ce genre de BD bien contée qu’on se rend compte de la très mauvaise influence qu’ont eue les médias français sur nos voisins suisses. L’anarchie en Romandie, ça arrive aussi !