Rock & Folk

The Pogues

- VINCENT HANON

“RUM SODOMY & THE LASH”

STIFF

Marrant que personne n’en ait eu l’idée avant The Pogues. En 1984, le groupe destroy introduit le folklore irlandais dans le punk rock. Avec un tiers de respect, un tiers d’irrespect, un tiers de talent, deux doigts de je-m’en-foutisme et le titre d’une phrase attribuée à Winston Churchill décrivant la tradition navale britanniqu­e, “Rum, Sodomy & The Lash” sort moins d’un an plus tard. The Pogues dérive comme laisse imaginer une pochette détournant “Le Radeau de la Méduse” de Géricault, même si Elvis Costello tient fermement la barre de la production et qu’il ne va pas tarder à épouser la bassiste. Dur en effet de résister à Cait O’Riordan quand elle chante “I’m A Man You Don’t Meet Every Day”. Mais il y surtout la voix tourbée et le sourire édenté du meilleur raconteur d’histoires du Royaume moyennemen­t Uni, titubant mais toujours debout sur le pont. C’est Noël tous les jours chez Shane MacGowan (né un 25 décembre), qui avait rencontré son alter ego, le flûtiste Spider Stacy, dans les toilettes d’un concert des Ramones à Londres. Ce deuxième album regorge de classiques et de chansons de marins échoués dans des ports comme “Sally MacLennane” ou “Dirty Old Town”, titre écrit par le chanteur folk communiste anglais Ewan MacColl, difficile à chanter à jeun. En levant le verre au punk celtique éthylique, The Pogues file un coup de vieux à The Dubliners ou Chieftains. Le groupe pulvérisé réinvente la chanson traditionn­elle irlandaise après des hectolitre­s de Stout et brasse de la pure poésie sur “A Pair Of Brown Eyes”, l’histoire d’un mec bourré dans un bar qui revient de la guerre et parle de sa copine infidèle pendant que le juke-box joue une chanson de Johnny Cash. Avec accordéon et banjo, le chanteur donne vie à chaque mot sur la relecture de “And The Band Played Waltzing Matilda”, chanson anti-guerre du compositeu­r écossais Eric Bogle qui évoque un sergent australien mutilé pendant la bataille de Gallipoli. Prévisible, la fin de ce grand groupe se révèle moins marrante que le début. Joe Strummer vient remplacer au début des années 90 Shane MacGowan, alors complèteme­nt incontrôla­ble. De gueules de bois en prises de tête politiques, The Pogues finit par jeter l’éponge en 1996 et le guitariste Philippe Chevron meurt en 2013 d’un cancer du poumon. No future, pas de merde sentimenta­le, un doigt de mélancolie quand même.

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