Rock & Folk

Steely Dan

- OLIVIER CACHIN

“AJA” ABC RECORDS

Quand le sixième album studio de Steely Dan sort en septembre 1977, le monde de la musique est cerné par l’explosion punk, louant la musique spontanée faite de trois accords, et voue aux gémonies les disques savants et sophistiqu­és comme “Aja”. Il faut dire que la guest-list de ce disque rassemble ce qui se fait de mieux en matière de requins de studio : Rick Marotta, Bernard Purdie et Steve Gadd à la batterie, Larry Carlton, Lee Ritenour, Steve Khan, Jay Graydon et Dean Parks aux guitares, Joe Sample, Paul Griffin et Michael Omartian aux claviers. Donald Fagen et Walter Becker, les deux Dan, étant eux-mêmes plutôt virtuoses, il n’est guère surprenant que le résultat donne un disque à la fois savant et techniquem­ent brillant, mais aussi d’une grande maîtrise. Classé dans le jazz-rock (il eut même droit à une catégorie spécialeme­nt inventée pour lui, “yacht rock”), “Aja” fut, vu par l’historien du jazz Ted Gioia, comme “la preuve que le pop rock pouvait tirer un bénéfice d’une solide adjonction de jazz”. La réécoute de “Black Cow”, un des titres forts de l’album, prouve que le funk coule aussi dans les veines de Steely Dan. Avec sa production luxueuse comme celle d’un Quincy Jones, ce titre blindé de groove servit à donner de la chair à quelques gros bangers hip-hop, dont “Deja Vu (Uptown Baby)” de Lord Tariq & Peter Gunz et “Keep It Gangsta” de 213, le trio composé de Snoop Dogg, Nate Dogg et Warren G. “Deacon Blues”, un des deux singles tirés de l’album (l’autre étant “Peg”, qui resta dix-neuf semaines dans les charts, un record), tire son inspiratio­n de l’auteur Norman Mailer et dresse le portrait d’un jazzman blanc qui se rêve en loser noir bourré de talent. Le solo de saxophone est joué par Pete Christlieb, qui plia l’affaire en deux prises et trente minutes. “Et après ça, j’ai entendu mon solo dans les toilettes de tous les aéroports du monde”, a-t-il déclaré par la suite. Si toutes les musics for airports étaient de cette teneur, on ne décollerai­t plus jamais à l’heure.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France