AMY WINEHOUSE
A l’heure où sont publiés deux coffrets rétrospectifs consacrés à la dernière diva, “The Collection” (cinq CD : trois albums, un live, un disque de remixes) et “12x7” (douze singles vinyles), il serait peut-être temps de reparler musique.
AMY WINEHOUSE éTAIT LA DERNIèRE GRANDE. TOUT LE MONDE LE SAIT. Ça ne se démontre pas, ça se sent. C’est comme ça. Ceux qui ne sont pas d’accord ont le droit de ne pas l’être, mais ils ont tort. Les “critiques de rock” sont régulièrement convoqués par les grands médias généralistes pour parler d’un artiste, apporter un peu de crédibilité à une émission ringarde, enfin on ne sait jamais exactement très bien pourquoi, on sait juste que ça ne sert à rien, mais il arrive d’y aller. S’il s’agit par exemple de parler d’Amy Winehouse, il est certain qu’on va entendre, les mots “drogue”, “déchéance”, “scandale”, “mort” et, pire que tout, “club des 27”. Jamais ou rarement “musique”, “passion”, “talent”. Mais ici, on ne va ni tenter de prouver qu’Amy était la dernière géante de la musique qu’on aime, c’est un fait acquis, ni parler de ce qui intéresse — cinq minutes — ce fameux grand public. On va même oublier les hits pour parler de jazz, de rhythm’n’blues, de reggae. Des musiques qui ont nourri cette chanteuse et qu’elle a si bien (ré)interprétées. Ecouter les covers. Les faces B. Les bonus. Parler musique, quoi.
Classique de la bossa nova
Ils sont nombreux, ces temps-ci, les chanteurs de rock, de folk, de pop a se tourner vers le jazz. Les plus récents exemples sont, dans le désordre, Bob Dylan, Paul McCartney, James Taylor, Willie Nelson, Bryan Ferry, Chrissie Hynde ou M Ward, qui ont tous sorti des albums de standards autrefois popularisés par des gens comme Dinah Washington ou Frank Sinatra. Le jazz, c’est chic, mais c’est casse-gueule. Ça ne supporte pas trop l’amateurisme ni l’à-peu-près. Ça fait franchement le tri entre les chanteurs approximatifs et les grands. Amy Winehouse faisait partie de ces derniers et, dès ses débuts, a voulu donner une orientation jazz à son premier album. Elle s’en éloignera par la suite, abordant avec tout autant de réussite des genres comme le rhythm’n’blues ou le reggae, mais le coup avait été marqué. Et son dernier enregistrement, en mars 2011, ce fameux duo avec Tony Bennett sur “Body And Soul” qui lui tenait tant à coeur, prouvera définitivement, mais malheureusement trop tard, qu’elle était bien la Billie Holiday du vingt-et-unième siècle. Le producteur américain Salaam Remi, qui a travaillé avec Amy dès ses premiers enregistrements professionnels, est une des personnes qui connaissaient le mieux le talent de la chanteuse et sa passion pour la musique. Il dira d’elle : “Amy vivait la musique, elle était toujours en train d’en écrire, d’en parler ou d’y penser.” C’est lui qui a produit ce fameux premier album très jazz, “Frank”, sorti en octobre 2003. A l’époque, ce n’est pas un inconnu, il a déjà vu défiler un nombre important de grands artistes en studio et n’est pas facilement impressionnable puisqu’il a notamment coproduit “The Score”, le deuxième album des Fugees en 1996, ou le “God’s Son” de Nas en 2002. Pourtant, dès qu’il entend Amy chanter le fameux “The Girl From Ipanema” d’Antônio Carlos Jobim, il comprend : “C’est la toute première chanson qu’a chantée Amy, qui n’avait que dix-huit ans, quand elle est venue travailler avec moi à Miami. Sa façon de réinterpréter ce classique de la bossa nova m’a fait comprendre que j’avais affaire à un talent très spécial. Son approche de la chanson était tellement nouvelle et originale qu’elle a inspiré le reste de nos séances.”
Frank Sinatra
Une autre chanson à la mélodie très jazzy, “Half Time”, écrite par Amy et finalement écartée de l’album, en dit encore davantage sur son amour de la musique: “Une simple guitare douce/ Rendue humble par la basse/ Et quand le beat arrive/ Tout se met en place/ Et ça me submerge/ Je ne peux m’empêcher de danser/ Tu peux essayer de m’arrêter/ Mais tu n’y arriveras pas (...) Le rythme inonde mon coeur/ La mélodie nourrit mon âme/ La chanson me met en pièces/ Et m’avale entièrement/ Tu devrais remercier ta bonne étoile/ Parce que la musique est un don/ Elle est plus forte que tout/ Et me donne du courage.”
On retrouvera “The Girl From Ipanema” et “Half Time” sur l’album posthume d’Amy Winehouse, “Lioness: Hidden Treasures”. Salaam Remi écrira dans les notes de pochette : “Elle était en contact régulier par Skype avec Questlove des Roots et voulait explorer le côté jazz avant de passer à son prochain disque. J’avais ce morceau incroyable, ‘Half Time’, sur lequel on avait travaillé pendant les séances de ‘Frank’.