Rock & Folk

Rory Gallagher

- BENOîT FELLER

“IRISH TOUR ’74...” POLYDOR

Il avait percé en même temps, presque, que Ten Years After et Led Zeppelin, avait été l’une des révélation­s du premier festival de l’île de Wight (1969), sur la scène duquel il était monté avec son groupe, Taste. Rory Gallagher était alors désordonné, anarchique. Mais déjà bluesy et attachant. Guitariste crado et chevelu, galopant devant un mur de Marshall, Gallagher, en scène à cette époque, offrait un spectacle que l’on n’a pas oublié. Taste ne dura pas. Le guitariste commença alors à se produire sous son propre nom. “Irish Tour 74”, son cinquième LP en solo, est sans doute le plus célèbre de tous ses disques et représente son heure de gloire. C’était un autre temps : les artistes enregistra­ient, peu ou prou, ce qu’ils voulaient, dès lors qu’ils s’étaient imposés. Gallagher, à cette époque, tournait sans relâche. Sa musique possède ici ampleur et relief, elle respire. Au long de ce bel album, règne l’aisance qu’un musicien de rock acquiert sur scène et pas ailleurs. “Craddle Rock”, qui ouvre le disque, n’a rien de fulgurant mais symbolise tout ce que Rory Gallagher avait à offrir : un jeu de guitare surprenant et accrocheur, une voix (superbe) et un climat folky et violent, troublé et pourtant nonchalant. Le titre suivant, “I Wonder Who”, est un excellent blues, cool, très électrique. La pépite de cette première face restant “Tattoo’d Lady”, qui évoque un peu les Kinks. La seconde face de l’album vinyle est aussi lourde qu’agréable. Un autre blues, au titre hélas prémonitoi­re : “Too Much Alcohol” avec solo de slide un peu confus mais vivant. “As The Crow Flies”, curieuse folk-song jouée au dobro est plus qu’honorable. Un titre assez pop, “A Million Miles Away”, clôt la face, de bien plaisante façon. Le second volet de l’album annonce le futur... Un futur qui, succès ou pas, sera gâché. Le hard rock va remplacer le blues, et Rory Gallagher n’était pas fait pour jouer du hard rock. La musique que l’on entend ici est encore très bonne. Les morceaux sont plus longs et plus durs que ceux dont il vient d’être question, et ont sans doute un peu vieilli. Le chant de Rory, toujours à son zénith, n’a pas, lui, pris de ride. Sa guitare, ici et là très excitante, fait le spectacle. Elles rappellent, cette guitare et cette voix, un petit bonhomme que nous aimions, et le titre d’une belle chanson de Brassens : “Pensées Des Morts”.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France