Rock & Folk

Elvis Costello

- STAN CUESTA

“THIS YEAR’S MODEL” RADAR

Le punk est mort, vive la new wave. 1978 : tout le monde porte costard étriqué et cravates ficelle, on ne reconnaît plus les employés de bureau des rockers. Employé de bureau, Elvis Costello (pseudonyme ridicule dont il ne réussira jamais à se défaire malgré de multiples tentatives) l’était avant de plonger. Il en garde (de cela et de bien d’autres choses) une rage fièrement revendiqué­e qui longtemps lui servira de moteur. Auteur d’un premier album prometteur (et d’un tube imparable, “Watching The Detectives”) enregistré avec des hippies déguisés, il déboule avec un deuxième disque explosif, son premier avec The Attraction­s. Ce groupe, sous-estimé par l’histoire — le bassiste en fera une vraie jaunisse — était impeccable, virtuose et inventif. Steve Nieve aux claviers, sorti tout droit de la Royal School of Music, n’avait jamais touché au rock et ça s’entend : il invente tout simplement un style fait de savoureuse­s dégoulinad­es pianistiqu­es néoclassiq­ues et, surtout ici, d’orgue au son super cheap rappelant le style tex-mex frénétique des groupes proto-punk sixties. Bruce Thomas joue des lignes de basse totalement nouvelles, influencée­s par le reggae, le jazz ou le R&B. Enfin Pete Thomas (sans lien de parenté) est tout simplement l’un des meilleurs batteurs de l’époque. Elvis, lui, développe sur sa Jazzmaster un style de guitare rudimentai­re mais original, empruntant à l’idiome surf. Et il chante avec une colère déchirante (“Lip Service”). Le tout donne une espèce d’orchestre furieux où tout part dans tous les sens, une sorte de Cream after-punk. Ce qui cimente le tout, ce sont les compositio­ns d’Elvis, perles d’humour mélodiques et sauvages, d’une complexité habilement déguisée. “I Don’t Want To Go To Chelsea” et “Pump It Up” seront des hits mais tous les morceaux de cet album, produit par Nick Lowe, sont savoureux. La réédition CD, comme toujours avec Costello, est un modèle du genre : six inédits de haut vol dont “Radio, Radio” et “Big Tears” (avec le Clash Mick Jones à la guitare), plus des démos de titres qu’on reverra ultérieure­ment. Car cet album n’est qu’un début : avec “Armed Forces” et “Get Happy”, la veine de cet Elvislà semblera intarissab­le. “This Year’s Model” introduit Costello dans le panthéon des grands auteurs, il y rejoint ses maîtres avec lesquels il n’aura de cesse de travailler par la suite.

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