Van Halen
“VAN HALEN” WARNER BROS
Il est d’abord nécessaire de rappeler le contexte particulier de 1978. Les trois prophètes du hard rock — Led Zeppelin, Black Sabbath et Deep Purple — sont dans un sale état, ou bien séparés. Sur les ondes américaines règnent désormais Aerosmith, Kiss ou Ted Nugent. Dans ce lucratif créneau, un espace existe pour un groupe jeune et ambitieux. C’est ici que se pointe Van Halen. Son noyau dur est constitué de deux frères, immigrés néerlandais échoués à Pasadena, banlieue chic de Los Angeles. Au lycée, ils croisent la route d’une grande gueule exubérante douée pour la théâtralité : David Lee Roth. Après avoir débauché le bassiste Michael Anthony chez leur rival local, les quatre chevelus gravissent les échelons des clubs de la labyrinthique Cité des Anges, goupillant pas moins de trois cents reprises. Ce faisant, Eddie Van Halen peaufine dans l’ombre son arme secrète : le tapping. Remarqué par Gene Simmons et Kim Fowley, Van Halen finit par taper dans l’oeil du madré Ted Templeman, producteur chez Warner Bros. S’il avait déjà réussi un coup remarquable avec Montrose, il va transformer l’essai de manière faramineuse avec sa nouvelle trouvaille. Les quatre garçons entrent dans les fameux studios Sunset Sound gonflés à bloc, prêts à en découdre. Partant d’une base zeppelinienne, ils y ajoutent insouciance, bonne humeur et des refrains taillés pour les stades. L’album s’élance sur l’exaltante “Runnin’ With The Devil”, suivie par le célèbre déluge de tapping d’ “Eruption”. Eddie métamorphose ensuite “You Really Got Me”, ponctuée par les glapissements sexy de David Lee Roth. “Ain’t Talkin’About Love” invente quasiment le modèle de scie glam metal qui régnera pendant la décennie à venir. Cette face A dantesque se clôt sur la supersonique “I’m The One”, clin d’oeil aux Beach Boys en renfort, et la face B garde la même fraîcheur, avec le blues grivois de “Ice Cream Man” ou “Little Dreamer”. Van Halen ne fera jamais mieux, mais voguera tout de même vers la gloire mondiale.