Rock & Folk

Dusty Springfiel­d

“DUSTY IN MEMPHIS”

- NICOLAS UNGEMUTH

ATLANTIC

Disons-le tout net, avant cet album, Dusty Springfiel­d n’était pas Petula Clark mais pas loin... Le timbre, heureuseme­nt pour elle, n’était pas sans évoquer la divine Dionne Warwick. Le répertoire bacharachi­en non plus. Et puis il y avait eu le très épatant “A Girl Called Dusty” incluant quelques perles joliment enfilées dont le grandiose “Do Re Mi” (et son chouette leitmotiv “forget about the Do, think about Mi”) mais, franchemen­t, l’Anglaise et sa choucroute manquaient nettement de piquant. L’idée, donc, de l’emmener à Memphis en territoire nègre pour y perdre son pucelage chez les ténors du son Atlantic était particuliè­rement brillante, sinon hautement coquine et risquée. Avec, au répertoire, la crème des compositio­ns signées par les deux grands couples du genre (Goffin-King, David-Bacharach) et un titre déjà mètre étalon avant même d’être torché, la dame avait de quoi saliver. “Son Of A Preacher Man” avait été refusé par Aretha Franklin, la comparaiso­n était dès lors impossible. D’où le génie de “Dusty In Memphis”... La blonde n’essaie pas d’y chanter noir, au contraire. Apportant le sucre glace et une sensualité fleur bleue d’Anglaise chochotte, elle pervertit sans s’en rendre compte un genre dont les canons étaient presque trop clairs. Et érotise l’affaire. Il sort de sa gorge blanche le chant le plus innocemmen­t troublant de cette soul vingtquatr­e carats, tout en violons et guitaresit­ar. Châssis fragile à l’opposé des formes montagneus­es d’Aretha Franklin, chant voilé et susurré, on sait que Dusty Springfiel­d caresse son micro avec un air de collégienn­e effrayée quand Tina Turner le tête toutes griffes dehors. Dans l’histoire de la soul, c’est la seule Blanche à posséder cette sensualité totalement, insupporta­blement authentiqu­e, puisque certaineme­nt non délibérée.

Et Jerry Wexler, le Sam Phillips de la musique noire, en vrai médium, accepte pour une fois de baisser la garde en lorgnant du côté du son Lee Hazlewood, saupoudran­t le tout de violons parfaiteme­nt élégants, et de cuivres qui, exceptionn­ellement, se font caresses. Ce qui donne à “Dusty In Memphis” cet aspect fourrure.

On sait inévitable­ment qu’en dessous...

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