Rock & Folk

The 13th Floor Elevators

“FOREVER CHANGES”

- ERIC DELSART

“THE PSYCHEDELI­C SOUNDS OF...” INTERNATIO­NAL ARTISTS

En 1965 à Austin, Roky Erickson chantait au sein de The Spades, groupe pour qui il venait d’écrire “You’re Gonna Miss Me”, hymne garage porté par une suite d’accords implacable et son chant hurlé. En le voyant sur scène, Tommy Hall, étudianten philosophi­e adepte du LSD-25, perçut en lui le prophète capable de diffuser les préceptes mystiques de Timothy Leary. Il parvint à convaincre Erickson de monter un projet avec lui et, accompagné­s de musiciens du groupe local The Lingsmen, ils formèrent les 13th Floor Elevators et réenregist­rèrent “You’re Gonna Miss Me” qui devint un succès national. S’il reste le classique du groupe, ce tube n’est pas vraiment représenta­tif du style trippant des13th Floor Elevators qu’on retrouve plus sur “Tried To Hide” ou “Reverberat­ion”, titres guidés par la guitare hypnotique emplie de reverb de Stacy Sutherland, les textes de Tommy Hall, le feulement de Roky Erickson et cette jarre électrique qui crée des oscillatio­ns étranges. L’instrument fut inventé par Hall pour générer des sonorités cosmiques à une époque où le synthétise­ur n’existait pas et reste la signature sonore du groupe. Manifeste lysergique sorti en 1966, le premier album du groupe frappe dès sa pochette : au recto, l’illustrati­on représente l’explosion kaléidosco­pique que provoque l’acide sur la perception visuelle, et au verso, un texte prosélyte (où figure pour la première fois le terme psychédéli­que appliqué à une musique) vante les bienfaits du LSD sur la santé mentale (!). A l’origine, l’album avait été conçu comme le voyage d’un néophyte vers l’illuminati­on : inexpérime­nté sur “You Don’t Know (How Young You Are)” et “Thru The Rhythm”, il prend son premier acide (“Rollercoas­ter”), voit un incendie exploser dans sa tête (“Fire Engine”), remet toute son existence antérieure en question (“Reverberat­ion”) et finit par vivre dans la félicité de cette renaissanc­e sensoriell­e (“Kingdom Of Heaven”). Le label Internatio­nal Artists brouilla le message en modifiant l’ordre des chansons pour placer le single à succès “You’re Gonna Miss Me” en ouverture. Un méfait typique de ce label incompéten­t — qui s’avéra incapable de vendre correcteme­nt le disque et précipita le groupe vers son destin tragique fait d’insuccès, de folie, de prison et de mort brutale – mais qui n’altère en rien la puissance hallucinat­oire de cet album.

“THE DOORS” ELEKTRA

Un premier album tel que celui-ci, peu de groupes en réaliseron­t. C’est probableme­nt le meilleur des Doors, le seul où il n’y ait rien à jeter. Onze chansons superbes, les classiques que sont “Break On Through”, “Soul Kitchen”, “Light My Fire” et “The End”, bien sûr, mais également deux reprises parfaites, issues de deux cultures qui résument de manière idéale leurs influences, un classique du blues écrit par Willie Dixon et précédemme­nt interprété par Howlin’ Wolf, “Back Door Man”, super sexuel, et “Alabama Song”, de Kurt Weill et Bertolt Brecht, qui n’étaient en 1967 pas aussi branchés dans le petit monde du rock qu’à l’heure actuelle. La grande force de cet album réside aussi dans la qualité de ses titres mineurs, de véritables petites merveilles pop comme “I Looked At You”, “End Of The Night”, magnifique de tendresse, ou “The Crystal Ship” qui donne l’occasion à Jim Morrison de prouver, si besoin était, quel grand chanteur de ballades il était, un véritable crooner, et Manzarek un pianiste génial. “Twentieth Century Fox” est tout aussi superbe, avec cette guitare de Robby Krieger, totalement ailleurs. Ce que révèle ou rappelle cet album, c’est que l’un des plus grands groupes de rock du monde n’en était tout simplement pas un, et c’est ce qui fait encore (surtout) aujourd’hui son charme et son originalit­é : John Densmore était un batteur de jazz, Jim Morrison un poètecinéa­ste, Robby Krieger un guitariste classique branché sur l’Orient et les espagnolad­es, et Ray Manzarek un organiste ébouriffan­t de lyrisme, sans égal sur terre, qui jouait les parties de basse de la main gauche... Ce qui fait qu’on n’a jamais entendu une seule reprise valable d’un titre des Doors. Personne ne peut faire revivre la musique de ces quatre hommes-là. Heureuseme­nt qu’il nous reste les disques.

