Dusty Springfield
“DUSTY IN MEMPHIS”
ATLANTIC
Disons-le tout net, avant cet album, Dusty Springfield n’était pas Petula Clark mais pas loin... Le timbre, heureusement pour elle, n’était pas sans évoquer la divine Dionne Warwick. Le répertoire bacharachien non plus. Et puis il y avait eu le très épatant “A Girl Called Dusty” incluant quelques perles joliment enfilées dont le grandiose “Do Re Mi” (et son chouette leitmotiv “forget about the Do, think about Mi”) mais, franchement, l’Anglaise et sa choucroute manquaient nettement de piquant. L’idée, donc, de l’emmener à Memphis en territoire nègre pour y perdre son pucelage chez les ténors du son Atlantic était particulièrement brillante, sinon hautement coquine et risquée. Avec, au répertoire, la crème des compositions signées par les deux grands couples du genre (Goffin-King, David-Bacharach) et un titre déjà mètre étalon avant même d’être torché, la dame avait de quoi saliver. “Son Of A Preacher Man” avait été refusé par Aretha Franklin, la comparaison était dès lors impossible. D’où le génie de “Dusty In Memphis”... La blonde n’essaie pas d’y chanter noir, au contraire. Apportant le sucre glace et une sensualité fleur bleue d’Anglaise chochotte, elle pervertit sans s’en rendre compte un genre dont les canons étaient presque trop clairs. Et érotise l’affaire. Il sort de sa gorge blanche le chant le plus innocemment troublant de cette soul vingtquatre carats, tout en violons et guitaresitar. Châssis fragile à l’opposé des formes montagneuses d’Aretha Franklin, chant voilé et susurré, on sait que Dusty Springfield caresse son micro avec un air de collégienne effrayée quand Tina Turner le tête toutes griffes dehors. Dans l’histoire de la soul, c’est la seule Blanche à posséder cette sensualité totalement, insupportablement authentique, puisque certainement non délibérée.
Et Jerry Wexler, le Sam Phillips de la musique noire, en vrai médium, accepte pour une fois de baisser la garde en lorgnant du côté du son Lee Hazlewood, saupoudrant le tout de violons parfaitement élégants, et de cuivres qui, exceptionnellement, se font caresses. Ce qui donne à “Dusty In Memphis” cet aspect fourrure.
On sait inévitablement qu’en dessous...