Rock & Folk

Buzzcocks

- EMMANUELLE DEBAUSSART

“ANOTHER MUSIC

IN A DIFFERENT KITCHEN” UNITED ARTISTS

Deux potes de Manchester, Peter McNeish et Howard Trafford, partis voir les Pistols à Londres, décident au retour de faire jouer le groupe dans leur ville et de se mettre eux aussi à la musique. Se rebaptisan­t Pete Shelley et Howard Devoto, optant respective­ment pour la guitare et le chant, ils fondent Buzzcocks, avec un bassiste, Steve Diggle, et un batteur de seize ans, John Maher. Pionniers de l’autoprodui­t avec l’introuvabl­e EP “Spiral Scratch”, ils gravent de futurs standards dès leur coup d’essai. Nés de l’ennui, les Buzzcocks savent le chanter mieux que personne et l’érigent en hymne avec ce premier enregistre­ment : “Boredom”, “Breakdown”. Howard Devoto parti fonder Magazine, Steve Diggle passe à la guitare et laisse la basse à un nouveau venu, Steve Garvey, tandis que Pete Shelley, de sa voix nasillarde, reprend les rênes. Background Stooges, T Rex et Electric Prunes, avec les Pistols pour déclic, les Buzzcocks ne sont réellement punk qu’avec les premiers singles, nihilistes et bruts. “Another Music In A Different Kitchen”, leur premier album, en porte les traces mais amorce le virage : les mirlitons deviennent cordons bleus. Bref ils passent à la vitesse supérieure : “Fast Cars”. Du punk ils gardent l’énergie mais la transcende­nt d’une bonne dose de pop, préfèrent l’ “Autonomy” à l’Anarchie, la romance (soit-elle fiction) à la politique, les tracasseri­es ados d’un petit monde clos aux problèmes du vaste monde. Conservant guitares rapides et poussées d’adrénaline mais accentuant la part mélodique, “Another Music In A Different Kitchen” aligne des morceaux courts et narquois. Sur fond rentre-dedans, il décline la grisaille et l’inadaptati­on à la vie moderne. Petites chansons pour solitaire, parlant aux individus plus qu’aux masses. Ces morceaux ont le double mérite de pouvoir se prêter tout aussi bien à une écoute recueillie qu’à un pogo dans une salle bondée. Il est ici question de déception, de trahison, d’aliénation, d’amour et d’incompatib­ilités, thèmes récurrents dans la sphère mancunienn­e, également chers à leurs contempora­ins The Fall ou Joy Division. Moins expériment­aux que les premiers, plus enjoués que les seconds, les Buzzcocks prennent du recul, préfèrent la dérision à la déprime, saupoudren­t leurs doutes d’un doigt d’humour. Le dosage est subtil et, des années plus tard, fait toujours recette.

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