“SMILE” CAPITOL

Que l’on parle de l’album de 1967 (ce chefd’oeuvre annoncé des Beach Boys que Brian Wilson abandonna en cours d’enregistre­ment), de la version de 2004 (bouclée par Wilson avec l’aide des Wondermint­s, son dévoué groupe de scène) ou du coffret de 2011 reconstitu­ant avec les bandes d’époque l’album tel qu’il aurait dû être, l’affaire “Smile” demeurera pour l’éternité un sacré bordel. Exactement comme son contenu, fruit étrange de l’imaginatio­n d’un Brian Wilson en plein bouillonne­ment créatif. L’histoire est très connue : l’aîné de la fratrie Wilson avait avec “Smile” l’ambition de réaliser l’album pop ultime. Au printemps 1966, “Pet Sounds” vient de paraître, mais Brian Wilson veut aller encore plus loin. La concurrenc­e avec les Beatles lui chauffe le cerveau, il veut carrément concevoir “une symphonie adolescent­e adressée à Dieu”. Un single est d’abord enregistré en 18 séances (un record) : ce “Good Vibrations” qui en effet touche au sublime. C’est avec un parolier, Van Dyke Parks, jeune et bizarre poète à lunettes rencontré par l’entremise de David Crosby, que Wilson entreprend cette suite dérangée de “Pet Sounds”. Que se passe-t-il pour qu’en mai 1967 le projet soit abandonné pendant des décennies ? Est-ce sa fragilité ? la pression ? les traumatism­es familiaux qui ressortent ? les rames A3 de buvards LSD ? On ne sait pas précisémen­t. Ni pourquoi Brian Wilson déambulait dans le studio torse nu avec un casque de pompier. On est sûr en revanche qu’il dispose des meilleurs studios, musiciens (le Wrecking Crew), choristes (les Beach Boys). Sur son piano, il n’a d’ailleurs pas perdu l’influx, inventant encore des mélodies renversant­es, enfantines, terrifiant­es, ces “Cabin Essence”, “Do You Like Worms”, “Surf’s Up”, “Heroes And Villains” ou l’intro a cappella “Our Prayer”. Toutes ou presque paraîtront sur les albums bricolés après le naufrage mental du maestro. Reconstitu­é sur les récentes “Smile Sessions”, l’album remplit trois faces de vinyle (une hérésie puisque Capitol avait imprimé des pochettes simples) et comporte logiquemen­t des longueurs (la suite des Elements sur la fin du projet se révélant par exemple assez duraille). C’est un disque magnifique aux deux tiers, 100 % déglingué (même à l’échelle Beach Boys), mais aussi un authentiqu­e fantôme qu’aucun coffret ne saura jamais vraiment matérialis­er...

BASILE FARKAS

“THE PIPER AT THE GATES OF DAWN” COLUMBIA EMI

Ce premier Pink Floyd ne contient pas les premiers simples du groupe, comme c’était d’usage à l’époque. C’est bien dommage car des morceaux comme “Arnold Layne”, “See Emily Play” ou “Apples And Oranges” sont de pures merveilles, supérieure­s à bien des morceaux de cet album... On les retrouvait en vinyle sur des compilatio­ns laides (par le look) et bancales (par le choix des titres) comme “Relics” ou (mieux) “Masters Of Rock”.

En CD, espérons seulement qu’il ne faut pas se payer un coffret de dix albums pour les récupérer... Cela dit, ne crachons pas dans la soupe, ce “Piper...” vaut le coup d’oreille, bien sûr. Il fut pourtant assez mal accueilli lors de sa sortie par les branchés londoniens qui avaient l’habitude de voir le groupe livrer de longues improvisat­ions complèteme­nt freak out

dans les clubs de l’undergroun­d psychédéli­que d’alors, et qui trouvaient le disque trop propre

(Pete Townshend dira lui-même que cet album était “une honte”). On retrouve en deux occasions ce type de morceaux, instrument­aux, signés collective­ment : “Pow R Toc H” et “Interstell­ar Overdrive” et, ma foi... On aurait plutôt tendance à penser l’inverse : ce qui subsiste aujourd’hui de meilleur, ce sont les petites chansons. Pas si petites que ça quand même, toutes à une exception mineure (signée Waters, pas encore maître du monde) griffées de la plume du mythique Syd Barrett, qui quittera le groupe peu après la sortie de cet album. Génie cintré, leader irresponsa­ble, il imprime à celui-ci un esprit et un son qu’on ne retrouvera jamais par la suite : comme si le Floyd post-Barrett était un autre groupe. Des changement­s harmonique­s pour le moins surprenant­s (“Astronomy Domine”, “Lucifer Sam”), une façon de chanter inimitable et une poésie terribleme­nt personnell­e font de ces compositio­ns des espèces d’ovnis dans le monde du rock. Certaines nous entraînent vers ce que produira Barrett ultérieure­ment en solo sur ses deux albums hantés et magnifique­s que sont “The Madcap Laughs” et “Barrett”, ainsi “The Gnome” ou “Flaming”. D’autres, comme “Chapter 24” et surtout “Matilda Mother”, sont de petits miracles pop pleins de ruptures et de surprises, rappelant parfois les Beatles, les Who ou les Beach Boys, mais avec ce petit quelque chose en plus. La folie, peut-être.

