Kraftwerk
“THE MAN MACHINE” KLING KLANG
Kraftwerk, comme un centre d’attraction magnétique pour des artistes contradictoires. Aussi bien adulé par la génération electro du rap (dont Arthur Baker, lequel produisit pour Afrika Bambaataa l’historique “Planet Rock” qui détournait le “Trans-Europ-Express” kraftwerkien) que par les techno wizzkids, ce groupe allemand signait en 1978 avec “Man Machine” son album le plus achevé, entre le hiératique “Trans-Europ-Express” et le très froid “Computer World”. L’ouverture est si classique qu’elle tournerait presque au cliché : sur fond de machines qui semblent mollement s’éveiller à la vie, une voix désincarnée ânonne :
“We are the robots/ We’re fonctionning automatic...” La métaphore futuriste se poursuit avec “Spacelab”, suite cosmique qui mixe les nappes apaisantes aux percussions électroniques tressautantes. “Metropolis” est une chanson d’ambiance évoquant le fameux film de Fritz Lang. Comme un space-opéra audio, le morceau éponyme entraîne l’auditeur dans une spirale synthétique dont tout semble contrôlé au millimètre. “The Model”, pop song désincarnée, récitée d’une voix blanche par Ralf Hutter, fut un single-ovni lors de sa sortie tandis que “Neon Lights” est une ode à la ville déserte et éclairée, comme un distant cantique en l’honneur de la fée Electricité. L’esthétique constructiviste russe de la couverture est à prendre au second degré : l’idéologie n’est guère présente dans la musique des Fab Four du Kling Klang Studio et le message de “Man Machine” réside dans sa musique. Une musique qui, malgré l’ultrasophistication actuelle des ordinateurs, ne sonne pas aussi datée que celle des autres groupes à synthés de l’époque. La reprise de “The Model” par un trio vocal country a prouvé qu’une des raisons de la pérennité kraftwerkienne était l’excellence des compositions. Les quatre Kraftwerk ne s’amusent pas avec les machines, ils travaillent. Dur. Tels des robots, comme ils le disent en guise d’introduction.