Buzzcocks
“ANOTHER MUSIC
IN A DIFFERENT KITCHEN” UNITED ARTISTS
Deux potes de Manchester, Peter McNeish et Howard Trafford, partis voir les Pistols à Londres, décident au retour de faire jouer le groupe dans leur ville et de se mettre eux aussi à la musique. Se rebaptisant Pete Shelley et Howard Devoto, optant respectivement pour la guitare et le chant, ils fondent Buzzcocks, avec un bassiste, Steve Diggle, et un batteur de seize ans, John Maher. Pionniers de l’autoproduit avec l’introuvable EP “Spiral Scratch”, ils gravent de futurs standards dès leur coup d’essai. Nés de l’ennui, les Buzzcocks savent le chanter mieux que personne et l’érigent en hymne avec ce premier enregistrement : “Boredom”, “Breakdown”. Howard Devoto parti fonder Magazine, Steve Diggle passe à la guitare et laisse la basse à un nouveau venu, Steve Garvey, tandis que Pete Shelley, de sa voix nasillarde, reprend les rênes. Background Stooges, T Rex et Electric Prunes, avec les Pistols pour déclic, les Buzzcocks ne sont réellement punk qu’avec les premiers singles, nihilistes et bruts. “Another Music In A Different Kitchen”, leur premier album, en porte les traces mais amorce le virage : les mirlitons deviennent cordons bleus. Bref ils passent à la vitesse supérieure : “Fast Cars”. Du punk ils gardent l’énergie mais la transcendent d’une bonne dose de pop, préfèrent l’ “Autonomy” à l’Anarchie, la romance (soit-elle fiction) à la politique, les tracasseries ados d’un petit monde clos aux problèmes du vaste monde. Conservant guitares rapides et poussées d’adrénaline mais accentuant la part mélodique, “Another Music In A Different Kitchen” aligne des morceaux courts et narquois. Sur fond rentre-dedans, il décline la grisaille et l’inadaptation à la vie moderne. Petites chansons pour solitaire, parlant aux individus plus qu’aux masses. Ces morceaux ont le double mérite de pouvoir se prêter tout aussi bien à une écoute recueillie qu’à un pogo dans une salle bondée. Il est ici question de déception, de trahison, d’aliénation, d’amour et d’incompatibilités, thèmes récurrents dans la sphère mancunienne, également chers à leurs contemporains The Fall ou Joy Division. Moins expérimentaux que les premiers, plus enjoués que les seconds, les Buzzcocks prennent du recul, préfèrent la dérision à la déprime, saupoudrent leurs doutes d’un doigt d’humour. Le dosage est subtil et, des années plus tard, fait toujours recette.