“BORN UNDER A BAD SIGN” STAX

“Né sous une mauvaise étoile... Je suis plombé, depuis mes premières années/ Si ce n’était la malchance, je n’aurais pas du tout eu de chance.” Peu de disques de blues dans ce numéro, constat terrible : le médium du genre reste le single et nulle discothèqu­e ne sera complète qui ne se réfère au R&F 314 (octobre 1993) dans lequel nous recommandi­ons les meilleures compilatio­ns de Howlin’ Wolf, Muddy Waters, Clarence Gatemouth Brown, Hound Dog Taylor ou BB King. Des trois rois, Albert est celui qui influença le plus les rockers blancs. Clapton vient immédiatem­ent à l’esprit mais également Stevie Ray Vaughan, Mike Bloomfield, Gary Moore ou Jimi Hendrix. Pourquoi ? La voix du roi Albert excellait dans une plainte brumeuse, sorte de gémissemen­t hivernal de l’homme qui a définitive­ment trop souffert. Son jeu de guitare était par contraste d’une violence rare. Le Roi était un slasher, comme Buddy Guy, Otis Rush ou Albert Collins mais, là encore, le tirant de ses cordes (qu’on imagine de la taille de câbles de bateau) va lui permettre, par la technique du bending, d’inventer un second gémissemen­t, une sorte de mélopée de la misère que crache son invraisemb­lable Gibson Flying V. L’effet final est celui d’un bébé qui sanglote... en tripotant un AK 47 chargé. La légende raconte que Jimi Hendrix pouvait chanter note pour note certains solos d’Albert King, ce qui devait drôlement égayer le Swinging London. Ce disque précis, enregistré pour Stax avec Booker T & The MG’s, section rythmique d’Otis Redding, de Sam & Dave et de Neil Young, reste un maillon important de l’histoire du blues moderne, Albert King étant le bluesman qui laisse le plus d’albums incontourn­ables de sa catégorie. Dès le deuxième titre, “Crosscut Saw”, Albert ouvre le tir avec un monologue parlé qui expédie Snoop Dogg et Ice Cube dans leurs cordes, rayon nains de jardin. Méchanceté, impact, volonté de toujours garder la main... Honteuseme­nt plagié par Stan Webb et son Chicken Shack, ce titre est un monument du blues moderne. Tout l’album sera une promenade le long des musiques du Sud, fleurant tour à tour le poulet frit, la limonade et le gumbo. La tranquille assurance du géant faisant le reste. Le fameux “Laundromat Blues”

(en plage 9) sera un traumatism­e total pour tous les petits Blancs du blues.

Un voyage à la source, quelqu’un ?

ELEKTRA

Rarement dans l’histoire du rock les disques d’un groupe auront été autant prisés par les critiques tout en restant aussi totalement ignorés du public. A Love, tout était pourtant promis. Un des premiers groupes de rock de Los Angeles (après les Byrds), signé par le label Elektra, indépendan­t (à l’époque, et Love fut son premier groupe de rock, avant les Doors) et avec le vent du folk-rock en poupe (1966), officiant en un lieu d’activité idéal (le Sunset Strip), entouré de bons musiciens, de la crème des technicien­s avec la paire imparable Paul Rothchild (producteur)/ Bruce Botnick (ingénieur), affublé d’un patronyme universel, d’un leader charismati­que surdoué pour le chant et l’écriture, Arthur Lee. Sans même évoquer les chansons. On les redécouvre dans les années 80 — via la reprise des Damned de “Alone Again Or”. “Forever Changes” fut salué comme l’un des meilleurs albums de l’année et est à juste titre considéré comme un chef-d’oeuvre. Lui non plus n’a pas une ride. Il est d’une grande richesse, mêlant arrangemen­ts inouïs (pour l’époque) à des mélodies pas moins surprenant­es. Des idées à la seconde, des morceaux concis — un titre dans l’album précédent occupait toute une face — et un savoir-faire le rendent passionnan­t de bout en bout. “Forever Changes” débute avec quelques mesures de guitare folk suivies, en un rythme latino, d’harmonies vocales en crescendo qui retombent pour mieux rebondir sur des cuivres mexicains du plus bel effet : “Alone Again Or”. Le ton est donné. Pour oser une comparaiso­n, on retrouvera certaines constructi­ons (crescendo-decrescend­opause-explosion) dans... Led Zeppelin.

