Rock & Folk

Carole King

“TAPESTRY” EPIC

- JEROME SOLIGNY

Si Carole King avait interrompu sa carrière de songwriter en 1961, après avoir écrit “Will You Love Me Tomorrow” pour les Shirelles avec son mari Gerry Goffin, son nom serait de toute façon resté gravé dans les annales de la pop américaine. Thème favori d’une génération, cette chanson, comme d’autres qu’elle composa pour les Drifters, Little Eva (“The Loco-Motion”), les Cookies (“Chains” repris par les Beatles) ou Aretha Franklin, faisait étalage d’un tel talent d’écriture que lorsque l’éditeur Don Kirshner l’incita à interpréte­r elle-même ses compositio­ns, la gamine de Brooklyn devenue star dans l’ombre ne se fit pas prier. “Tapestry”, son troisième album, l’affiche à trente ans en pleine possession de moyens qu’une déjà longue expérience du métier et des déboires privés surmontés ont contribué à renforcer. Lorsque le producteur Lou Adler (l’homme du festival de Monterey) l’incite à jouer la carte de l’authentici­té au détriment d’arrangemen­ts complexes, celle qui a fourbi ses armes auprès de Neil Sedaka — il l’immortalis­a dans son hit “Oh ! Carol” — Paul Simon ou James Taylor, accepte d’interpréte­r ses compositio­ns au piano, soutenue par une formation guitare/ basse/ batterie des plus basique. C’est dans ce simple appareil qu’opère le charme de “Tapestry” : tout au long de ces douze chansons soft rock, Carole divorcée et transplant­ée à Los Angeles se raconte sans fioritures ni compassion (“I Feel The Earth Move”, “So Far Away”), toise ses regrets (“It’s Too Late” au groove paresseux) et s’affirme en tant que mélodiste d’exception (“Way Over Yonder”, “Tapestry”). C’est d’ailleurs pour que le grand public reconnaiss­e l’artiste à sa vraie valeur que Adler l’invite à enregistre­r ses propres versions de tubes écrits pour les autres. Ainsi, James Taylor, qui s’accapara “You’ve Got A Friend” à la même époque, remercie Carole King en contribuan­t aux choeurs de sa version. “Will You Love Me Tomorrow” est également revisitée, façon ballade, alors que l’interpréta­tion des Shirelles appliquait un tempo plus enlevé. Succès pour Aretha Franklin en 1967, “(You Make Me Feel Like) A Natural Woman”, déposée piano/voix et basse, continue de sonner comme l’une des plus grandes chansons jamais composées par une femme, naturelle de surcroît, à la manière de ce disque multiplati­ne qui, en 1971, montra la voie à tous les singers/ songwriter­s.

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