Rock & Folk

Elastica

“ELASTICA”

- ISABELLE CHELLEY

GEFFEN

En mars 1995, quand paraît son premier album, Elastica, et surtout sa chanteuse et guitariste androgyne, Justine Frischmann, sont plus souvent dans la rubrique qui couche avec qui chez nos amis les Britpopper­s qu’en une des magazines musicaux. Peu importe, puisque même la presse spécialisé­e s’étendait sur le sujet, renvoyant l’image d’un London toujours swinguant avec, dans le rôle de Marianne Faithfull, une garçonne en cuir et, dans ceux de Mick et Brian, les leaders de Blur et Suede. Et il y a eu la drogue, la rupture, le brouillard toxique des tabloïds qui ont obscurci l’héritage d’Elastica, puisqu’en réécoutant “Elastica”, on constate avec surprise qu’il est meilleur que dans nos souvenirs. Pop et punk à la fois, insolent, truffé de chansons brèves et de sacrés bons singles qui traînaient dans un recoin de notre mémoire. Comme “Line-Up”, son beat lancinant et ses soupirs étouffés, le blondiesqu­e “Annie”, “Connection” et sa flopée de gimmicks, les incursions du côté de chez George Harrison de “Indian Song”, le joyeusemen­t explosif “Vaseline” ou “Stutter”, cocktail de pop harmonieus­e et d’énergie. Les mélodies séduisent sans tapiner, les guitares sont tout en nerfs et, au micro, Frischmann obtient ce ton blasé et charmeur qu’on n’a entendu que chez Debbie Harry, Chrissie Hynde et Niagara (de Destroy All Monsters, groupe culte de Detroit dont Ron Asheton a fait partie). Les influences du quatuor sont parfois transparen­tes, au point que les accusation­s de plagiat voleront bas de la part de Wire et même des Stranglers (estimant que “Waking Up” avait piqué son riff à “No More Heroes”). C’était également le cas dans le reste de la classe Britpop, mais en 1995, le monde n’était pas prêt à croire qu’un groupe aux trois quarts féminin puisse vraiment composer. Se moquant des polémiques, le grand public s’est rué sur “Elastica” qui devient le premier album d’un jeune groupe à se vendre le plus vite à sa sortie, titre détenu jusque-là par “Definitely Maybe”. La suite de l’histoire est moins drôle. Elastica hésite entre brûler et disparaîtr­e à petit feu, sort un second album en 2000. Trop tard, Justine et sa bande ne sont plus l’un des groupes les plus cool de Londres. Un an après, c’est la séparation. Reste un disque quasi parfait et ce sentiment confus qu’il n’y a pas si longtemps, il fut un moment où le grand public avait bon goût.

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19 95

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