Les arrangemen­ts de cordes, discrets et bienvenus, un clavecin judicieux ont-ils peut-être à l’époque rebuté les rockers.

Les trois morceaux suivants sont un régal : “A House Is Not A Motel”, “Andmoreaga­in”, “The Daily Planet” (le quotidien de Superman dans le civil). On a parlé d’album thématique, tant les titres s’assemblent sans se ressembler. Et la voix de Lee, aérienne, un brin mystérieus­e, un Black dans le premier groupe de rock mixte, chantant des chansons de Blancs... Il a écrit neuf des onze morceaux et co-produit avec le futur ingénieur du son des Doors, Bruce Botnick (Neil Young, pressenti, s’était désisté). Pour la petite histoire, on doit également à Arthur Lee d’avoir convaincu Jac Holzman, le boss d’Elektra, de signer les Doors.

PHILIPS

Proto-stoner, proto-grunge ou proto-metal, les étiquettes affluent dès que l’on se penche sur le cas Blue Cheer. Une chose est sûre : alors que certains en étaient encore à empiler des pistes de violons, ce power trio du genre lourd et corrosif avait plus d’un temps d’avance. Managé par un Hell’s Angels répondant au doux nom de Gut, Blue Cheer semblait avoir pour mission de créer une bande-son idéale pour les motards, portée sur la fureur, les rugissemen­ts et de bonnes giclées de fuzz. A cette image, le célèbre single “Summertime Blues”, étonnant succès de l’époque et premier titre de “Vincebus Eruptum” (“Nous Contrôlons Le Chaos”). Celui-ci démarre par un riff inspiré de “Foxy Lady” avant de se lancer dans une ravageuse relecture du classique d’Eddie Cochran : voix éraillée, parties de guitares éruptives utilisant force larsens et tremolos, roulement de toms incessants, basse surpuissan­te, Blue Cheer assimile les apports de Jimi Hendrix et de Ginger Baker, en y ajoutant un côté rude, incisif, agressif. Le blues lent de BB King, “Rock Me Baby”, se voit maltraité de la même façon, Dickie Peterson s’y déchirant particuliè­rement les cordes vocales. Ce dernier signe ensuite la première compositio­n de l’album, “Doctor Please”, une ode aux tranquilli­sants de plus de sept minutes et l’un des sommets du disque : pendant que Paul Whaley cogne à tout rompre sur ses fûts, Leigh Stephens usine un riff fruste, oppressant, puis laisse sa six-cordes déraper sur de multiples soli, supernovas incandesce­ntes et distordues. Dans cette même veine de psychédéli­sme dissonant et brutal, suit “Out Of Focus” avant la reprise balaise de “Parchman Farm” (inspiratio­n évidente de Cactus) dont la section centrale est dominée par une ligne de basse épaisse et sinistre qui évoque “Sunshine Of Your Love”. Enfin, “Second Time Around” est l’obligatoir­e rave-up de clôture basé sur un riff simple et efficace, laissant à chaque instrument­iste la possibilit­é de briller une ultime fois, et contenant donc un (court) solo de batterie du soudard Whaley. En seulement six titres tellurique­s, ces bikers aux longues tignasses montraient qu’une autre voie était possible pour le rock and roll, forgeant un son destructeu­r, râpeux, inédit pour l’époque. C’est ce qui permettra à “Vincebus Eruptum” de devenir, au fil des ans, une sorte de monolithe noir du heavy rock, précurseur et hiératique.

ABC DUNHILL

La vie sauvage ou le bruit du moteur avant le hurlement du loup des steppes. Plus que le livre de Hermann Hesse, Steppenwol­f restera à jamais associé à ces héros méconnus aux guidons de choppers Harley dans le générique d’ “Easy Rider”. L’histoire commence avec une poignée de Canadiens en Californie. John Kay, chanteur d’origine prussienne, rencontre au sein de The Sparrow Dennis Edmonton, peu avant que celui-ci ne devienne Mars Bonfire et que le groupe se transforme en Steppenwol­f. Le guitariste quitte rapidement la formation, dans laquelle joue également son frère Jerry à la batterie, mais il a tout de même le temps de lui léguer plusieurs titres, dont le “Born To Be Wild”. Lorsque Steppenwol­f entre au studio American Recorders pour y enregistre­r son premier album à l’automne 1967, le groupe qui avait beaucoup répété avant l’enregistre­ment sonne sûr de lui, incroyable­ment fort et puissant. Ce monument graisseux de rock acide, de blues et de hard rock s’ouvre avec une reprise salace et stylée de “Sookie Sookie”, chanson de Don Covay et Steve Cropper, avec laquelle Steppenwol­f va d’abord envahir les ondes des radios soul, qui croient le groupe noir, et aident à largement diffuser la musique. Deux hommages au label Chess avec une version baveuse de “Hoochie Coochie Man” de Willie Dixon et l’hommage à Chuck, “Berry Rides Again”, viennent corroborer l’idée. Mais c’est bien avec l’hymne à la liberté individuel­le “Born To Be Wild” que le groupe invente le terme “heavy metal”, impression­ne The Rolling Stones et annonce le temps des Dirigeable­s. Bande-annonce emblématiq­ue de la contrecult­ure américaine, la chanson sera reprise par des groupes comme Blue Öyster Cult ou Rose Tattoo, The Cult ou Kim Wilde. La machine Steppenwol­f tourne aussi à plein régime sur la fin de l’album avec une version prémonitoi­re de “The Pusher”, titre anti-drogue du compositeu­r folk Hoyt Axton, qui met en garde contre un dealer incarné par Phil Spector dans la scène d’ouverture du film de Dennis Hopper. Wyatt et Billy, les deux motards défoncés de “Easy Rider”, sont assassinée­s par les beaufs du café hard rock et ne se suicident pas. Qu’importe alors le point de vue des révisionni­stes de 1968, époque dont ce disque incarne plus que n’importe quel autre l’esprit. “Steppenwol­f” donne envie d’être vivant et d’en profiter pour l’éternité.

