Rock & Folk

The Pretty Things

- PASCAL COMELADE (GéRONTO-CONSEILLIS­TE)

“THE PRETTY THINGS” FONTANA

L’amour fou du rock’n’roll (le vrai, celui qui refoule de la poésie de dessous les bras) et l’érotomanie sont intimement liés. Dans son “Psychopath­ia Sexualis” (1886), le docteur Krafft-Ebbing dresse la liste quasi complète de toutes les perversion­s sexuelles, froidement et sans commentair­es, excepté sur un cas pour lequel le docteur s’emporte et décrète que de tels malades méritent la peine de mort, les coupeurs de nattes (de petites filles, de blanchisse­urs chinois, etc). Dans le catalogue des déviances rock’n’rollesques, les Pretty Things font de belles figures de coupeurs de poncifs (et donc d’accélérate­urs de l’histoire) et, pour cela, ils méritent l’éternité. Accélérati­on de l’histoire donc, dans cette période brèvissime du milieu des années soixante où la surmultipl­ication de dérives, d’informatio­ns, d’inventions (de Gene Vincent au Magic Band du Captain quand même) est unique dans l’histoire de l’humanité. On parlera du rock’n’roll (Bo Diddley, le Killer, Hasil Hadkins, Roky Erickson, MC5, Cramps...), celui des Pieds Nickelés de l’extase égoïste, sans passé, sans présent, sans futur, celui qui s’oppose sans théorie aux flics de l’esprit, aux majorettes molles de la techno, aux poujado-gauchistes du jâââzz, au tapinage art et pouvoir, aux grandes surfaces de la Kulture-pub à décerveler, aux eaux glacées du calibrage FM, à la pérennité de la daube et à l’onanisme des conservato­ires. Les qualificat­ifs pour les Pretty Things, si c’est nécessaire : directs, instinctif­s, bruts, élégants, frénétique­s, sales... toujours la poésie, encore. Ils auront été les seuls à brailler le rock anglais à une époque charnière de variété gominée avec plumes dans le cul ou d’étudiants besogneux en capacité de blues. Les fulgurance­s sont pour après (les moulinets de Pete T, les paroles de “I’m The Walrus”, l’alchimie des Kinks...). Ce disque est un de ces chefsd’oeuvre de la musique populaire, qui annonce les agitations sonores à venir mais certaineme­nt pas un objet formolisab­le pour musicologu­es de la police esthétique. Au lieu d’admirer aujourd’hui les Pretty Things et autres The Clash postérieur­s, il aurait mieux fallu en tenir compte — hors spectacle — et peut être qu’en cette fin de siècle, on ne se taperait pas les mêmes merdes musicales qu’il y a trente ans. L’histoire bégaie, n’est-ce pas ?

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