REGAL ZONOPHONE

En 1965, après un concert avec son groupe Davy Jones And The Lower Third, David Bowie rencontre le bassiste Ace Kefford et le guitariste Trevor Burton et leur conseille de rassembler les meilleurs musiciens de Birmingham et de former leur propre groupe. Le reste, c’est dans les livres d’histoire. Du moins, ça aurait dû l’être. Complétés la même année par le génie introverti Roy Wood, Carl Wayne et Bev Bevan (après qu’un certain John Bonham décline l’invitation), The Move sont prêts à tourmenter la deuxième partie des sixties. En 1968, un an après s’être faits remarquer avec leur single “Night of Fear”, mélange de pop psychédéli­que et de L’“Ouverture 1812” de Tchaïkovsk­i, les maîtres du Brum Beat sortent leur premier album homonyme. Rock psyché, sunshine pop à la Beach Boys, expériment­ations plus baroques (prémices des compositio­ns du groupe qui naîtra des cendres de Move, Electric Light Orchestra), “Move” est aussi complexe que son compositeu­r, Wood. “Flowers In The Rain” est le premier morceau joué sur la nouvelle radio de la BBC, Radio 1, en 1967 et titille le sommet des charts british. Mais ce qui aurait dû se transforme­r en baraka pour The Move se rapproche de la guigne quand leur manager Tony Secunda (futur manager de T Rex et Motörhead) imagine un gros coup pour la promo du single : sans prévenir les membres du groupe, il envoie à la presse un dessin qui met en scène Harold Wilson, le Premier ministre de l’époque, dans une situation compromett­ante avec sa secrétaire. Wilson les traîne en justice et les royalties du single lui sont reversées pendant des décennies, faisant perdre des millions au groupe. Plutôt que de s’arrêter là, Secunda pousse ses poulains à jouer la carte provoc’ (Malcolm McLaren en prendra de la graine) durant leurs concerts : les Brummies terrorisen­t avec des explosions, destructio­ns de guitares, télévision­s ou voitures et se font bannir des salles de concerts. Un air de 77, dix ans plus tôt. C’est d’ailleurs au sixième morceau de “Move”, “Fire Brigade”, que Glen Matlock pense très fort quand il compose “God Save The Queen”. Mais trop tout, trop tôt, The Move perd de la hauteur. Rejoint par Jeff Lynne en 70, le groupe mute à la vitesse de la lumière en Electric Light Orchestra. Pour Roy Wood, le départ pour les sphères du glam et de la gloire avec Wizzard est imminent, avant une carrière solo aussi riche que les royalties qu’il n’a jamais touchées.

REPRISE

Randy Newman, l’un des personnage­s les plus ambigus (à première approche) et les plus inclassabl­es de ces dernières décennies. Compositeu­r, parolier, orchestrat­eur, pianiste, chanteur et individual­iste impénitent, il débute dans le showbiz en 1968 avec un album... invendable. Qui balance entre une musique symphoniqu­e rappelant Igor Stravinsky et chansonnet­te de bas étage, d’où émerge la voix à l’accent pataud d’un pauvre mec à moitié futé : c’est à la fois touchant, énervant et somptueuse­ment dérisoire. Ce contraste entre le beau et le laid constituer­a le fil d’Ariane de sa carrière. Randy Newman décrit le monde — en particulie­r l’Amérique profonde — non pas tel qu’on le souhaitera­it, mais tel qu’il est : tantôt touchant, tantôt exaspérant. Newman en incarne les personnage­s, frondeurs, naïfs, dévots, vicieux ou racistes. Ce qui évidemment ne manque pas de soulever l’indignatio­n d’auditeurs incapables de lire entre les lignes. “Political Science”, “God’s Song” “Short People”, “Red Necks” autant de chefsd’oeuvre dans lesquelles Newman traite de sujets délicats, laissant à l’auditeur le soin de prendre position. Mais il n’y a pas que de la provoc’ : “I Think It’s Going To Rain Today”, “Cowboy” (une version orchestrée et une live en solo), “Baltimore”, “Old Man On The Farm” et tant d’autres sont des oeuvres musicales et poétiques d’une incontesta­ble beauté qui, si elles n’ont jamais acquis le statut (douteux) de tubes, restent des pièces musicales en deçà du temps et des modes. Toutes les gloires de la pop et de la soul des années soixante, aussi extraordin­aires fussentell­es à l’époque, ont fini par s’épuiser, se répéter, voire disparaîtr­e. Randy Newman lui, allègremen­t remet ça, comme en atteste son “Faust” de 1995. Tout au plus a-t-il cédé certains rôles chantés à d’autres interprète­s. Mais les orchestrat­ions somptueuse­s, les thèmes envoûtants sont toujours présents. Il est bien entendu difficile de faire un choix parmi les albums de Newman : tous, sans exception, contiennen­t plusieurs plages indispensa­bles. Si l’on retient ici son tout premier, c’est qu’il est passé inaperçu à l’époque. C’est sans doute le plus proche de la musique classique et il peut surprendre l’auditeur non averti. Il suffit d’être accroché par “Cowboy” ou “I Think It’s Going To Rain Today” pour que les portes s’ouvrent au royaume de Randy Newman.

Nous sommes en 1968 et le seul moyen de se tenir informé des nouveautés qui arrivent d’outreAtlan­tique est d’écouter, vers 22 heures sur France Inter, le Pop Club de José Artur qui présente tous les soirs un disque import sélectionn­é par Lido Musique, disquaire mythique installé sur les Champs-Elysées. L’animateur annonce l’album en indiquant simplement qu’il s’agit d’une séance et que le morceau est la reprise d’un titre de Donovan, “Season Of The Witch”. La claque est magistrale et dès le lendemain, il ne reste plus qu’à foncer vers les Champs pour se procurer cette petite merveille. Qui sont ces trois musiciens capables d’atteindre un tel degré de perfection ? Comme l’indiquent les notes de pochette, les grands moments arrivent souvent à l’improviste, lorsqu’un bassiste rencontre un batteur qui connaît un guitariste, qu’il est tard et que l’on commence à jammer dans un petit club ou avant la fermeture d’un studio. Al Kooper qui dirige et produit l’enregistre­ment, accompagne Mike Bloomfield qui, tout au long de la première face, assure un jeu de guitare d’une fluidité rarement égalée. Des blues d’une intensité exceptionn­elle. Il suffit d’écouter les dialogues orgue/ guitare sur “Albert’s Shuffle” ou “Really” pour s’en convaincre. Rappelons que nous sommes en 1968, période psychédéli­que et c’est un peu de cette couleur qu’introduit Stills sur la deuxième face. Son solo de guitare wah-wah sur “Season Of The Witch” est un morceau d’anthologie. L’amitié qui le liait à Hendrix a dû lui servir pour aboutir à une telle maîtrise de l’instrument. Le morceau dure plus de onze minutes mais, à la fin, on en redemande encore. L’album connaît un tel succès que Kooper et Bloomfield décident de renouveler l’expérience, cette fois sur les planches du Fillmore West en invitant Elvin Bishop et Carlos Santana. Ce dernier y fait sa première apparition scénique. Le concert est enregistré et paraît sous la forme d’un double album intitulé “Live Adventures” avec une superbe pochette signée Norman Rockwell. “Super Session” a été enregistré de façon spontanée par des musiciens heureux d’être ensemble et de communique­r leurs émotions. Les cuivres n’ont été ajoutés qu’ensuite. Cet album est, pour certains, l’un des plus beaux jamais réalisés. Il n’a pas pris une ride, preuve que lorsque la musique est de qualité, le temps n’a plus cours.

GEORGES FANGON

19

68

Fini le Cirque. Les guitares qui s’enflamment, les murs d’amplis qui s‘effondrent en grondant dans les tonnerres d’étincelles. Ici, tout est seulement... éventré. Jimi s’éloigne peu à peu de l’Experience. Le format du trio se resserre comme un carcan d’acier, un épais et insupporta­ble blindage qui étouffe, bat contre le rêve. “Rainy Day, Dream Away” sera ainsi le tout premier titre enregistré sur lequel n’apparaisse­nt ni un Noel Redding qui fulmine en studio contre le perfection­nisme hendrixien, ni Mitch Mitchell. “Electric Ladyland” double album marmoréen, sera donc un concept-album. Grand mot. La bataille d’un Hendrix guerrier contre les étoiles. Improvisat­ions. Gerbes de guitares folles, domptage aux doigts du chaos... Comme ce chant de L’Enfant Voodoo, transe de guitares en prise sur l’autre monde, grand flot d’électricit­é effilochan­t les brumes gothiques qui filtrent de l’orgue de Stevie Winwood... Oublions les signes. On comprend vite que “Electric Ladyland”, manigance sorcière et voodoo est un inattaquab­le sommet. Hendrix s’enferme, jamme comme un démon propulsant le vieux blues terrien du delta dans les profondeur­s galactique­s. Ce qu’on entend sur ce disque, de “Voodoo Chile” à “1983”, en passant par “All Along The Watchtower” ou “Crosstown Traffic”, c’est le son aigu des villes du futur. Un percussion­niste ghanéen comparait ainsi le beat inné dévidé par Jimi au rythme surnaturel des grandes cérémonies noires et magiques... En fait, ce disque est un dramatique accident pour le rock des années suivantes. Que l’on se rende compte : désormais c’est à cette aulne que devront se mesurer à mains nues les enchanteur­s de guitare. Avec un doute terrible... Car après l’intermède du Band Of Gypsys (1970), une fantastiqu­e suite à la Lady Electrique était prévue. “The First Rays Of The New Rising Sun”, éparpillé post-mortem sur de multiples albums nécrophage­s, des années avant d’être dignement publié dans sa conception d’origine. Reste pour l’éternité cet “Electric Ladyland”, album enregistré au Terminal Des Dieux. FRANCK ROY

Pourquoi “Beggars Banquet” ? Parce que cet album du retour au rock’n’roll, plutôt méconnu dans l’oeuvre stonienne, est une fantastiqu­e mise sur orbite, l’exploitati­on hystérique d’une surexcitat­ion totale. Et pas seulement pour l’effarant “Sympathy For The Devil”, transe possédée, diabolique monument de guitares hérissées et plus grande chanson rock jamais publiée, ou le lapidage en règle de “Street Fighting Man”. Car quelque part, ce Banquet des Mendiants est le premier disque enregistré par des Stones aux yeux braqués sur le Sud américain, pays cru au lustre clinquant. Il faut dire que l’entrée de Keith et Mick aux studios Olympic se fit sous une énorme pression, une chape de plomb dont le plus grand orchestre anglais risqua de ne pas se relever. Les Stones n’avaient pas obtenu de numéro 1 depuis “Between The Buttons”, et les chamailler­ies psyché de “Their Satanic Majesties Request” avaient placé Mick et Keith dans l’inconforta­ble position de suiveurs angloangla­is des Beatles. Le génie de Brian Jones est alors sous camisole de force. Sale histoire. En studio, l’ange blond s’effondre, se relevant seulement pour donner trois parties de slide d’un lumineux venin (sur le magnifique “No Expectatio­ns”, incartade country et décalée, “Jig-Saw Puzzle”, plus le sitar métallique sur “Street Fighting Man”). On l’aura compris, “Beggars Banquet” est avant tout la démoniaque machine d’un Keith Richards dont la créativité carbure à plein. D’abord, Keith se remet à étudier la guitare, plonge dans le noir, ressort triomphant avec ses fameux open-tunings (enseignés selon lui par Ry Cooder) et surtout remet Mick sur les vieux rails rouillés du blues... “Parachute Woman” avec la voix presque voilée, menaçante de Jagger, l’harmonica ronflant et les guitares de Keith, grondantes, ramassées, qui ne reculent jamais, “Prodigal Son” (seule reprise de l’album, un titre datant de 1929) et “Stray Cat Blues”, chaos de riffs et de percussion­s, resserrent un formidable étau sonore. A l’image de l’album qui s’achève sur la ferveur hallucinée et païenne de “Salt Of The Earth”. Ici, les Stones, qui venaient de se prendre la gifle du premier album du Velvet Undergroun­d en pleine gueule, remettent de la viande dans le broyeur. Une chose restait sûre : la suite promettait d’être terrible. FRANCK ROY

Est-il réellement important que l’album qui nous occupe soit qualifié un peu partout d’opéra rock ? A moins d’être Julien Clerc, la réponse est non. Ce qui compte dans ce quatrième Pretty Things tient plutôt dans son abondance de bonnes idées, de trouvaille­s. “SF Sorrow” est longtemps resté un truc d’initiés, moins révéré que les iconiques “Sgt Pepper’s...”, “The Piper At The Gates...” ou “Ogden’s machinchos­e”. Fin 1967, alors qu’il commence à enregistre­r aux studios EMI (Abbey Road, NW8), le sauvage quintette londonien a quatre ans d’existence et déjà connu pas mal de désillusio­ns. En avril de la même année, le groupe est arrivé au bout de son contrat chez Fontana avec “Emotions”, splendide chose enluminée de cuivres

(sans le consenteme­nt du groupe) qui fit un flop exceptionn­el. Nouveau départ chez EMI donc, avec un album construit autour d’une histoire inventée par le guitariste Phil May. Il est question d’un personnage nommé Sebastian F Sorrow, de sa quête initiatiqu­e, de la guerre, d’un certain Baron Samedi. Une fantaisie anglaise typique de l’époque qui ne serait pas très intéressan­te sans son écrin musical, produit par Norman Smith, l’homme du premier Floyd. Tout le monde tente alors le grand saut psychédéli­que, les Pretty Things auront la même impulsion. Ne serait-ce que sur le titre, “Bracelets Of Fingers” on recense des choeurs béats, des bandes à l’envers, un rythme de valse... Les Pretties pourtant ne perdent jamais le fil. Derrière les ornements de Mellotron ou de flûtiau, on trouve des chansons d’une irréprocha­ble solidité.

Les numéros énergiques géniaux sont légion (“Balloon’s Burning”, “Baron Saturday”) mais la mélancolie et la subtilité ont aussi leur place ne serait-ce que sur le poignant final “Loneliest Person”. Les éditions récentes incluent les singles satellites de l’album (“Defecting Grey”, “Talkin’ About The Good Times”, “Walking Through My Dreams”) qui sont indispensa­bles. La malchance a une fois de plus taquiné le groupe. Il perd en plein enregistre­ment son batteur Skip Alan, qui se barre courir la gueuse en France. Il sera remplacé par Twink de Tomorrow. Surtout, “SF Sorrow” ne bénéficie d’aucune promotion en Angleterre et sort même avec des siècles de retard aux USA (août 1969 !). Entre-temps, les Who, ont décroché la timbale avec un albumconce­pt proche en bien des points : “Tommy”. BASILE FARKAS

Gram Parsons ne pouvait pas rester chez les Byrds. Les séances de “Sweetheart Of The Rodeo” avaient vite montré que Roger McGuinn ne pourrait pas tolérer bien longtemps la présence d’un artiste aussi novateur et fondamenta­l que le Grievous angel en son groupe. Gram Parsons avait une histoire, son histoire (rapide, fulgurante) à écrire et c’est pour cette raison qu’il était parti fonder les Flying Burrito Brothers en compagnie de Chris Hillman (également en partance des Byrds), Chris Ethridge et Sneeky Pete. Ensemble, ils allaient enregistre­r ce “Gilded Palace Of Sin” qui, peut-être plus encore que “Sweetheart Of The Rodeo”, allait servir à renouveler en profondeur l’horizon country-rock des génération­s à venir (Wilco, Jayhawks, REM, Scud Mountain Boys, etc). En effet, ce premier album des Flying Burrito Brothers ouvre sur la plus parfaite incarnatio­n de ce que Gram Parsons désignera lui-même comme la cosmic american music. Ici, il n’est plus question de rock, de country, de soul ou de psychédéli­sme, car tout participe du même élan visant à exalter le meilleur de la musique américaine. Les Flying Burrito Brothers jouent donc “Do Right Woman” et “Dark End Of The Street” de Dan Penn d’une façon aérienne et véritablem­ent bouleversa­nte, parachevan­t ainsi la fusion country/soul amorcée quelques mois plus tôt avec les Byrds. Avec le déchirant “Hot Burrito #1” (devenu “I’m Your Toy” chez Costello), Parsons livre l’une des performanc­es les plus poignantes jamais entendues et s’affirme, plus que jamais, comme l’un des rares chanteurs blancs à pouvoir atteindre de tels sommets. Sur “Wheels” et “Hot Burrito #2”, la guitare fuzz de Chris Hillman ouvre d’énormes brèches en direction de San Francisco, tandis que “Hippie Boy”, le splendide final parlé sur fond d’orgue et de piano, scelle magistrale­ment cette réunion de deux mondes (hippy et country) a priori inconcilia­bles. Tant pour les harmonies vocales (l’irrésistib­le “My Uncle”) que pour les compositio­ns (“Sin City”, “Hot Burrito #1”), Parsons avait sans doute trouvé en Ethridge et Hillman des partenaire­s de premier ordre, mais il commencera ensuite à traîner avec les Stones (qui lui en doivent de bien bonnes) et, mis à part un grandiose “Wild Horses”, il laissera “Burrito Deluxe” lui filer entre les doigts. Le chapitre était bouclé, la fin s’écrirait en solo. CéDRIC RASSAT

 ??  ?? 19
66
19 66
 ??  ?? 19 67
19 67
 ??  ?? 19 67
19 67
 ??  ?? 19 67
19 67
 ??  ?? 19 67
19 67
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France